Suite à sa tribune dans Le Parisien, la pneumologue brestoise Irène Frachon nous a détaillé les raisons de son appel à se faire vacciner. Elle analyse avec la même logique les bénéfice du vaccin et les dangers du médicament Mediator qu'elle combat depuis 2007.
"Vaccinons-nous, vaccinez-vous" ; c'est le titre de la tribune d'Irène Frachon publiée ce mardi 6 juillet par Le Parisien. La pneumologue du CHRU de Brest, qui s'est peu exprimée sur la question depuis le début de l'épidémie explique à France 3 Bretagne les raisons de cet engagement.
Pourquoi prendre la parole aujourd'hui, en plein débat sur la vaccination, notamment des soignants ?
"Je me suis aperçue qu’il y avait, notamment sur les réseaux sociaux, une récupération du scandale du Mediator pour dénoncer un soi-disant scandale des vaccins contre la Covid. Comme si ça cautionnait des discours antivax. Donc ça m’a beaucoup choquée parce que je suis absolument convaincue de l’efficacité de ces vaccins contre la Covid et j’ai voulu couper court à la récupération du scandale du Mediator.
Mon nom a été utilisé sans vergogne comme si j’allais devenir moi aussi une antivax militante ce qui n’a rien à voir avec la dénonciation du Mediator. Il y a des affaires inacceptables qui nécessitent qu’on reste vigilants, qu’on demande la transparence des industriels mais il faut vraiment encourager à cette vaccination de façon claire, nette."
"La médecine fondée sur les preuves"
Pourquoi, selon vous, peut-on faire confiance aux vaccins contre la Covid-19 ?
"Les critères qui m’amènent à prendre position en faveur du vaccin sont exactement les mêmes que les analyses que j’avais faites pour me convaincre de la dangerosité du Mediator, c’est-à-dire la médecine fondée sur les preuvres. On regarde comment les thérapeutiques sont testés. Pour étudier l’efficacité ou les risques d’un médicament, il y a une méthodologie qui a fait ses preuves très largement et qui explique beaucoup d’innovations thérapeutiques.
On prend un groupe de malades qu’on va traiter, vacciner par exemple, et un groupe de malades qui ne vont pas être vaccinés, et pendant les semaines qui suivent, on regarde qui va attraper le Covid et qui ne va pas l’attraper. Et on s’est aperçus, sur des dizaines de milliers de personnes, que le vaccin protégeait de l’infection Covid 90% des personnes vaccinées alors qu’un pourcentage très élevé de personnes non vaccinées contractait le Covid.
A partir de là, statistiquement, on peut penser que ce qui a protégé ces personnes, c’est le fait qu’elles aient été vaccinées. Ce n’étaient pas des gens qui restaient chez eux, comme dans un bunker. On a pris des groupes de personnes comparables."
Une impression, sur une personne ça ne vaut rien. Il faut des comparaisons de grandes populations de personnes. C’est comme ça qu’on teste les médicaments
Les vaccins ont été développés très rapidement. Comment savoir si d'autres résultats ne diront pas le contraire des premiers tests ?
"Les phases 1, 2 et 3, qui sont expérimentales, se sont déroulées, les études publiées. Durant la phase suivante, où le vaccin est distribué, on parle de pharmacovigilance pour identifier les complications rares qui n’ont pas été détectées pendant la phase expérimentale.
Une fois que les vaccins obtiennent leur autorisation de mise sur le marché (AMM), la deuxième étape est d’observer ce qui se passe dans la vie réelle. Et là, à nouveau, les observations d’efficacité sont absolument éclatantes parce que dans les pays qui ont massivement vacciné : la Grande-Bretagne, Israël, on a vu s’effondrer la mortalité liée à la Covid et il n’y a pas d’autre explication plausible que celle d’une protection par la vaccination d’une majorité de ces personnes.
Malheureusement ça ne protège pas à 100% mais 90% c’est déjà des pourcentages d’efficacité très élevés pour des vaccins, ce qu’on ignore. Celui de la grippe protège moins bien par exemple."
Peser les bénéfices et les risques
Sur les effets secondaires, la pneumologue brestoise met en avant la balance bénéfice-risque, qui est continuellement examiné par les scientifiques, pendant la phase de tests mais aussi pendant toute la vie du médicament. "Il n’y a jamais de médicament ou de thérapeutique, je crois que je n’en connais pas, qui ait zéro risque."
Comment analysez-vous ce bénéfice-risque ?
"Il faut regarder si le bénéfice, individuel et collectif, est supérieur au risque encouru. Dans le cas du vaccin contre la Covid, il protège autour de 90% les personnes vaccinées d’une maladie qui est potentiellement mortelle ou qui peut engendrer un Covid-long avec un handicap lourd, notamment pour les jeunes.
Et d’un autre côté on a quelques effets secondaires, des syndromes grippaux, un inconfort, pas très grave et ce qui a été plus préoccupant des effets potentiellement mortels comme par exemple les thromboses cérébrales mais l’ensemble des recueils laisse penser que c’est une complication très rare. Donc le bénéfice reste positif."
"Je vais faire une comparaison avec un voyage en voiture. Vous savez que vous pouvez vous tuer sur la route, que le risque n’est pas égal à zéro et donc vous allez réfléchir : quel est le bénéfice de prendre la voiture, quelles sont les conditions météo, est-ce qu’il y a du verglas, vais-je pouvoir éviter tel ou tel type d’accident car je sais que je ne peux pas tous les éviter ?
C’est exactement le même raisonnement. Les gens continuent à prendre leur voiture et il y a des morts sur la route. Mais les gens mettent leur ceinture, ils font réviser leur voiture, ils ont un certain nombre de précautions à prendre. On doit raisonner de la même façon avec les médicaments : on lit les notices, on signale les effets secondaires."
Je pense qu’aujourd’hui que tout le monde doit se faire vacciner à la fois pour se protéger des risques des Covid et protéger les proches en empêchant la circulation du virus pour retrouver la liberté d’être ensemble sans avoir peur de son voisin
Cela vous paraissait normal de vous exprimer aujourd'hui ?
"C’était presque un devoir, en tant que personnalité qui inspire une certaine confiance, de profiter de cette confiance pour délivrer le message du médecin que je suis. Je suis extrêmement touchée par les conséquences de la Covid mortelle, parce que ça touche les poumons, ça tue par asphyxie… Je suis touchée par les conséquences du confinement sur la population, la vie sociale. Parce que sans vaccins et en l’absence de traitement efficace, la seule issue c’est le confinement."