Vieillesse ou sagesse ? le Breton Cyrille Guimard, désormais septuagénaire, est sorti de son rôle de consultant polémiste pour se transformer en sélectionneur qui veut se faire entendre de la jeune génération.
"Dans mon rôle de responsable de l'équipe de France, je ne suis pas le personnage qu'ils ont vu à la télé", s'amuse le Nantais. "Oui, je suis clivant. Il y a ceux qui m'aiment, ceux qui ne m'aiment pas. Je suis le consultant qui, de temps en temps, dit des choses qui ne plaisent pas." "L'an dernier, ajoute-t-il, les coureurs ont découvert quelqu'un qu'ils ne connaissaient pas. Dans la mesure où ils ne m'ont pas connu avec l'équipe Renault, Bernard Hinault et Laurent Fignon, ils me connaissaient à travers un prisme".
"Avec l'âge, j'ai appris à mettre les formes"
Mais, à 71 ans, l'homme est loin de se résumer à la "grande gueule" des plateaux de télévision qui prend un malin plaisir à rectifier ou à contredire. Ni au technicien reconnu qui vit ses coureurs triompher à sept reprises dans le Tour dans les années 1970 et 1980 (1 pour Van Impe, 4 pour Hinault, 2 pour Fignon). L'époque a changé, Guimard aussi. "Avec l'âge, j'ai appris à mettre les formes"."Un coureur reste un coureur"
Il s'est établi au coeur de sa Bretagne, près de la forêt de Brocéliande, sans être coupé pour autant du monde du cyclisme. Toujours branché, il ramène à de justes proportions la différence de générations. "Un coureur reste un coureur", rappelait-il l'an dernier à ses premiers Mondiaux en tant que sélectionneur. "Ils gagnent plus d'argent qu'avant, ils ont des téléphones portables... Et alors ? Moi aussi, j'ai toujours ma tablette avec moi".
Une carrière méconnue des jeunes coureurs
"On ne le connaissait pas", disait Warren Barguil dans un avis généralement partagé par les autres coureurs de l'équipe de France: "On a vu qu'il était au courant des nouvelles techniques." Aucun d'eux, évidemment, n'avait souvenir de Guimard dans son rôle de patron d'équipe, une expérience d'une vingtaine d'années. Encore moins dans sa tenue de coureur, deux fois médaillé de bronze aux Mondiaux, vainqueur de sept étapes du Tour de France entre 1970 et 1974, assez audacieux pour oser défier le grand Eddy Merckx avec lequel ses relations sont restées tendues près d'un demi-siècle plus tard. Les deux hommes ne s'apprécient pas et Guimard ne manque jamais une occasion de rehausser Hinault, qu'il amena (ou accompagna) au sommet, par rapport au champion belge.Exaspérant et charmant
Provocateur ? le personnage est ambivalent, tantôt exaspérant tantôt charmant suivant ses interlocuteurs. Madré, estiment ses détracteurs qui supportent mal le discours verbeux qui lui sert à l'occasion de parade. Intelligent, rectifient ses proches dont fait partie Marc Madiot, le président de la Ligue nationale qui a convaincu Michel Callot, président de la Fédération française, de confier les clés à Guimard pour redonner un nouveau souffle à l'équipe nationale.L'évidence de l'autorité
L'ancien self-made-man, ouvrier à l'adolescence, meurtri ensuite par les vicissitudes de la vie jusqu'à être condamné par la justice (prison avec sursis) pour la faillite d'une société, a retrouvé un nouvel allant. Il a enfilé avec naturel la tenue du sélectionneur et imposé l'évidence de l'autorité, nourri par un sens tactique hors pair. L'âge ? "Ce n'est pas moi qui pédale", a-t-il rétorqué l'an dernier à une question sur le sujet. D'autant plus vite évacué que Guimard n'est jamais resté loin du cyclisme même s'il n'était plus en première ligne. Après tout, Alfredo Martini, le très respecté commissaire technique de l'Italie, avait 71 ans lui aussi lors du titre mondial de Gianni Bugno en 1992.Reste l'essentiel pour le responsable d'une équipe, la justesse des choix, la capacité à écouter et à se faire entendre, la gestion des hommes. C'est sur ces aspects et leur conséquence directe, le résultat final des "Bleus", que le bilan de Guimard sera jugé.