Porte-parole des salariés de la Fonderie de Bretagne depuis l'annonce ce 11 mars de la mise en vente du site, Maël Le Goff n'en est pas à son premier conflit. Bientôt 20 ans qu'il travaille à la fonderie, presque autant qu'il milite à la CGT. Son engagement, c'est même une histoire de famille...
"La Fonderie, j'en ai toujours entendu parler, à tous les repas de famille. C'est une fierté de travailler ici. Ça a nourri toute la famille, et maintenant ça nourrit la mienne". Son oncle, et son grand-père y ont fait toute leur carrière. "Quand les forges d'Hennebont ont fermé, mon grand-père a été transféré ici, quand la fonderie a ouvert en 1966".
S'il est fier aujourd'hui de travailler à la fonderie, Maël Le Goff n'a pas vraiment choisi ce chemin-là au départ.
Né en décembre 1977, "comme Macron, on est de la même génération, mais pas de la même tendance", Maël Le Goff grandit à Lanester. Rapidement il se rend compte que l'école, c'est pas son truc. "J'ai fait un CAP puis un BEP et un BAC Pro chaudronnerie. C'était pas un choix. C'est pas que j'étais pas bon à l'école, mais le système scolaire, je ne m'y retrouvais pas, comme beaucoup de monde".
Un premier licenciement déterminant
Son Bac Pro en poche, il enchaîne plusieurs boulots : ouvrier ostréicole, dans le bâtiment, les travaux publics, échaffaudeur aux chantiers de l'Atlantique.
En 2001, il fabrique des planches de surf dans une petite entreprise de Saint-Pierre-Quiberon. "C'est là que j'ai connu mon premier licenciement. J'étais assez jeune, on était que le patron et moi. Je crois qu'il voulait fermer la boite alors j'ai eu droit à un licenciement économique. Ça m'a forgé pour derrière."
Arrivé à la Fonderie de Bretagne en 2002 comme intérimaire, il y est embauché en CDI en 2004. "J'ai commencé à l'usinage, et puis j'ai rejoint l'équipe de maintenance comme chaudronnier-soudeur. J'y suis toujours."
A peine embauché, il adhère à la CGT. "Mon père, qui travaillait à la mairie de Lanester, a toujours été à la CGT. Et j'ai bien compris que c'est le collectif qui fait avancer les choses. Seul, on ne peut pas s'en sortir. C'est collectivement qu'on s'en sortira."
Ça fait 20 ans qu'on travaille ensemble, on est comme des frères
S'il est le porte-parole des salariés en lutte aujourd'hui, Maël Le Goff ne se prend pas pour un leader.
La phrase courte, le ton calme et déterminé, il parle d'un noyau dur d'une centaine de bonhommes qui tournent 24 heures sur 24 depuis quatre semaines. "Ça fait 20 ans qu'on travaille ensemble, on est comme des frères. Mener des actions tous les jours, même le week-end, c'est fatigant. Mais le fait d'être ensemble ça nous remotive tous les matins."
2009 : Premier combat, première victoire
Son premier grand combat syndical, c'était en 2009. La fonderie, qui s'appelait alors Société Bretonne de Fonderie Mécanique, est placée en redressement judiciaire. "A l'époque on s'était battu parce qu'ils voulaient licencier 250 des 570 salariés. Je faisais partie des 250. On a obtenu la reprise par Renault. Ils ont gardé tout le monde."
Depuis, Renault a investit 150 millions d'€ sur le site de Caudan. Après l'incendie de mai 2019, l'outil de production a été remis à neuf.
Mais pendant les travaux, la production a été délocalisée à l'étranger : Espagne, Portugal, Turquie. Et depuis, elle n'est pas revenue. "Aujourd'hui Renault dit qu'on n'est pas compétitifs, mais pour être compétitifs on a besoin de volume de production, et Renault ne nous donne pas de volume. Pourquoi avoir réinvestit, pour un an après dire stop ?"
Pas question d'éteindre les fours !
Depuis le 22 mars, l'usine est à l'arrêt parce qu'éteindre les fours serait, pour les salariés, un signe d'abandon. La chauffe est donc entretenue. "Quand on éteint les fours pour les rallumer il faut une semaine, donc il est hors de question de les éteindre, alors on les maintient même s'il n'y a pas de production."
Et depuis le 27 avril pour Maël et ses collègues, c'est une action par jour. Direction bloquée sur le site, route nationale coupée, grand feu devant la préfecture, barrage à un match foot de L1... Spectaculaire, symbolique, déterminé, à l'image des frondeurs fondeurs. "On est en lutte. On est plus que remontés. On est confiant sur notre mouvement, après y'a plus que l'Etat qui peut intervenir..."
Maël Le Goff le sait, la semaine qui s'ouvre va être rude. Mais un combat, ça se gagne. En 2009, ils avaient gagné.