La semaine dernière, la Bretagne comme la Normandie sont les premières régions à être passées "en phase épidémique". La grippe frappe en effet désormais la métropole, et survient tôt, menaçant un système de santé déjà à l'épreuve du Covid et de la bronchiolite, alors même que trop peu de Français à risque sont vaccinés.
La Bretagne et la Normandie sont les deux premières régions de métropole à être touchées par l'épidémie annuelle de grippe saisonnière, selon le bulletin hebdomadaire de Santé Publique France. Outre-mer, c'était déjà le cas de la Martinique, Mayotte et la Réunion.
D'autres régions devraient vite les rejoindre, car elles sont en phase pré-épidémique : Auvergne-Rhône-Alpes, le Centre-Val de Loire, le Grand Est, les Hauts-de-France, l'Île-de-France et Provence-Alpes-Côte d'Azur.
La semaine dernière en effet, le taux de consultations en France pour syndrome grippal estimé à partir des données du réseau Sentinelles était de 154 pour 100 000 habitants, en forte augmentation par
rapport à la semaine précédente (102/100 000 hab), soit une évolution de +51%. Une tendance à la hausse observée dans toutes les classes d’âge et particulièrement chez les 5-14 ans et chez les 65 ans et plus.
Une épidémie de grippe précoce
L'arrivée de la grippe n'est pas une surprise, car elle se profilait depuis des semaines. Mais elle survient tôt par rapport aux années précédentes, en particulier la saison dernière : son pic, au début du printemps, avait été très tardif. Surtout, cette année, "la situation est inédite parce qu'il y a plusieurs virus en situation épidémique en même temps, (même si) leur phase d'évolution est différente", souligne l'épidémiologiste Mahmoud Zureik. La grippe vient en effet s'ajouter au Covid, dont les cas et les hospitalisations rebondissent ces derniers jours, et à la bronchiolite, qui provoque chez les bébés
une épidémie sans précédent depuis une dizaine d'années.
Une "triple épidémie"
C'est la "triple épidémie", une situation qui met déjà à l'épreuve les systèmes de santé d'autres pays comme les États-Unis, où les hospitalisations liées à la grippe sont à un niveau particulièrement élevé depuis plusieurs semaines. Pour l'heure, dans les hôpitaux français, la situation n'en est pas là : seule
une vingtaine de patients sont passés en réanimation à cause de la grippe, et trois sont décédés, selon Santé publique France.
Des conséquences sur l'hôpital
Toutefois, on observe déjà "de premiers effets sur notre hôpital", avait prévenu mardi la Première ministre, Elisabeth Borne, à l'Assemblée nationale. Les passages aux urgences pour syndrome grippal ont en effet, sur l'ensemble de la métropole, bondi de moitié en une semaine. Même ordre de grandeur pour les consultations chez les médecins libéraux. Or "la vaccination contre la grippe (...) est malheureusement très basse cette année", avait regretté Mme Borne.
Vaccination en berne
Depuis un mois et demi, les Français à risque, notamment tous les plus de 65 ans, peuvent en effet se faire vacciner gratuitement, mais ils ne sont pas assez à le faire. À environ cinq millions de vaccinés contre la grippe, leur nombre est en nette baisse par rapport à l'an dernier (13%). La vaccination de rappel contre le Covid peine, elle aussi, à décoller.
Un virus à évolution rapide
Cette situation est potentiellement problématique, car la grippe est "particulièrement virulente cette année", selon la Première ministre. Cette affirmation doit toutefois être nuancée. Les données issues de l'hémisphère sud, où l'épidémie de grippe est toujours en avance sur le nord, témoignent certes d'un nombre important de cas sévères. Mais cela n'est pas forcément dû à un virus plus dangereux sur le plan individuel. La souche dominante cette année semble surtout vite évoluer et, ainsi, échapper plus
facilement à l'immunité, provoquant mécaniquement plus d'hospitalisations.
Coexistence ou compétition entre le Covid et la grippe ?
L'une des autres grandes inconnues de la saison consiste à savoir si les virus de la grippe et du Covid peuvent prospérer parallèlement et provoquer deux grandes épidémies. Des infectiologues estiment, au vu des deux dernières saisons, que ces deux virus tendent à difficilement coexister au même moment. Mais cela reste incertain. "Il peut y avoir une compétition entre le virus de la grippe et le virus du Covid,
mais on ne peut pas axer une stratégie de prévention sur des hypothèses non vérifiées", prévient le Pr Mahmoud Zureik, insistant sur l'importance de mesures comme le port du masque en lieu clos et le lavage des mains. "Mais ce sera intéressant, évidemment (de voir) ce qui va se passer cette année
pour mieux comprendre la dynamique entre ces virus", conclut-il.