"On me traite de facho à la Fac", les 18-25 ans à l'heure du choix politique

Ils ont entre 18 et 25 ans, ils ont parfois voté pour la première fois à l'occasion des élections européennes, et ils comptent bien se faire entendre lors des prochaines législatives. Nous sommes allés à la rencontre de cette jeunesse qui parle librement de politique, et qui, de l'extrême gauche à l'extrême droite, n'a pas peur d'affirmer ses idées.

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Naomi, Yéléna et Agathe se connaissent depuis le lycée. Elles ont entre 20 et 22 ans. Deux d'entre elles ont tenté un bac professionnel pour être gendarme et n'ont pas poursuivi. Naomi est désormais dans une école de marketing, Yéléna en prépa "économie".
Agathe elle, ne veut plus entendre parler de scolarité, mais ne s'inquiète pas pour son avenir.

Seule Agathe avait déjà voté. Pour ses deux amies, les élections européennes étaient une première. Rencontrées dans une rue de Rennes, elles acceptent de s'exprimer sans hésitation. Leur cœur penche à gauche et toutes les trois se sont prononcées dans les urnes. Elles y retourneront pour les législatives.

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J'espère qu'il y aura plus de mobilisation pour les législatives. On ne se rend pas compte, mais là il s'agit de la France.

Naomi

Il y a comme une prise de conscience chez ces jeunes filles : "hier au bar, tout le monde parlait politique. La nouvelle montée de l'extrême droite est sur toutes les lèvres, ça fait peur. Quand Emmanuel Macron a été élu président, je ne me souviens pas qu'on était si concernés. Depuis les manifestations sociales à Rennes, face à la réforme des retraites, les jeunes s'intéressent plus. Dans les cortèges, il y avait de tout, des salariés, des gens en costard, des étudiants, des mineurs, des parents et des gens plus âgés."

On voit bien que les gens sont moins heureux. C'est dur pour tout le monde. Il y a beaucoup de problèmes de santé mentale. Le contexte international, la guerre, la montée des extrêmes, c'est anxiogène.

Agathe

Voter pour la première fois, c'est difficile, comment s'informer ? Pour faire un choix, les moyens de communication sont nombreux aujourd'hui.

L'influence des parents et des réseaux sociaux

À la maison, ça discute. La parole des parents reste importante, mais les sensibilités ne sont pas forcément les mêmes. "Mes parents sont de droite. Parfois on s'embrouille. Ils m'ont dit une fois : tu es jeune, tu n'y connais rien et tu n'es pas dans le monde du travail !" raconte Agathe.

Pourtant, explique Yéléna, on s'informe. "J'ai regardé tous les programmes. J’ai creusé. Je n'ai pas suivi les débats à la télévision, les candidats s'empoignent et il n'y a rien sur le fond. Il y a de la censure et je trouve les émissions orientées. La presse écrite, je ne la lis pas non plus. C'est sur les réseaux sociaux que je me fais une idée." Agathe ajoute. "Mais ça dépend qui on suit. Il faut rester vigilant. Sur Instagram et sur Youtube, je suis les vidéos d'"Hugo décrypte". Il fait un résumé quotidien de l'actualité. Pour moi qui découvre la politique, il est neutre, c'est bien !"

Il y a des influenceurs qui propagent leurs idées. Il y en a beaucoup sur TikTok. Moi j'ai essayé de trouver des pistes pour me guider.

Agathe

Le débat est malade

Erwan et Bastien (prénom d'emprunt) sont installés en terrasse, place des Lices, dans le centre-ville. 19 et 20 ans pour ces deux jeunes hommes habillés de chemises à rayures bleues. "Déjà un signe distinctif qui fait que les gens nous cataloguent" disent-ils. Côté politique, ils défendent une étiquette à droite. L'un est en fac de droit à Rennes, l'autre en économie et revient d'un séjour Erasmus en Espagne. L'un s'est déjà exprimé dans les urnes. Pour l'autre, les élections européennes sont une première.

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Aujourd'hui, le débat est malade commente Bastien. "On est dans un clivage Gauche/Droite qui n'a plus de sens. On ne s'écoute plus, on est surtout anti-tout. Il faudrait plus de maturité pour un débat plus constructif sans affrontement ou insulte. Cela devient stérile. Les communautés ne se parlent plus."

C'est bien quand on peut écouter l'avis de chacun et accepter la pluralité. Aujourd'hui, quand on a des idées contraires, on ne peut plus être amis, c'est dommage.

Erwan

Pour Bastien,"les Français sont perdus en politique. Les candidats s'invectivent mais jamais ils ne détaillent leurs programmes. Ça manque de solutions concrètes". Pour lui, "il y a aussi un manque de connaissance de l'histoire et de la géopolitique. Chez les jeunes, il y a l'effet de groupe, ils ont besoin de s'identifier et parfois s'engagent dans des luttes qui les dépassent."

