Participera, participera pas ? Aux universités d'été du MoDem, comme de tradition à Guidel, dans le Morbihan, le gouvernement Barnier fraîchement nommé était sur toutes les lèvres. Et de constater qu'une fois n'est pas coutume, les membres du MoDem ne s'y retrouvent pas trop mal lotis. Jusqu'à François Bayrou, qui se dit : "Si Barnier revient, pourquoi pas moi ?" Tournée des popotes.
Fait relativement inhabituel : à l'exception, bien sûr, des trois ministres du parti centriste, aucun membre du gouvernement, certes fraîchement constitué, n'est annoncé à Guidel.
"On était sur l'union nationale et on va vers l'union des droites", fulmine un parlementaire du MoDem, particulièrement remonté contre la composition de l'équipe gouvernementale.
La présence de trois camarades, dont deux à des postes prestigieux ? "Vicieux", poursuit cette source. "Ils ont acheté deux personnalités importantes de chez nous qui ne pouvaient pas refuser d'entrer au gouvernement : (Jean-Noël) Barrot au Quai et (Geneviève) Darrieussecq à la Santé. C'était le poste de leur vie !"
Chez Renaissance, où le débat est également vif, on ironise sur les atermoiements de l'allié centriste.
"À chaque remaniement gouvernemental, le MoDem gueule, le MoDem dit 'attention, ça ne nous satisfait pas en termes de positionnement politique'. Il y a une réunion de crise (...) et à la fin, tout rentre dans l'ordre, et il y a un secrétariat d'État en plus", déroule une députée.
En février, déjà, François Bayrou avait annoncé sans ménagement qu'il n'entrerait pas au gouvernement de Gabriel Attal.
Placées devant le fait accompli, ses troupes avaient modérément apprécié. Le député Jean-Louis Bourlanges s'était fendu d'un texte de désaccord. Mais in fine, le MoDem n'était pas sorti perdant du remaniement.
Même sorte de scène la semaine dernière, mais l'atmosphère s'est tendue. Devant les premières listes de M. Barnier, "la majorité du groupe (à l'Assemblée) était pour la non-participation", selon un cadre du MoDem. Mais François Bayrou, lui, y était favorable.
Comment, a plaidé en substance le fondateur du parti, prêcher l'union nationale, reprocher aux socialistes de ne pas participer au gouvernement et ne pas vouloir y aller soi-même parce qu'il pencherait trop à droite ? Stratégie politique défendable, mais discours dur aux oreilles de nombreux membres du MoDem, dont le patron pourfend depuis plusieurs décennies les "gouvernements RPR".
"Sens du devoir"
Un autre dirigeant, plutôt défavorable à la participation, exposait quant à lui ses craintes de voir le MoDem prendre la responsabilité de l'échec de la solution Barnier, œuvre d'Emmanuel Macron.
C'est donc "avant tout, par sens du devoir" que le MoDem a agréé sa participation au gouvernement, a écrit Marc Fesneau à ses 35 collègues députés réélus comme lui après la dissolution.
Mais le parti n'a "pas eu à ce stade les réponses attendues" sur deux dossiers importants, insiste M. Fesneau : "le devenir du projet de loi sur la fin de vie" --sujet porté entre autres par le député MoDem Olivier Falorni-- et bien sûr la proportionnelle à l'Assemblée, que le MoDem réclame depuis des années.
"Faute de pacte gouvernemental, c'est bien à l'Assemblée nationale qu'en définitive, cela se décidera", insiste M. Fesneau, qui avertit également de "l'exigence de justice" du MoDem en matière budgétaire.
"N'oublions pas non plus les millions de Français qui attendaient, comme nous, un rassemblement plus large et plus équilibré", conclut M. Fesneau.
Avec une première démonstration dimanche à Guidel : alors que Gérald Darmanin invite les autres ténors du camp macroniste à Tourcoing, le MoDem convie Bernard Cazeneuve en Bretagne.
De quoi alimenter les regrets d'une partie importante de l'ex-majorité, qui signait des deux mains pour l'arrivée de l'ancien socialiste à Matignon et se retrouve déjà en désaccord prononcé avec le gouvernement Barnier.
François Bayrou "a toujours soutenu l'hypothèse Cazeneuve", explique un député socialiste. Mais "dès lors que ça a été Barnier, vieille connaissance, il a négocié comme il pouvait". Et puis "quand il voit revenir un RPR, il se dit : si Barnier revient, tout est possible pour moi".