Agriculteur, profession la plus touchée par le suicide en France. Mais difficile à quantifier, un par jour, un tous les deux jours... ces chiffres terribles disent une réalité qui l'est tout autant. Rencontre avec Dominique (prénom d'emprunt), qui lui par chance, s'est raté.
Les études sur le suicide des agriculteurs sont rares et probablement très sous-évaluées, parce que par culpabilité souvent, il n'est pas avoué par les familles. La première étude publiée sur le sujet en 2013 par L'Institut de veille sanitaire (INVS) révélait "qu'un agriculteur se suicide tous les deux jours en France", en indiquant qu'entre 2007 et 2009, 417 hommes et 68 femmes étaient passés à l'acte. L'agriculture est en tout cas la catégorie sociale la plus touchée par les suicides, sans même comptabiliser toutes les tentatives, comme celle de Dominique, sans doute encore plus nombreuses...
Un soir, il charge son fusil avec une balle pour sanglier
Dans les fermes les agriculteurs ont tout sous la main pour passer à l'acte, des fusils, des cordes, les médicaments de leurs animaux. Il y a un peu plus d'un an, Dominique a pris lui son fusil, l'a chargé avec une balle à sanglier… Cela faisait quelques mois déjà que la ferme allait mal, en raison du mauvais cours du lait, de celui des volailles, du prix aussi des terres et des tracteurs. "Des dettes", dit-il "trop d'argent en jeu... et pas de solution."
"Soulagé d'être vivant"
Dominique avait pourtant sa famille, plein de copains, mais dans les fermes, par tradition ou par pudeur, quand ça ne va pas on se tait. La balle de sanglier ne l'a pas tué Dominique. Quand il s'est réveillé à l'hôpital il s'est dit "soulagé d'être vivant" et décide aussitôt de vendre sa ferme.
Aujourd'hui, s'il est heureux, il refuse que d'autres prennent un fusil, une corde ou un médicament et mettent fin à leur jour dans une indifférence générale et un silence assourdissant…
Un pèlerinage ce dimanche à Sainte-Anne-d'Auray
Ce dimanche, en hommage à tous ces agriculteurs qui mettent fin à leurs jours, 600 croix seront installées sur le parvis de la basilique de Sainte-Anne d'Auray, dans le Morbihan. Avec une messe à 11h et deux conférences à 14h.
Le reportage de Séverine Breton et Bruno Van Wassenhove