La destruction de 39 menhirs à Carnac pour laisser la place à une grande surface de bricolage a enflammé le web. Le maire s'est retrouvé au cœur d'une polémique particulièrement violente. Retour sur une information discutée et son emballement médiatique.
Youtubeur, personnalités politiques, médias militants et grands médias nationaux... tous se sont laissés embarquer dans cette histoire un peu trop caricaturale pour être vraie : à Carnac 39 menhirs, d'une haute importance archéologique, auraient été détruits pour laisser place à une grande surface de bricolage. Pour illustrer cette accusation, la photo des célèbres alignements a été utilisée, trompant les lecteurs.
En guise des menhirs, de petits blocs de pierre
Avant de revenir sur le déroulé des évènements, il est important de préciser le point central de l’affaire. Non, il ne s’agit pas de menhirs de 3 à 4 mètres de hauteur, alignés dans un champ, représentant un important lieu archéologique et patrimonial.
Dans les faits, selon le document de l’institut de recherches archéologiques, l’INRAP, il s’agit d’un ensemble de 39 pierres dont les quatre roches principales, d’une hauteur d’environ 50 centimètres, ont servi de bases à la création d’un muret. Selon la Drac Bretagne, la direction des affaires culturelles, cette file de roches révélait un caractère “non majeur des vestiges”.
Le lanceur d'alerte amateur
Alors comment cette affaire a-t-elle démarré ?
Le 2 juin, un archéologue amateur du pays de Carnac s’est fait lanceur d’alerte. Christian Obeltz a publié un billet détaillant les “aménagements brutaux aux abords des alignements de Menhirs sur le site web Sites et monuments. Ce site internet est celui d’une association parisienne qui défend le patrimoine.
Le 6 juin, le premier article est celui de Ouest-France qui donne la parole à Christian Obeltz. Article précis, dont la photo illustrant les faits indique bien le lieu des travaux.
À partir de cette publication, de très nombreux médias sur Instagram vont publier des vidéos relatant cette affaire, tout en l’illustrant avec des photos des beaux alignements de Carnac.
La photo des alignements connus associée au terme "détruits"
Le choc de l’image associée au texte “menhirs détruits” va enflammer la toile à la vitesse de la 5G. Tous les médias vont surfer sur l’affaire afin de ne pas rater l’info.
Parmi les premiers à dégainer, Le média Brut, publie sa vidéo sur Instagram. Le post totalise en quelques jours plus de 2,3 millions de vues. En photo d'accroche, Brut a posté les célèbres alignements de Carnac avec une lumière de fin de journée. Cette vidéo va servir de modèle à de nombreuses vidéos sur les réseaux.
Immédiatement le maire de Carnac, Olivier Lepick, est pris pour cible. Menacé de mort, la vie de l'élu bascule. “Tout le monde a repris le titre de Ouest-France et la photo des alignements de Carnac et en quelques heures je me suis trouvé lynché, accablé, menacé de mort, de brûler ma maison…” nous avoue Olivier Lepick, encore sous le choc d’un tel flot de haine.
“Des millions de gens se sont dit, on construit un magasin de bricolage dans les alignements de Carnac, et non !” appuie le maire de la commune, habitué à travailler avec les services de fouilles archéologiques sur sa commune.
Une réalité moins séduisante
Entre les premières vidéos sur les réseaux et le communiqué officiel de la Drac Bretagne sur la faible valeur archéologique des vestiges présents sur le terrain de l’enseigne de bricolage, il ne s’est pas passé plus de 24h.
Le 7 juin, la Drac Bretagne publie en Une de son site internet un communiqué revenant sur les fouilles sur ce terrain tout en affirmant que “ce terrain n’est pas répertorié parmi les zones de présomptions archéologiques”.
Sur les réseaux sociaux, l'emballement se poursuit. Eric Zemmour, en déplacement en Bretagne le 7 juin, en profite pour poser devant le chantier et n'hésite pas à accuser le maire de la commune de "sacrifier" cette trace "de l'époque celtique". La vidéo touchera plus de 400.000 personnes.
Le 8 juin, conséquence directe des évènements, le maire et sa famille sont placés sous protection de la gendarmerie. Le maire de Carnac est pris à partie sur les réseaux sociaux. L’élu est également accusé d'avoir touché de l'argent pour le permis de construire. Encore un mensonge.
"Le caractère non majeur des pierres"
Le 11 juin, toujours dans le but de faire face à la polémique, la préfecture du Morbihan confirme publiquement la légalité du permis de construire. Le préfet rappelle “le caractère non majeur des pierres découvertes sur le site lors du diagnostic réalisé en 2015”.
Mais la rumeur est trop forte. Ce même 11 juin, l’église Saint-Cornély datant du 16e siècle, classée aux monuments historiques est taguée. L'inscription “Tout raser comme les menhirs” apparaît sur le porche de l’édifice.
L’extrême droite, mais pas que
Si l’extrême droite est au centre de cette agitation, le maire de Carnac (Horizons) est très remonté contre une partie de la presse, et certaines figures politiques. Sur notre plateau ce 12 juin, Olivier Lepick assure qu’il va porter plainte.
Depuis, les publications de certains médias, comme RTL, tendent à enclencher la marche arrière. Mais ces articles n'ont pas la même portée médiatique.
Le maire de Carnac promet de poursuivre au mieux son engagement auprès de sa commune, tout en sachant que “pour au moins deux ans, quand vous taperez mon nom sur Google, je serai celui qui a détruit des menhirs”.