A eux aussi les noms d'oiseaux... Depuis l'été dernier, les responsables de la FNSEA apparaissent régulièrement dépassés par leur base, excédée et désespérée. Ce fut encore le cas ce samedi au Salon de l'agriculture.
Son président Xavier Beulin l'a reconnu dimanche sur Europe 1: il n'a pas été prévenu du démontage du stand du ministère de l'Agriculture au Salon ce samedi matin. Une initiative de la fédération régionale d'Ile-de-France dont le bouillant responsable, Damien Greffin, s'était bien gardé d'informer les dirigeants nationaux. M. Beulin avait précisé que la FNSEA, premier syndicat agricole du pays, n'appellerait pas à manifester pendant le Salon, mais s'attendait néanmoins à des mouvements "spontanés", en confiant que certains le viseraient lui, personnellement, dans sa fonction de leader syndical.
Pour cette raison sans doute, il a tardé à désavouer les insultes et les crottins balancés au passage de François Hollande samedi. Avant de les juger dimanche "pas respectables pour la fonction ni pour la personne" et de présenter "des excuses", attribuant ces mouvements à "l'expression d'une colère, d'un désespoir". Et s'il nie être "débordé" par cette base éruptive, difficile de croire qu'il la contrôle totalement. D'autant que lui-même se retrouve régulièrement en première ligne de cette colère.
La FNSEA en difficulté...
"Il n'y en avait pas que pour François Hollande hier", jure dimanche Jérôme De Winter, éleveur laitier dans l'Yonne près d'Auxerre. "Je suis syndiqué FNSEA maisje ne me sens plus du tout représenté par Xavier Beulin", éructe le jeune homme de 27 ans, qui arbore le tee-shirt "Eleveur français - Etat d'urgence". "Il mange à tous les râteliers", accuse-t-il, évoquant les différentes fonctions de l'intéressé, entre autres président des associations nationale et européenne des producteurs d'oléagineux et PDG du groupe Avril, un poids-lourd de l'industrie et de la finance agricoles (6,1 milliards d'euros de chiffre d'affaires en 2015).
... et son président de plus en plus contesté
"Il passe son temps à vouloir éteindre le feu alors que la colère, elle, reste", poursuit le jeune homme qui envisage sérieusement de quitter le syndicat, que préside Xavier Beulin depuis 2010 - il a été réélu en 2014. "Fumier", "vendu", "pourri", le patron de la FNSEA avait déjà reçu un accueil bouillant le 3 septembre 2015 à l'issue de la grande manifestation d'éleveurs, place de la Nation à Paris. Les plus remontés, se recrutaient notamment chez les JA, le syndicat des Jeunes agriculteurs proche de la FNSEA, et plus particulièrement encore chez les éleveurs bretons, doublement visés par l'effondrement des cours du lait et du porc.Paravent de Valls
Certaines exploitations porcines bretonnes perdent jusqu'à 6.000 euros par semaine, reconnait M. Beulin qui n'a pas ménagé sa peine pour attirer l'attention des pouvoirspublics, dont celle du Premier ministre avec lequel le courant passe bien. Dans la région ce sont plutôt les mouvements, nettement plus politiques, des "bonnets rouges" en 2013 ou plus récemment des "bonnets roses" qui ramassent la mise de la contestation. En privé, M. Beulin reconnait avoir "trop servi de paravent" au gouvernement quand les producteurs attendaient de lui qu'il annonce un relèvement des prix. "Depuis un an notre fédération accompagne les mouvements sur le terrain mais c'est vrai qu'on est souvent nous-mêmes dans le viseur", admet Dominique Barrau, son secrétaire général qui dit "le comprendre".
A la tête de la FNSEA, certains dénoncent une forme "d'inculture syndicale", une ignorance du mode de fonctionnement de la fédération, principalement chez les 25/45 ans à la manoeuvre.