Tribune. Il faudra retrouver notre autonomie en énergie, mais aussi en protéines, selon André Pochon

André Pochon est un expert dans le développement durable, infatigable défenseur d'une agriculture "paysanne" et respectueuse de l'environnement. A 91 ans, cet ancien agriculteur nous livre une vision pleine d'acuité sur ce que nous enseignent les impacts de la crise sanitaire mais aussi de la guerre en Ukraine. Tout autant que pour l'énergie, notre autonomie en matière de protéine, pour l'alimentation animale notamment, est primordiale.

Société
De la vie quotidienne aux grands enjeux, découvrez les sujets qui font la société locale, comme la justice, l’éducation, la santé et la famille.
France Télévisions utilise votre adresse e-mail afin de vous envoyer la newsletter "Société". Vous pouvez vous désinscrire à tout moment via le lien en bas de cette newsletter. Notre politique de confidentialité

La France, et encore plus l'Europe, est en manque de gaz et de pétrole. Nous dépendons en particulier de la Russie qui nous dicte sa politique et déclare la guerre à l'Ukraine.

Cependant, il est un autre produit, le soja, dont nous dépendons à 50% d’un autre pays. Que le Brésil mette un embargo sur le soja, comme l'ont fait les États-Unis en 1974, adieu veaux, vaches, cochons, couvées !

Tout cela est le fruit de la mondialisation. Il est plus intéressant d'importer du soja à bas prix provenant du tiers monde que de le produire nous-mêmes ; plus intéressant s’entend : pour le pouvoir d'achat des pays développés.

Aujourd'hui, cette mondialisation est remise en cause. Le virus de la COVID nous a ouvert les yeux avant même la guerre en Ukraine. Il faudra bien retrouver notre autonomie en énergie et en protéines si nous voulons rester un pays libre et indépendant.

En ce qui concerne l'énergie, ce sera long. Il faudra agir sur la sobriété et les énergies renouvelables, et nous avons perdu beaucoup de temps.

C’est à portée de main


En revanche, pour retrouver notre autonomie en protéines, c'est à portée de main. Encore faut-il que les politiques prennent les bonnes décisions. Or, nous disposons de la politique agricole commune (PAC) des 27 pays européens créée en 1962.

La PAC dispose actuellement d’un budget de 50 milliards € consacré à l'agriculture, dont plus de 9 milliards pour la France. Ces 9 milliards d’euros sont distribués chaque année aux 400.000 exploitations françaises : 22.500 € par exploitation en moyenne, mais plus de 100.000 € pour les plus grandes et presque rien pour les petites.


Malheureusement, depuis 1992 cet argent a été distribué aux agriculteurs sans dégressivité ni plafonnement, et sans condition en rapport à l'environnement. De plus, l'importation de soja au prix mondial a bloqué tout développement des oléo-protéagineux en Europe.

D’où notre dépendance actuelle : 13.800.000 tonnes de protéines de soja importées en Europe en 2019, soit l’équivalent d’environ 13 millions d’hectares, ce qui représente la moitié de la superficie agricole de la France. Il est plus que temps que la France et l'Europe retrouvent leur autonomie en protéines !

La PAC, un levier extraordinaire


La nouvelle PAC sera opérationnelle en 2023 ; c’eût été une opportunité à saisir dans le Plan Stratégique National. En effet, les 50 milliards distribués chaque année aux agriculteurs européens constituent un levier extraordinaire pour inciter les agriculteurs à produire à nouveau du soja, des pois, de la féverole, du tournesol … et nourrir leurs bovins et leurs ovins à l’herbe et à la luzerne.

Celles-ci sont riches en protéines, contrairement au maïs-fourrage. Soulignons que la complémentation du maïs-fourrage en protéines est responsable de 50% de notre importation de soja. Il suffit donc de privilégier les aides (ou primes) pour les surfaces en oléo-protéagineux et pour les prairies et la luzerne.

En dépit de la finalisation du Plan Stratégique National (PSN), déclinaison française de la PAC, le besoin de réforme de celle-ci reste entier et indispensable pour notre autonomie protéique.

Tous les dirigeants politiques, et en particulier français, devraient en prendre conscience. Retrouver notre autonomie en protéines passe par la PAC. Les primes devraient être réservées aux seules surfaces en prairies, luzerne et oléo-protéagineux.

Une prime à la surface d'intérêt écologique


Les primes actuelles aux autres surfaces, principalement en céréales, sont à remplacer d'une part par une prime à l’actif présent sur l'exploitation (cette prime doit être dégressive et plafonnée), d'autre part, par une prime à la surface d'intérêt écologique (s.i.e.) telle que définie par Bruxelles : talus, haies, bosquets, landes, mares ... Bien entendu ces deux primes, comme les primes actuelles aux productions animales, devront être rigoureusement conditionnées à la préservation de l'environnement et à la lutte contre le réchauffement climatique.


Voilà ce que la France aurait dû proposer à Bruxelles dans son PSN. On en est loin ! Les investissements prévus dans le PSN paraissent bien peu utiles et insuffisants pour un résultat loin de l’objectif d’être autonomes en protéines. En effet, la filière des oléo-protéagineux est déjà bien organisée et les techniques d’augmentation des rendements parfaitement au point.


La priorité est d’en augmenter la production et de stopper nos importations de soja. Pour y parvenir, il faut augmenter nos surfaces en oléo-protéagineux aux dépens des surfaces en céréales et substituer l’herbe et la luzerne au maïs-fourrage pour nourrir nos bovins et nos ovins. Les 9 milliards de primes PAC versées chaque année aux agriculteurs sont le levier décisif et suffisant pour atteindre notre autonomie en protéines, et même pour produire des excédents.

André Pochon

Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
Veuillez choisir une région
France Télévisions utilise votre adresse e-mail pour vous envoyer la newsletter de votre région. Vous pouvez vous désabonner à tout moment via le lien en bas de ces newsletters. Notre politique de confidentialité
Je veux en savoir plus sur
le sujet
Veuillez choisir une région
en region
Veuillez choisir une région
sélectionner une région ou un sujet pour confirmer
Toute l'information