Vilaine journée 2/2 : "J’ai dû fermer ma boîte, je pêche de mon jardin, je pense à ceux qui sont cloîtrés en appart"

Deuxième journée de confinement et nouvelle rencontre sur les bords de Vilaine. À Pont-Réan, de l’eau coule toujours sous le pont, mais la vie s’est bien vite ralentie. Sur les berges, un homme pêche à la ligne du muret de son jardin. Décor de carte postale, mais c'est pas les vacances. 

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"J'ai dû fermer ma boîte, mettre des gens au chômage, c'est tout sauf anodin. Me voilà confiné, mais j'ai un bout de jardin qui donne sur la rivière. Y'a pire."

Raphaël habite une petite maison sur les bords de Vilaine à Pont-Réan. Coin de paradis sur terre quand le monde tourne rond. En cette matinée du 18 mars, il oscille entre sa terrasse où sa petite famille prend le petit déjeuner, et sa canne à pêche qui le ramène "à l'essentiel".  


Dix salariés au chômage technique


Dans la vie, Raphaël est chef d’entreprise. Aménagement de cuisine et d’intérieur, aux portes de Rennes, à 10 minutes d’ici. Avec l'épidémie de coronavirus, ses fournisseurs allemands ont déclaré forfait, il n’y a plus d’approvisionnements. Impossible de continuer, alors il a fermé. "Avec à la clé une dizaine de salariés en chômage technique. Pas simple."


Ses deux filles confinées, l'une auprès de lui et l’autre au bout du monde  


Le voilà donc à la maison, avec sa femme et l’une de ses filles. Tous les trois confinés dans ce petit paysage dont on ferait bien une carte postale si la vie suivait un long fleuve tranquille. On n’y est plus.

Thierry parle d’abord des absents. D’une autre de ses filles notamment, en stage sur l’île néerlandaise d'Aruba dans les Caraïbes, au nord du Vénézuela. Etudiante en master de droit, elle avait trouvé un bon plan au fin fond des Antilles. Mais çà c’était avant le coronavirus. La voilà désormais confinée comme tout le monde, mais au bout du monde. 


Ici, on s'impose des règles, on n’est pas en vacances...


Ici, raconte Raphaël, "on essaie d’instaurer des règles. On se lève, on se douche, on s’habille… et on travaille un peu. Comme avant."  À commencer par Lisa, 10 ans, en classe de CM2.

La fillette dit que "jusqu’ici ça va… mais bon...."  Elle ne voit plus ses copines, et elle trouve le temps long, déjà. Lisa doit travailler ses cours via le site internet de l’école. "Ce sera 2 heures par jour, lui rappellent ses parents, on n’est pas en vacances", avant de souligner que "les réseaux sociaux, va falloir limiter." Pour l'instant, les parents ne font que souligner, et pas encore en rouge. Ça pourrait venir.       

La maman de Lisa, elle aussi, est en chômage technique. Elle loue ici une chambre sur les bords de Vilaine. Mais depuis 15 jours, la liste des clients a fondu à la vitesse d’une pile de paquets de pâtes dans un grand magasin.

"On est pas loin du parc expo, détaille Paloma. D'ordinaire, on a pas mal de commerciaux de la région parisienne qui viennent pour les salons. Mais comme il n’y a plus de salons, il n’y a plus de commerciaux. Tout le monde est confiné, chacun chez soi. C’est morne plaine."
 

On ressent la fragilité du monde 


Raphaël lui retourne faire un saut régulièrement dans son entreprise. "Je suis obligé, on a des dossiers à gérer, des clients à contacter. On avait fait pas mal d’investissements, on a les comptes à sec, on verra. Je suis inquiet pour l’avenir de ma boîte, mais ça va bien au-delà".

"On se rend compte que le monde économique est très fragile. Certains commerces auront du mal à se relever malgré les aides. Il faudra tirer les enseignements de toute cette crise."
 

On ne sait plus regarder autour de nous


"Comment je vis ça, toute cette histoire ? Mon regard là-dessus, dit Raphaël, dépasse la crise du coronavirus. Ce que je pense c’est qu’avant, il y a longtemps, on regardait en l’air. Et puis on nous a expliqué qu’il fallait regarder droit devant, et peu à peu, notre champ de vision s’est rétréci. Aujourd'hui, on regarde devant soi, pas plus loin, et de plus en plus bas. On ne regarde plus autour, on ne regarde plus les autres."

"J’espère que cette épreuve nous ouvrira les yeux. Qu’on saura repenser l’économie, la solidarité, le lien social. Qu’on reviendra à l’essentiel, qu’on redonnera du sens à nos vies".


"Quand on voit les réactions dans les supermarchés, ça fait peur, ajoute Paloma. C’est du chacun pour soi. J’espère qu’après la panique, les gens vont prendre du recul. Qu’on saura en finir avec l’individualisme, l'ultraconsommation. Qu'on aura retenu la leçon. C’est pas gagné. Je crains qu’on oublie vite et qu'une fois la crise terminée, tout le monde se remette la tête dans le guidon."


On rêve de se retirer dans un petit hameau pour s’écarter de ce monde de fou

 


Pourtant au calme sur les bords de Vilaine, la petite famille ajoute qu'elle rêve d'encore plus de sérénité. "Depuis trois ans, on avait déjà la volonté d’aller vivre en Bourgogne, ma région d’origine, raconte Raphaël. Dans un tout petit village, loin de tout, pour s’écarter de ce monde de fou. Cette histoire va sans doute conforter notre envie."  


"On pense à ceux qui sont cloîtrés dans des appartements"


Au vu de l'épidémie, Raphaël pense que le confinement risque de durer bien plus que 15 jours. "Ce sera au moins coeff 2, et peut-être coeff 3. Ca va être long, mais on est au bord de l’eau, avec un petit bout de jardin, on respire. On pense aux familles nombreuses cloîtrées en ville dans leurs appartements. Ça doit être infernal."

Et puis, sur son muret, Raphaël finit par reposer sa canne à pêche. Il retourne travailler. Il n'a pas pris de poisson, mais c'était pas le but. L’essentiel est ailleurs.
 
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