Le Vannetais Joseph Jiquel-Lanoë a fait carrière à Hollywood dans les années 20. Il a tourné dans une bonne centaine de films muets outre-Atlantique. Aujourd'hui tombé dans l'oubli, la ville de Vannes veut le réhabiliter. Un ciné concert était organisé en son honneur.
Né à Vannes en 1875, le petit garçon grandit dans la rue Drezen, derrière le théâtre du lycée Saint-François-Xavier, à Vannes. Le jeune Joseph Jiquel-Lanoë, passe d'abord par Paris et la Comédie française, avant de rejoindre Los Angeles. Peintre et comédiens de théâtre, il a 25 ans, lorsqu'il s'embarque avec une troupe d'artistes, pour vivre ses passions de l'autre côté de l'Atlantique, un monde, où tout semble possible.
Un acteur du 7e art en train de naître
À une dizaine de kilomètres de la célèbre Cité des anges, Hollywood est en train d'émerger, au milieu du désert. Une ville, faite de hangars et de terrains vagues, autour de l'industrie du cinéma. Le Vannetais va y tourner, entre 1910 et 1925, une centaine de films et côtoyer les artisans de ces débuts du 7ᵉ art, de David W. Griffith à Charlie Chaplin en passant par Mabel Normand, Lilian Gish ou surtout Mack Sennet, "The King of comedy", qui a révélé Chaplin.
Joseph Jiquel-Lanoë a participé pleinement à l'essor des studios hollywoodiens. Il a fréquenté les plus grands acteurs de l'époque. Il est là quand Chaplin arrive et commence à être connu par le grand public, ou quand Griffith et Sennet, stars de la réalisation, participent à faire d'Hollywood ce qu'il est est aujourd'hui.
Olivier Calonnecdirecteur de Cinécran - Vannes
L'histoire du cinéma à ses débuts
Ces artistes des origines tournent chaque semaine, des films qui ne font pas plus de sept à huit minutes. C'est dans cette répétition, qu'ils vont apprendre à raconter toutes sortes d'histoires avec une caméra. Des films imparfaits, des films drôles, tragiques, ennuyeux, passionnants, mais qui tous témoignent de cette histoire en train de naître.
Un ciné-concert pour le réhabiliter
En forme de réhabilitation de l'artiste oublié, un ciné-concert était organisé à Vannes. Une initiative de Cinécran et d'Olivier Calonnec, son directeur, qui a mené des recherches pour retrouver tous ces films. "C'est difficile de retrouver des films de cette époque, note-t-il d'ailleurs, car le nitrate d'argent présent dans les bobines était récupéré pendant la guerre".
Et pour le compositeur de la musique, qui va accompagner les films, Étienne Chouzier rappelle qu'à l'époque elle était totalement improvisée au piano pendant la projection du film. "Mon objectif, explique-t-il, n'est pas de faire ce qui se faisait avant, mais de faire de la musique d'aujourd'hui, pour mettre en valeur quelqu'un qui a existé". Le musicien essaye de donner des clés de compréhension du film, grâce à la musique. "Ce sont quand même de vieux films, qu'on n'est plus habitué à voir. La musique sert à la compréhension de ce qui se passe."
Son homosexualité a joué en sa défaveur
"C'est curieux que personne à Vannes n'ait entendu parler de Joseph Jiquel-Lanoë", fait encore remarquer le directeur de Cinécran. "Mais entre nous, ajoute-t-il très vite, les gens le connaissaient, mais il était homosexuel et à l'époque ça ne se faisait pas de l'être ouvertement en tout cas ! Et ça a joué dans le fait qu'il ne soit pas plus connu du grand public."
Joseph va revenir en France pour s'engager pendant la Première Guerre mondiale, avant d'obtenir la nationalité américaine en 1923. Il meurt à Papeete en 1948. Et Vannes projette aujourd'hui de donner son nom à une de ses rues.
(Avec Isabelle Rettig et Nicolas Corbard)