C’est l’histoire de Flavie, jeune surfeuse bretonne, avide d’air, d’eau et de vent, qui se retrouve confinée dans sa caravane, à deux pas de la mer dans le Morbihan. Quand l’horizon infini de l’océan se réduit à un petit carré de ciel pas toujours bleu.
Ah ça non ! Flavie ne s’y attendait pas !
La voici cloîtrée à 24 ans, dans une caravane de 9 m² au beau milieu d'un centre sportif sans âme qui vive ! Seule présence, son petit chat Poca et le gardien à l’autre bout du terrain.
Une situation que Flavie s’est imaginée sans doute enfant, ou plus tard dans des livres comme « Into the Wild », de Jon Krakauer, l’histoire de ce jeune américain perdu en Alaska. Mais se retrouver seule depuis quinze jours, dans un espace réduit et pour une durée encore incertaine, c’est un véritable défi pour cette jeune baroudeuse qui s’improvise une vie de Robinson.
Grand moment de solitude !
En stage de perfectionnement de surf début mars dans le Morbihan, Flavie se retrouve deux jours plus tard comme au coeur du désert ! Se réveillant dans sa caravane dans un grand silence, elle entend juste le bruit du vent et le cri des mouettes.
Prévenu plus tôt de l’arrêt du stage en raison d’un cas suspect de Covid-19 dans le centre, son groupe de stage ne s’était pas déplacé le matin. Plus de trace non plus du seul stagiaire qui dormait sur place, " Une impression de sauve qui peut ! " précise Flavie.J’ai vu personne partir, personne revenir !
Parcourant inquiète le site déserté, elle rencontre une dame qui lui conseille, à défaut de point de chute, de rester sur place en attendant la levée du confinement. Flavie prend vite sa décision " Pas grave, je vais rester avec mon chat ! "
" Défense de surfer, je réalise vraiment ! "
" Allez, ce n’est pas la mer à boire ! " se rassure Flavie qui lorgne sur sa planche attachée au toit de sa voiture, " je vais pouvoir encore m’évader sur l’eau ! ". Une autre mauvaise nouvelle tombe. " Je croise le gardien qui m’informe de l’interdiction de pratiquer des activités nautiques, et là ça se complique, car le surf m’aide à garder le moral ".
Frustration trop forte ! Dans un premier temps cette passionnée danse au lever du soleil sur les petites vagues. Une sensation unique d’évasion qu’elle retrouve à chaque fois sur sa planche. Glisser à la manière de Graig Anderson dont " le style, précise cette passionnée, et la fluidité donnent cette impression de facilité de faire un avec la vague, de ne pas la combattre ".[#Coronavirus #Covid19]
— Préfet du Morbihan (@Prefet56) March 19, 2020
?Restriction des déplacements - Mise en place de plusieurs interdictions à/c du 18 mars ds #Morbihan et diffusion de l'info @premaratlant qui interdit tte activité nautique
Soyez responsables, respectez scrupuleusement ces règleshttps://t.co/CuWv2TR91H pic.twitter.com/dBYb6PTw32
Mais un tweet d’une amie surfeuse étudiante en médecine la dissuade totalement de poursuivre ses échappées. Ne pas respecter les consignes non seulement peut exposer les personnels de secours, alourdir le nombre de patients dans les services hospitaliers, mais aussi contribuer à donner une mauvaise image de la communauté des surfeurs.
Ils sont d’ailleurs nombreux ces surfers bretons à attendre la levée du confinement. Pour Flavie, la Bretagne se place au numéro un des spots grâce à ses côtes très découpées et ses nombreuses petites criques, " l'hiver je me régale tous les jours même lors de tempêtes contrairement au Sud-ouest de la France ".
Son coin préféré, c'est la Bretagne nord "où se trouvent les meilleurs vagues ! "
"Je me fais mal toute seule ! "
Flavie alors confinée dans un des premiers clusters du Morbihan, continue de loin, sur internet cette fois, à guetter la vague." Depuis le début du confinement, le ciel est bleu et le vent d’Est offre des supers vagues, les petites que j’aime ! Dur dur, je ne peux même pas les braver ! Elles sont là, je les sens mais je ne peux pas les voir ! ". A défaut, cette passionnée continue de surfer sur le site Windguru et rêve aux prochaines petites vagues, mais à quant la prochaine sortie ?
