Pour elle, Noël est "angoissant", voire "l'enfer". Pour lui, c'est une fête "hypocrite", paradis de la surconsommation loin des valeurs prônées en apparence. Rencontre avec ces "monstres sans âme" qui n'aiment pas Noël. [Première publication : 18/12/2023]
"Tout le mois de décembre me déprime." Si Laure ne se dit pas complètement natalophobe, cette Rennaise quarantenaire n'aime ni Noël, ni le Nouvel an. "C'est surtout ce côté obligation qui ne me plaît pas. Il y a une injonction à faire Noël en famille, à se retrouver, à ne pas être seul."
"Je suis un monstre sans âme"
Comme la dinde de Noël, Franck lui, est "gavé" par cette fête. "Même si on s’en fout, ça s’impose à vous. On n’a pas le choix. Vous êtes obligés de faire le dîner de famille, obligés de faire des cadeaux. Obligés d'être heureux. Et si je suis contre, je suis un monstre sans âme !"
Si certains sont contents de retrouver leurs proches et de se rassembler, pour d'autres, les fêtes de fin d'année viennent raviver des mauvais souvenirs, des moments difficiles de la vie. "C'est un concentré de tout, explique Laure. Noël, ça nous rappelle tous ceux qui ne sont plus là. Tout ce qui ne va pas dans la famille." "Cela renvoie les gens à leurs solitudes, renchérit Franck, à des choses désagréables."
Noël, une source d'épuisement
Pour d'autres Noël est surtout une source d'épuisement "où on se met en quatre pour voir tout le monde aux quatre coins de la France". Sans parler des courses. "Il y a trop de monde dans les boutiques, s'exclame Elsa, une habitante du Morbihan. On est obligés de faire les cadeaux au même moment pour tout le monde alors qu'on n’a pas forcément d'idée." Laure renchérit : "Les grands centres commerciaux avec les chants de Noël en boucle, c'est horrible !" Elle fait ses cadeaux tout au long de l'année pour éviter cette cohue.
Les fêtes, ce sont aussi les marchés, les animations. "À Auray, on ne peut plus se garer avec le marché de Noël et à Lorient, on ne s'entend plus réfléchir avec la fête foraine !", ajoute Elsa. Son entreprise a le malheur de se retrouver en face de ce grand rendez-vous lorientais.
"Hypocrisie et surconsommation"
Chloé et Léa, la vingtaine, sont étudiantes à Auray. Elles ne sont pas natalophobes, mais elles regrettent les travers de cette grande fête qui est devenue souvent commerciale et superficielle. "Je n'aime pas la façon dont on le fête aujourd'hui, déclare Chloé. Dans beaucoup de familles, on oublie les valeurs qu'on est censé s'imposer au cours de l'année (surconsommation, torture des animaux, superficialité)."
La "féerie" de Noël vient comme recouvrir de son blanc-manteau les principes environnementaux, éthiques de la société. "En ce moment, je trouve les supermarchés dégoûtants. On se donne des libertés que nous ne sommes pas censés nous accorder. D'un coup, tout devient plus ou moins acceptable."
Léa dénonce "la surconsommation liée aux cadeaux". "Je trouve même fou finalement que les cadeaux soient la préoccupation première, s'étonne Chloé, et pas le moment en lui-même de simplicité. On en oublie son message d'origine : se retrouver en famille et partager."
"La paix, la joie, mon cul !"
Ce monde de consommation, de surconsommation, est aussi dénoncé par Franck. "Tout cela est hypocrite. On parle de la paix, de la joie… Mon cul ! Il faut juste consommer. Il y a même des gens qui s’endettent pour offrir des cadeaux à leurs enfants. Et je ne parle pas de l'écologie. Les illuminations et les milliers de leds dans toutes les villes, à l'heure écologique, c'est aberrant. Et le lendemain, on nous dit que la planète va mal. Mais dire cela, c'est être traité de rabat-joie."