Les commémorations à l'occasion du 80e anniversaire du Débarquement n'auront pas toutes lieu en Normandie. Dès le mercredi 5 juin, le Président de la République présidera en Bretagne, une cérémonie en honneur de la Résistance, à Plumelec dans le Morbihan. À quelques kilomètres du célèbre maquis de Saint-Marcel, là où le 5 juin 1944 la Libération a commencé.
On l'avait surnommé "Baleine". C'est sur ce vaste terrain, situé à proximité de la ferme de la Nouette, entre une rivière et la voie ferrée, entouré de bois bien touffus, que "Morice" avait trouvé propice de faire atterrir parachutistes et matériels en vue du fameux "jour J".
"Les dés sont sur le tapis"
"Morice", c'est le colonel Paul Chenailler, le chef départemental des FFI, les Forces Françaises de l'Intérieur. Celui qui a répéré les lieux. Le 5 juin 1944, a donné l'ordre à tous les Résistants FFI du Morbihan de se rassembler à la Nouette.
"Les dés sont sur le tapis, je répète, les dés sont sur le tapis." C'est ainsi que Radio Londres invite la résistance bretonne à déclencher le plan vert.
C’est donc, à 300 kilomètres des plages normandes, qu’a véritablement démarré l’opération Overlord. Dans la nuit du 5 au 6 juin 1944, une vingtaine de parachutistes français du 4e bataillon SAS (Special Air Service) a été larguée à Saint-Marcel. Leur mission : empêcher les Allemands de rallier la Normandie.
80 ans plus tard, c'est donc, en toute logique, par ce maquis breton que le président Emmanuel Macron va débuter une série de commémorations.
Le plus important parachutage de France
Durant dix jours, le site de Saint-Marcel a en effet joué un rôle crucial dans la Libération.
A partir du 9 juin 1944, entre 150 à 200 containers d’armements et de munitions sont larguées chaque nuit. Le 13 juin : 700 containers. Le 17 : 4 Jeeps… Au total : 45 tonnes de matériel débarquent ainsi sur "Baleine". C’est le plus important parachutage de la France occupée. Yves Baconnais avait neuf ans à l'époque : "Moi je pensais qu'on était carrément libéré" se souvient-il. Et les maquisards le disaient : on est libres !"
Au sol, la ferme de la Nouette devient un endroit stratégique. Le Bureau des Opérations Aériennes de Bretagne occupe le grenier, le poste de santé est établi dans une dépendance. Entre 2.000 et 3.000 hommes gravitent autour, alimentés par les fermiers, y amènent viande, légumes et cidre dans ce qu'on surnomme alors "la Petite France". "Les fours tournaient à plein régime, décrit l’historien Kristian Hamon. Toutes les fermes des alentours étaient mises à contribution."
Entre le 5 juin et le 18 juin 1944, les parachutistes vont montrer aux maquisards comment utiliser ces armes tombées du ciel. Ensemble, ils vont aussi saboter les lignes téléphoniques et voies ferrées pour créer le désordre et bloquer les Allemands dans leur avancée.
18 juin, les Allemands découvrent le maquis
Mais le 18 juin, au petit matin, une patrouille allemande entre dans le maquis de Saint-Marcel… Cinq Allemands sont tués, deux autres faits prisonniers, mais un soldat parvient à s’échapper et donne l’alerte. À 9h, 200 Allemands de la garnison de Malestroit foncent sur le maquis.
Face à eux, des maquisards qui n’ont pour la plupart aucune science du combat. Les hommes de Saint-Marcel n’ont jamais connu le feu, et sont plus ou moins disciplinés "mais ils sont encadrés par les parachutistes SAS et par des officiers de réserve, nuance Christian Bougeard, professeur d'histoire contemporaine. Ils vont tenir toute la journée".
"On ne pouvaient pas converser, se rappelle Marcel Bergamasco qui n'avait que quand 15 ans quand il a commencé à percer les pneus des véhicules allemands. Des tirs, des crépitements sans arrêt... Je croyait bien y laisser ma peau !" Soutenus pas des chasseurs bombardiers venus à leur secours, les maquisards tiennent jusqu'à 22h, quand l'ordre d'évacuer est donné. Durant des semaines, les Allemands vont ensuite chercher résistants et parachutistes. En représailles de cette bataille, ils ont semé la terreur dans les campagnes.
"Nécessité, et non devoir de mémoire"
À la fin de la Guerre, Saint-Marcel a reçu la Croix de guerre avec palmes pour son rôle dans la libération de la France.
Un rôle qu'il est "nécessaire" de garder en tête : Tristan Leroy, conservateur du Musée de la Résistance Bretonne de Saint-Marcel préfère ce mot à celui de "devoir" de mémoire. "Les hommes de Saint-Marcel se sont battus, explique-t-il, pour notre liberté, pour des idées. Il ne faut pas qu’ils soient morts pour rien."
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Une nécessité de mémoire, donc, qui sera au coeur de l'émission spéciale présentée, mardi 4 juin 2024 à partir de 12h, par Hélène Pédech sur France 3 Bretagne.