Apres les appartements, les voitures, l'uberisation touche depuis quelques années la location de bateaux. Plus besoin de se rendre chez un pro pour louer un voilier ou un bateau à moteur. Il suffit de quelques clics. Ce système n'offre-t-il que des avantages ? Pas pour tout le monde.
C’est le leader de la location de bateaux de particuliers à particuliers. Créée il y a cinq ans par Edouard Gorioux, un breton, et Jérémy Bismuth, Click and Boat n’a cessé de se développer depuis. Installée sur les bords de Seine, à Boulogne-Billancourt, elle emploie 70 personnes auxquelles vont se rajouter, dès cet été, 50 personnes à Marseille. Grâce au rachat de plateformes plus modestes comme Captain’Flit ou Sail Sharing , Click and Boat propose désormais plus de 30 000 bateaux dans une cinquantaine de pays dont 8000 en France. "Le marché français reste l’une de nos priorités, explique Edouard Gorioux, même si 60% de nos clients sont étrangers. On a toujours un bassin de navigation en France notamment en Bretagne. Et on double le nombre de locations d’années en années depuis 2015. Dans l’ouest, on compte déjà 1500 bateaux dans une cinquantaine de ports." Une réussite pour cette start-up qui a su surfer sur la vague d’engouement que suscite la plaisance. En 2016, elle avait pu lever 1 million d’euros puis 4 millions en 2018. Des sommes qui lui ont permis de poursuivre son développement.
Le succès des plateformes
À Saint- Malo, environ 70 propriétaires mais aussi quelques loueurs professionnels ont choisi de mettre leur bateau en location sur Click and Boat. Parmi eux, Jean Beuchet qui loue son bateau, un voilier de 35 pieds, depuis trois saisons. Un ami lui a conseillé la plateforme de location et pour l’instant, Jean n’a jamais eu de mauvaises surprises. "Comme pour Airbnb, l’intérêt c’est que les locataires évaluent le bateau mais aussi loueur et le loueur, les locataires. (Jean est d’ailleurs qualifié de "super propriétaire" sur le site) Et puis moi, je veux profiter de mon bateau. La plateforme me permet de le louer à la carte, trois ou quatre semaines par an. Ce n’est pas un business, cela me permet juste de payer les charges comme la place de port."
Jean loue son bateau entre 1500 et 2000 euros la semaine, en fonction de la saison. Comme les appartements, la location des bateaux sur internet par des particuliers a été règlementée. Au-delà de 7846 euros par an, un propriétaire doit s’acquitter des cotisations sociales obligatoires. Cette semaine, c’est une famille suisse qui a réservé le voilier pour une escapade dans les iles anglo-normandes. François de Mestral est un habitué de la location de bateaux mais c’est la première fois qu’il loue directement auprès d’un particulier. "J’en avais un peu marre de louer chez des professionnels. Click and Boat me permet de trouver des bateaux qui ont un peu plus de caractère pour un prix à peu près équivalent." François espère bénéficier aussi de bateaux en meilleur état que ceux proposés parfois par les loueurs professionnels.
Mais le principal atout de la location entre particuliers, c’est le coût. Là ou un loueur professionnel prend 40% de commission mais en contrepartie gère l’entretien du bateau et sa mise à disposition, les plateformes se contentent de 10% à 15%. Au propriétaire ensuite de gérer et d’organiser ses locations. Click and Boat, c’est un peu l’AirbnB de la plaisance avec ses avantages et ses inconvénients.
Les professionnels s’organisent
Mais forcément à ce jeu-là, les loueurs professionnels sont parfois perdants. "C’est vrai que sans internet, certains plaisanciers ne pourraient pas naviguer. Mais depuis 3 - 4 ans, on subit la concurrence des plateformes qui impacte notre chiffre d’affaires. Notre manque à gagner peut se monter à 10 ou 15 %. Forcément, leurs charges ne sont pas comparables aux nôtres" précise Bruno Gourdré qui gère une agence de location à Saint-Malo. "Nos atouts : un suivi technique de nos flottes et donc une meilleure fiabilité des bateaux. On doit se battre pour une montée en gamme du service. Il est urgent d’agir pour reprendre la main car certains professionnels pourraient finir par mettre la clé sous la porte."
Certains, car de plus en plus de loueurs investissent aussi les plateformes de location sur internet, conscients de l’intérêt qu’elles représentent pour leurs entreprises. Ainsi, près de la moitié des bateaux en location sur Click and Boat appartiennent désormais à des loueurs. Et il existe même des plateformes réservées aux seuls professionnels. C’était le cas de Hey Captain, une plateforme nantaise qui à l’automne dernier a été rachetée par le groupe Bénéteau, le leader mondial du bateau de plaisance. Elle propose désormais ses services sur le site Band of Boats, qui regroupe à la fois des offres de location mais propose aussi des bateaux à l’achat et à la vente. Ici, on peut trouver 16 000 bateaux en location en France et dans plusieurs autres pays.
"Nous ne travaillons qu’avec les professionnels", explique Olivier Maynard, le président de Band of Boats. "Car louer un bateau, c’est magique mais ce n’est pas comme louer un appartement. La mer c’est parfois imprévisible. Mieux vaut bénéficier des conseils avisés d’un pro".
Si ces plateformes connaissent aujourd’hui une belle croissance, la mode va-t-elle perdurer dans un marché somme toute restreint ? Les fondateurs de ces start-up veulent y croire et misent sur un marché international en devenir.