Dans quelques heures, sur la place où les deux amis prennent leur café, un appel au rassemblement contre l'extrême droite est prévu. Ils ne resteront pas.

Hier, dans la rue, ma copine s'est faite insulter par des jeunes parce qu'elle n'avait pas la gueule de l'emploi.

Bastien

"À la fac, le débat n'est jamais calme, il faut se taire" poursuit Bastien. Je connais des jeunes qui se sont fait "tabasser". Le climat était déjà tendu, mais là avec les manifestations pour la Palestine et la mobilisation contre l'extrême droite, Rennes va être en ébullition", regrette-t-il.

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"On me traite de facho à la Fac"

L'extrême droite, c'est le chemin qu'a suivi Léonard Thomaso. Étudiant en droit à Rennes, à 21 ans, il est aujourd'hui responsable des jeunes du Rassemblement National en Ille-et-Vilaine. Il n'a pas une minute à lui pour préparer les législatives anticipées. On l'a appelé en renfort au siège du Parti à Paris.

Le jeune homme est issu d'une famille libérale et républicaine : mère commerçante, père artiste peintre et sculpteur, avec des grands-parents socialistes. Il noue des amitiés politiques à la faculté de Droit. En famille, son engagement n'a pas toujours été de soi."Être séduit par les idées de Marine Le Pen, ça ne passait pas. Dans le milieu étudiant non plus. À Rennes, c'est marqué à gauche, voire à l'extrême gauche. Je me suis souvent fait invectiver et insulter. On m'a traité de facho." La façade de son appartement a été taguée. Il a porté plainte. "Mais il faut savoir ce qu'on veut", rajoute le militant.

Le choix du militantisme

Lui qui ne lisait jamais a pris conseil auprès de ses amis. "Pour acquérir une culture politique, il faut se construire. Je suis jeune, je n'ai pas connu la vraie vie, alors il faut que je m'instruise." En revanche, il est déjà actif sur le terrain : distribution de tracts, collage d'affiches, présence sur les marchés. Il s'engage et entraîne avec lui les jeunes dont il a la charge.
Le score du Rassemblement National n'a pas dépassé les 10 % aux Européennes dans la capitale bretonne. Pour Léonard, avec la perspective des législatives, la polarité des débats s'est accentuée."Le front de gauche se reforme et les manifestations reprennent." Alors, le voilà plus mobilisé que jamais. Il mise sur la communication. Son groupe de jeunes d'Ille-et-Vilaine va créer son propre compte Instagram et renforcer sa présence sur X et Tiktok.

L'image de Jordan Bardella chez les jeunes

La banalisation du Rassemblement National choque de son côté Agathe. "Depuis l'arrivée de Jordan Bardella sur la scène politique, il y a un changement. Ce n'est plus comme à l'époque de Jean-Marie Le Pen. Sur les réseaux sociaux, il cartonne. Il est beau, il présente bien, il a du charisme et il sait parler. Du coup, il y a beaucoup de jeunes qui sont manipulés et qui le soutiennent ouvertement."
Ronan, un jeune rencontré à la sortie du Lycée Zola, dans le centre-ville, évoque un sondage qui montre que 27 % des 18/24 ans ont voté pour la liste du RN. "Moi j'ai voté blanc aux Européennes parce que je n'ai pas assez d’expérience. Mais quand je vois que sur Tiktok, certains mettent des émojis avec des cœurs dans les yeux sur des photos de Bardella, je trouve que c'est absurde."

Je suis anxieuse pour mes droits

Abigaëlle n'est pas rassurée à l'approche du nouveau scrutin. À 24 ans, cette Rennaise interpelle les gens dans la rue avec des tracts pour soutenir l'association "médecin du monde". Depuis sa majorité, elle a toujours voté. Pour les Européennes, son choix s'est porté sur un bulletin écologique. Elle n'est affiliée à aucun parti mais milite à son échelle, dit-elle. "J'hésitais entre LFI et Europe Écologie et finalement, je me suis dit que ce parti devait avoir sa place. En France, on n’est pas encore trop impacté par les désordres climatiques mais j'espère qu'un jour, il y aura un statut européen pour les réfugiés climatiques."

Pour les prochaines législatives, il y a beaucoup de listes, c'est dur cette fois de prendre une décision, explique-t-elle. La dissolution, c'est un coup marketing. Je suis révoltée mais il faut laisser parler la démocratie, j'irai voter."

Je suis anxieuse pour mes droits et face au risque de perdre des avancées. Dans tous les pays, l'extrême droite fait du chemin et menace les droits de l'homme.

Abigaëlle

Mais les plus jeunes gardent encore un peu de fraîcheur et d'insouciance. Dans la file d'attente d'un magasin, des copines rient à la sortie du lycée. "Dissolution, ou dilution de l'Assemblée nationale, comment on dit déjà, je sais plus ? " Preuve malgré tout, que la politique, ça les fait parler.

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