La prolifération de poulpes dans les fonds marins est un fléau pour les pêcheurs de la côte Atlantique. Cette année, ils dévorent mollusques et crustacés et privent tous les pêcheurs du grand ouest. Pour en savoir plus sur ce phénomène, nous avons interrogé Julien Dubreuil, biologiste marin.
Depuis plusieurs mois, les poulpes ravagent les fonds marins de la côte Atlantique. Homards, tourteaux, coquilles Saint-Jacques, aucune espèce n'est épargnée par l'appétit vorace des céphalopodes. Un manque à gagner énorme pour les pêcheurs de l'ouest de la France car les poulpes s'introduisent parfois dans les casiers et dévorent les prises. Une nouvelle concurrence imprévue qui bouleverse l'écosystème marin ainsi que l'économie de la pêche.
Pour comprendre d'où vient ce phénomène et quelles solutions peuvent exister, nous avons interrogé Julien Dubreuil, biologiste marin à Quimper et chargé de mission pour le Comité régional des pêches maritimes et des élevages marins de Bretagne (CRPMEM).
Julien Dubreuil, avez-vous constaté une prolifération de poulpes ?
Clairement, on est sur une année qui est parfaitement exceptionnelle par rapport à la série historique récente. Des phénomènes de prolifération de poulpes ont déjà été documentés, on en a dans la littérature scientifique sur les années 1950-1960. Je suis en train de consolider les chiffres récents sur le Morbihan. Des chiffres aussi importants que ça, nous n'en avons jamais vu sur les dix dernières années de données. Nous sommes sur des volumes qui sont vingt fois supérieurs à ce que l'on avait l'année dernière, donc sur des tonnages qui sont proprement hallucinants.
Quelles sont les raisons de cette prolifération ?
Ce qui fait qu'une prolifération comme ça peut arriver, c'est très probablement les conditions hydroclimatiques favorables qui ont permis à l'espèce d'avoir un très bon succès reproducteur l'année dernière. Les espèces qui se sont reproduites ont vu plus de juvéniles arriver à l'âge adulte et étant donné que c'est une espèce à croissance très rapide, elle vit peu longtemps. Généralement le poulpe vit entre une et deux années, il doit grandir très vite et donc manger beaucoup. Il a un système digestif qui est adapté pour manger une quantité de nourriture importante, principalement des coquillages et des crustacés, du homard, du tourteau, des coquilles Saint-Jacques, des vernis, des praires. C'est la nourriture cible principale.
Comment faire pour protéger ces ressources et les entreprises de pêche ?
C'est très compliqué. Il y a plusieurs axes sur lesquels travailler. Déjà, on est obligés d'adapter la gestion. On a parlé des premiers gisements de coquilles du Morbihan qui ont ouverts cette semaine [mi-octobre 2021, NDLR], la gestion a été complètement adaptée, moins de licences ont été attribuées, moins de jours de pêche sur le calendrier annuel et moins de temps de pêche. C'est une adaptation qui est absolument nécessaire au fait qu'il y ait moins de coquilles sur le gisement.
Il y a une autre nécessité et ça c'est une nécessité forte, c'est de pouvoir pêcher et ramener tous ces prédateurs. Les poulpes, que ce soit à la drague, au casier ou au chalut, doivent être ramenés. Il ont une valeur commerciale et surtout, ce qu'il faut entendre, c'est qu'un poulpe à terre, c'est un poulpe qui ne mange plus les coquillages sur les gisements. Donc c'est pour cela que je vous parlais du soutien des pouvoirs publics, il faut qu'ils soient alertés et qu'on ait une souplesse sur la réglementation.