Les professionnels de la pêche en Bretagne et dans les Pays de la Loire manque de bras. Ils souhaitent embaucher mais peinent à recruter dans ce secteur en pleine évolution. Pour constituer leurs équipages, les patrons-pêcheurs n’ont pas d’autres choix que de se tourner vers des pêcheurs étrangers et notamment Sénégalais
Marin-pêcheur, c’est un métier qui n’attire plus beaucoup en France. Il y a du monde dans les écoles de pêche mais personne sur les quais. On parle de déserts médicaux mais la pêche connait exactement le même problème. L’image de la pêche est dégradée, c’est un métier dangereux, difficilement compatible avec la vie de famille. La cohabitation pêche et écologie est souvent pointée du doigt, la concurrence entre pêche industrielle et artisanale est rude ; De plus, les règles européennes de plus en plus contraignantes et le Brexit ont réduit les zones de pêche … Tout cela ne fait plus vraiment rêver les jeunes et rendent ce métier moins attractif pour les marins pêcheurs de demain.
Le problème des jeunes aujourd’hui, c’est qu’ils sortent de l’école, ils sont brevetés, c’est super mais ils veulent tous leurs week-ends ! Ils veulent travailler du lundi au vendredi. Notre métier ne le conçoit pas. Nous, on part 10- 12 jours en mer et nos week-ends tombent un lundi ou un mardi.
Sébastien Viaud armateur à La Turballe
Pourtant, c’est un secteur en pleine évolution. De nombreux efforts ont été faits par les pêcheurs : la restructuration de la flotte, des progrès dans la réduction des surcapacités de pêche en Europe, le développement d’une pêche durable et du circuit court. Les revenus des pêcheurs ont augmenté.
Autre avancée, pêcheurs et scientifiques longtemps en opposition essayent désormais de travailler main dans la main pour évaluer notamment la santé des stocks de poisson.
Aujourd’hui, les marins pêcheurs espèrent développer une nouvelle attractivité de la filière, avec les femmes par exemple. MAIS elles ne représentent que 0,5% des effectifs.
Face à cette pénurie de main d’œuvre, les patrons-pêcheurs recrutent à l’étranger. Le Sénégal est un grand pays de pêche. Les marins Sénégalais ont intégré, depuis 15 ans, les équipages des bateaux de pêche des ports de l’Atlantique.
Mor Diouf est arrivé à La Turballe en 2008, et c’est à bord du « El Amanecer » qu’il embarque.
Je voulais devenir quelqu’un. Au Sénégal, c’est pas comme la France, il n’y a pas beaucoup de boulot. Il fallait faire un choix, je voulais être autonome. Avoir un métier, subvenir à mes besoins et aider ma famille. C’est ce qui m’a poussé à faire ce métier.
Mor Diouf.
A bord, l’équipage est entièrement Sénégalais à l’exception du capitaine Sébastien et du mousse Dylan. Sébastien Viaud, est un petit armateur de La Turballe qui emploie une vingtaine de matelots et possède deux autres petits chalutiers.
Au fil des années, Mor, obtient un diplôme de Lieutenant et devient le second à bord, désormais il n’a qu’une ambition : devenir capitaine ! Mais pour cela il lui faudra obtenir la nationalité française.
Pour revoir l'émission :
Mor prend la barre, un documentaire d'Erwan Le Guillermic et David Morvan.
Trois questions à :
Erwan Le Guillermic, un des réalisateurs du documentaire.
Depuis le tournage, Mor a-t-il obtenu les papiers nécessaires pour sa naturalisation ?
"Mor attend toujours des nouvelles de la Préfecture quant à sa demande de naturalisation. Il ne sait pas quand est-ce que cela va aboutir. Il attend donc ce sésame pour pouvoir prétendre à devenir Capitaine d'un navire de pêche. Il garde tous ses espoirs dans ce projet, il n'a pas changé depuis notre tournage à ce sujet".
Où en est sa situation aujourd’hui ? Sa relation avec Sébastien ?
"Il ne travaille plus à bord du navire de Sébastien et a changé de port d'attache. Il travaille à bord d'un chalutier du Croisic aujourd'hui et vit à Saint Nazaire. Il y a beaucoup d'opportunité pour une place de patron, car les armateurs ont besoin de candidats sérieux à ce poste, dans un contexte où l'âge moyens des capitaines tant à vieillir".
Il est venu en France pour chercher l’ascension, la réussite sociale, mais dans le film, on sent que sa famille, son village, son pays et sa culture lui manque. Vous l’avez accompagné au Sénégal chez lui, comment est-il reçu lorsqu’il rentre ?
"Le Sénégal lui manque, bien qu'il reste totalement axé sur sa mission professionnelle. Il retourne dans son village une fois par an généralement. Nous avons pu constater un attachement familial très fort. Là-bas, il est considéré comme une personne ayant su rester "humble", ce qui n'est pas toujours le cas. Il occupe une place essentielle dans le fonctionnement familial puisque c'est lui qui apporte l'essentiel des fonds. A l'échelle du village, il est considéré comme un modèle pour les jeunes qui voient à travers lui qu'un avenir peut leur tendre les bras en Europe".