C'est la plus ancienne course au large en solitaire et la première à s'être élancée entre l'Europe et les États-Unis. La transat anglaise, créée en 1960, a vu émerger les plus grands noms de la voile. Cette épreuve mythique a fait briller les noms d'Eric Tabarly jusqu'au dernier vainqueur en titre : François Gabart. L'édition de la Transat CIC 2024 partira de Lorient ce dimanche 28 avril 2024. Retour sur une aventure océanique de légende.
1960 : Herbert Hasler et Francis Chichester, deux marins britanniques fondent la transat anglaise avec un défi inédit en tête : traverser l'atlantique en solitaire le plus rapidement possible. Cette année-là, cinq skippers seulement relèveront le défi. Francis Chichester sera le premier vainqueur d'une course devenue 64 ans après, une référence dans le monde de la voile.
Eric Tabarly : naissance d'une légende
La deuxième édition, en 1964, révélera au grand public le nom d'Eric Tabarly. Le Breton, à bord de son bateau Pen Duick II, rallie Plymouth à Newport en un peu plus de 27 jours, pulvérisant le précédent record. Fait chevalier de la Légion d'honneur par le général de Gaulle dès son arrivée, le jeune officier de marine sera félicité par le chef de l'État lors du Salon nautique de Paris. Plymouth, Saint-Malo, Brest (annulé à cause de l'épidémie de Covid) et cette année Lorient seront tour à tour villes de départ, de la transat anglaise, devenue The Transat CIC.
Les Français, marins chevronnés
Le tout premier record de la traversée était aux alentours de 40 jours. Aujourd'hui, les bateaux les plus rapides peuvent couvrir la même distance en à peine 8 jours. De nombreux Français s'y sont illustrés au côté d'Eric Tabarly arrivé en tête en 1964 puis en 1976.
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Au nombre des vainqueurs, on retrouvera Alain Colas en 1972 (qui disparaîtra en 1978 lors de la première Route du rhum, à bord du Pen Duick IV, rebaptisé Manureva), Loick Peyron, vainqueur à trois reprises (1992, 1996, 2008), Philippe Poupon en 1988, puis Françis Joyon en 2000, Michel Desjoyeaux en 2004 avant le lauréat de 2016 : François Gabart (catégorie Ultim).
Les femmes mettront aussi le cap vers la Statue de la liberté. Marie-Claude Fauroux sera la première à traverser en solitaire l'Atlantique. Florence Arthaud, elle, chavirera dans l'édition de 1992 et Ellen Mac Arthur, à peine âgée de 23 ans, sera en tête de l'édition de l'an 2000, dans sa catégorie monocoque.
Des sauvetages, des requins
Pas de chance pour Eric Tabarly en 1968. Il n'a pas pu préparer convenablement le trimaran Pen Duick IV. Il restera à terre.
Des vents de 60 nœuds s'invitent au départ cette année-là. Il faudra un sauvetage périlleux pour récupérer l'Anglais Etic Willis après une perte de connaissance. Les hélicoptères de secours vont finalement réussir à le sortir de cette très mauvaise passe. Lors de cette édition, le routage météo sera interdit dans les règlements de la compétition.
En 1972, c'est encore le Pen Duick IV qui fait parler de lui. Avec cette fois à la barre Alain Colas face à une flotte de 55 autres compétiteurs. Il montera sur la première marche du podium avec un temps record de 20 jours, 13 heures et 15 minutes.
On déplore en 1976 la disparition du Britannique Mike McMullen, qui était à la barre du Galloping Gael.
Années 80 : Le temps de la modernité
En 1980, après l'édition tragique de 1976, les organisateurs imposent une restriction sur la longueur des bateaux, de 56 pieds (17m) maximum, et sur le nombre de participants, limité à 110 bateaux. Au final, quatre-vingt-dix concurrents au départ et une faible participation française, due au rejet des nouvelles règles de course. Évolution technologique de taille, le satellite Argos permet dorénavant de localiser les bateaux en cas de secours. La sécurité devient une priorité.
En 1984, Philippe Poupon (Fleury Michon) est le premier à l'arrivée à Newport après 16 jours, 11 heures et 55 minutes de course. Mais c’est Yvon Fauconnier (Umupro Jardin) qui est déclaré vainqueur pour avoir passé 16 heures à secourir Jeantot. Philippe Poupon fond en larmes quand il apprend la nouvelle.
Les Français à la manœuvre
Philippe Poupon aura sa revanche en 1988 à bord de Fleury Michon. Le Britannique David Sellings encerclé par un banc d'une cinquantaine de baleines se fera attaquer. Son trimaran va couler. Il doit le quitter dans un bateau de survie.
En 1996, les Français sont en force. Dans la bataille : Peyron, Bourgnon, Vatine ou Joyon. Joyon navigue très au Nord, contournant les centres des dépressions qui ralentissent ses adversaires sur la route directe. La victoire est en vue mais les vents vont finalement se retourner contre lui et l'empêcher d'avancer. C'est Loïck Peyron qui termine en tête.
Deux courses distinctes
Les années 2000 vont voir la course se scinder en deux avec "The Transat" pour les professionnels et "l'Ostar" pour les amateurs pour l'édition de 2004. The Transat réunit 40 bateaux, monocoques IMOCA 60, monocoques de 50 pieds et multicoques, avec un niveau exceptionnel. À l’arrivée à Boston, Michel Desjoyeaux passe la ligne en tête avec son trimaran Orma et seulement trois heures d’avance sur Thomas Coville, après 8 jours de mer. En tête de la flotte des Imoca 60, Mike Golding s’impose au bout de 12 jours.
En 2008, on assiste une nouvelle fois à la solidarité des gens de mer, avec le sauvetage de Vincent Riou, dont la quille de son bateau PRB a été percutée par un requin-pèlerin. Une tempête en approche, c'est Loïck Peyron, le skipper le plus proche, qui se déroute pour porter secours à son collègue. Celui-ci s’impose finalement en 12 jours, 11 heures et 45 minutes, soit quatre semaines de moins que la première traversée de Sir Francis Chichester en 1960.
Saint-Malo, Brest, Lorient
En 2016, c'est l'arrivée de la catégorie des Ultims, ces géants des mers et c'est la Bretagne qui a l'honneur d'accueillir, pour la première fois dans l'histoire de la transat, un prédépart ralliant Saint-Malo à Plymouth. Hommage enfin à Eric Tabarly. On retrouve sur l'eau son ancien bateau, le Pen Duick II, son compagnon de victoire en 1964. Il est barré par Loïck Peyron, contraint d'abandonner après 13 jours de mer. En Ultim, le duel s’est joué entre Thomas Coville (Sodebo) et François Gabart (Macif), chez les Imoca, c’est Vincent Riou et Armel Le Cléac’h. François Gabart et Armel Le Cléac'h remporteront le titre chacun dans leurs catégories.
Le covid aura fait chavirer l'édition de 2020 qui devait partir une nouvelle fois de l'ouest avec Brest comme port de départ. Quatre ans après, c'est Lorient, un des grands pôles de la course au large en France, qui s'apprête à organiser la fête au village de la base sur le port. Trente-trois IMOCA, treize Class40 et deux Vintages prendront le départ le 28 avril à destination de New York par la face Nord. Une nouvelle page va s'écrire, poursuivant les mémoires du large d'Eric Tabarly.
Que se passera-t-il sur cette nouvelle édition ? Suspense ! Le départ en tout cas sera à suivre ce dimanche 28 avril à partir de 12h55 sur le site et les réseaux sociaux de France 3 Bretagne.