Lorient : une association voudrait sauver la Glacière, emblème historique de l'essor du port de pêche

Un siècle après sa construction, faut-il démolir la Glacière sur le port de pêche à Keroman ? Une association veut laisser une chance aux Lorientais d'en décider autrement et les invite à réfléchir à ce que sera le siècle à venir. 

Au premier coup d'oeil, la Glacière de Lorient, n'a pas l'air d'un chef-d'oeuvre en péril, mais plutôt d'une ruine industrielle. Pourtant c'est sans doute à ce bloc de béton gris-vert que la ville doit son fort développement au vingtième siècle et aujourd'hui encore son statut de premier port de pêche français. En 1920, le projet d'équiper Lorient d'une unité de production de glace artificielle était ambitieux. Le procédé s'était développé outre-Atlantique mais très peu en Europe. L'enjeu économique était énorme : il permettait de conserver le poisson dans les cales des bateaux de pêche et de maintenir le poisson frais le temps de l'expédier par le rail dans l'hexagone.
 


Dans les années 70 la Glacière produisait jusqu'à 70 tonnes de glace par jour, avant de décliner et de laisser place peu à peu, à des technologies plus modernes, puis de s'arrêter en 1995.
En 2015, Catherine Carlier retraçait l'histoire de ce lieu abandonné.-image Vincent Bars / son J-F Le Huger / montage David Mérieux)​​​​​​
-intervenants : Claude Chrestien (Société d'archéologie et d'histoire du pays de Lorient), Maurice Benoish (PDG de la S.E.M. du port de pêche de Lorient) 
Extrait du film documentaire de Christophe Hoyet sur la fabrication de la glace.
 

Sauver un emblème historique et économique ?


Aujourd'hui le fonctionnement du port est une concession de la Région Bretagne accordée jusqu’en 2043 à une société d'économie mixte : la SEM Lorient-Keroman dans laquelle l'agglomération de Lorient est majoritaire..

Le projet de la SEM est de démolir la Glacière pour un coût estimé d’un million d’euros. Le bâtiment a été considéré en trop mauvais état pour envisager une réhabilitation. C'est un jugement que l’association Glacière 1920-2020-2120 entend remettre en question parce désormais les techniques de construction permettent beaucoup de choses.

L'association Glacière 1920-2020-2120

Après plus d'un an de réflexion, selon Ronan Le Roscoët, son président, "il existe de nombreux précédents architecturaux de réhabilitations qui au départ paraissaient très complexes et qui pour finir sont des exemples de réussite." Ce que l’association souhaite dans un premier temps c’est d’avoir plus d'informations sur les études et diagnostics du bâtiment, pour éventuellement y apporter un regard critique. L’association envisage un éventuel projet architectural structurant pour le territoire et qui puisse créer une dynamique.
 

Quelles activités pourraient s'y implanter ?


"Le bâtiment lui-même dans son aspect actuel n’est pas très reluisant, explique Ronan Le Roscoët, et il est difficile de se projeter dans une mise en valeur, mais quand on observe les éléments d'archives, on se rend compte que ce n'est pas qu’un cube de béton. Il est construit sur une grande voûte en pierre, il a été isolé avec du liège, un matériau qui est noble aujourd’hui.

Bien sûr des éléments en béton se sont dégradés mais la structure principale extérieure du bâtiment est en pierre. On sait aussi qu’il a été modifié et rehaussé d’un étage après avoir été endommagé par une bombe en 1943, mais si on le débarrasse des verrues qui ont été accolées sur ses murs au cours du temps, il est peut-être envisageable d’en faire un projet d'architecture contemporaine qui pourrait le remettre en valeur et permettre de nouveaux usages."

 

Un lieu de maritimité propre à Lorient


Pour Ronan Le Roscoët, la notion de tiers lieux pourrait assez bien convenir pour imaginer ce que ce bâtiment pourrait devenir. Dans l'association les adhérents ont des profils assez différents en termes d'environnements professionnels qui vont de l’usage classique de bureau au coworking.  Un lieu comme la Glacière permettrait d'envisager des mélanges d'activités collectives ou commerciales, type hôtel d'entreprises ou fablab ou espace de coworking. La taille du bâtiment permet de bénéficier de grands espaces ou d’espaces modulaires.

C’est aussi un emplacement idéal, au centre des ports de Lorient, qui donne sur la rade de Lorient et sur la mer.

Ce qui aurait du sens c’est qu’il puisse devenir un lieu de maritimité. On peut envisager d'y implanter un restaurant d'application
mais aussi d’y mettre en valeur la mer sous toutes ses formes : les produits de la mer, les métiers de la mer, les transformations des produits de la mer… On peut ici s’appuyer sur tout un environnement qui va du nautisme à la pêche en passant par les loisirs et le commerce maritime. La taille du bâtiment permet de mélanger différents d'usages et de lui donner un intérêt de parc mixte.

Ronan Le Roscoët, président de l'association Glacière 1920-2020-2120
 

NDLR: un restaurant d'application est un lieu de formation ouvert au public, en lien avec un CFA ou un lycée hôtelier


Depuis 1995 les gestionnaires du port de pêche veulent démolir la Glacière. La Société d'économie mixte en charge de la gestion du port avance sur des décisions prises de longue date. Pour la SEM Lorient-Keroman, il faut de nouveaux bâtiments industriels pour notamment laver des caisses de poissons ou recycler des caisses de polystyrène. Des nécessités d'investissement pour les utilisateurs du port que comprend le président de l'association pour la sauvegarde de la glacière: "On trouverait dommage qu'il n'y ait pas une concertation pour trouver un compromis d’utilisation. La SEM a une gouvernance partagée avec la Région et l’agglomération de Lorient et il faut convaincre tous les partenaires. Nos arguments c’est d’abord qu’on ne reconstruira jamais un bâtiment d’une surface aussi importante, et qu’en le réhabilitant on en retrouve l’usage collectif au cœur de Lorient. Du même coup on préservera un élément majeur du patrimoine historique de la ville. Un bâtiment qui en 1920 était visionnaire et a impulsé un tel dynamisme économique que sans lui Lorient ne serait pas devenu ce qu’elle est".
 

Nouveaux élus, nouveau siècle


"Côté pêche, les volumes de poissons traités aujourd’hui ne sont plus ce qu’ils étaient jusque dans les années 80, constate Ronan Le Roscoët. Aujourd’hui il faut redimensionner les infrastructures et pousser la réflexion sur la relocalisation de l’économie de la mer, pour nourrir le territoire et peut-être moins recevoir de cargos d’Amérique du sud. Au moment des élections municipales tous les candidats étaient intéressés par cette réflexion. L’agglomération est actuellement ouverte à la discussion mais elle n’a pas encore trouvé d’interlocuteur direct au sein de la Région."

Ronan Le Roscoët est lui-même ingénieur en bâtiment et connaît quelques élus et fonctionnaires, historiens ou architectes qui trouvent un véritable intérêt à l'étude de ce projet avant toute démolition. Un projet dont le fonctionnement devra avant tout s’équilibrer financièrement et qui pourrait, pour sa réalisation, s'appuyer sur des fonds européens.

L'association organise une réunion publique ce jeudi 30 juillet à 18 heures et a lancé l'invitation à se joindre à l'évènement sur son site Facebook.


 
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