" Tu te retrouves face à toi-même, va falloir s’organiser ! "
Flavie retourne alors dans sa caravane et se met à dresser un emploi du temps minutieux. Le but, trouver " d’autres échappatoires pour garder le moral ". Sa journée démarre par un thé au soleil. Une chance, il est au rendez-vous chaque matin depuis le confinement. Vient ensuite le temps de la méditation à l’abri du vent.
Première étape, se concentrer sur les bruits, le bruissement des arbres, le cri des mouettes, le hululement des chouettes," si si, même le jour ! " assure Flavie, les petits coups sur le tronc d'arbre du pic vert qu'elle entend même chanter. Pas de bruits parasites, la nature est reine, les oiseaux s’en donnent à cœur joie depuis le repli des humains.Je ne m’étais jamais retrouvée dans une atmosphère aussi apaisante !
La deuxième étape consiste à " visualiser des paysages où je me sens bien comme dans la forêt, j’arrive bien à la voir et à sentir son contact au sol ! ". Une évasion que Flavie poursuit en dessinant avec les moyens du bord, un crayon de bois et une feuille quadrillée.
Autre activité matinale, courir !
"Au moins je n’ai pas à demander une autorisation pour faire le tour du centre ! ".
Un kilomètre de piste à parcourir pour cette sportive qui se fait un peu violence, car courir, ce n'est pas vraiment son truc. Flavie volontaire augmente de cinq minutes tous les jours la durée de son parcours." Ça me fait de plus en plus de bien, je me force de moins en moins. J’ai une sensation de bien-être mais pas autant qu’avec le surf ! ".
Notre sportive ajoute à sa liste le gainage pour le renforcement musculaire, " tout ce qui peut servir dans le surf ! ".
Des courses pour garder le contact
Contraintes choisies, ajoutées à celles quotidiennes pour se nourrir, rythment la journée de Flavie. Autorisation de sortie en main, sac à dos et tongs aux pieds, la voici partie faire ses courses en skate.
Plus question de prendre la voiture avec son surf sur le toit ! Elle n'en revient toujours pas des remarques des passants quand elle s’est rendue la première fois au supermarché, "A vous les jeunes, vous ne respectez pas les règles ! ".
Vingt minutes pour rejoindre la civilisation sur une départementale peu fréquentée à l’heure du confinement, notre surfeuse sauvageonne en profite pour glisser librement sur le bitume.
Au supermarché, elle croise à distance les clients qui ne s'attardent pas dans les rayons. Les caissières restent attentives en dépit de leur situation peu confortable. Flavie s’étonne encore de les voir travailler sans vitre de protection. "Au moins, souligne l’une d’entre elles, le masque sur le visage, si aujourd’hui je ne suis pas d’humeur, personne ne le remarque, pas obligée de sourire ! ".
Juste une petite blague qui fait pourtant chaud au cœur, le contact direct avec les autres lui manque. Impossible pour Flavie de ne pas rester connectée, même si, insiste t-elle, " les réseaux sociaux, les conversations téléphoniques, ce n’est pas pareil ! ".
" Je me suis mise sur pause ! "
De retour à la caravane où l’attend son chaton Poca, Flavie se niche dans son antre. Elle se souvient alors enfant quand elle dormait la nuit dans les boxes du centre d’équitation de Pleumeur-Bodou. Pour cette amoureuse de la nature, cette situation est une belle opportunité pour se retrouver.
Très exigeante avec elle-même, " sans doute, confie-t-elle, en raison des pressions scolaires et de la société basée sur la performance, sur la recherche du job idéal ", Flavie s’accorde désormais des temps libres. Ne rien faire tout simplement, prendre le temps de dessiner, de rêvasser. " Cet isolement pour moi est loin d’être une galère, c’est l’occasion pour chacun de découvrir ce qui nous fait du bien, bref de vivre pour soi-même, hors du regard des autres."
De là, le désir de créer avec des petits riens trouvés sur place. Flavie s’amuse à s’entraîner à glisser avec les moyens du bord. Trois balais et un hamac pour faire une voile. La voici sur son skate propulsée par le vent, et ça marche, après de nombreuses tentatives ! Avec des rafales à 40 nœuds, cette ingénieuse bricoleuse file à 15km/h sur la piste du centre !
Flavie ose aussi se lancer dans des petites constructions, comme celle d’un arc qu’elle fabriquait enfant avec son grand-père.
Un repli imposé mais aussi choisi, notre "Robinsonne" entamme sur place son voyage initiatique !