Des poissons vendus "entre les boules de pétanque et les vélos" : une pétition lancée contre Décathlon

Dans le Morbihan, une pétition vient d'être déposée pour demander l'interdiction de la vente de poissons d'appât dans les magasins Décathlon. Pour les pêcheurs bretons, c'est un non-sens qui met en péril leur pratique de loisirs.

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Dans les rayons "Pêche" de certains magasins Décathlon, des poissons d'appât sont proposés à la vente. Ils sont destinés à la pratique de la pêche au vif des espèces carnassières, par exemple les brochets. C'est en se baladant dans un magasin de Saint-Nicolas-de-Redon (Loire-Atlantique) que Serge Buchet, conseiller délégué développement durable, à l’environnement et à la condition animale à la mairie de Rochefort-en-Terre, a vu "un aquarium avec des centaines de poissons dedans, qui tournent en rond. Entre les boules de pétanque et les vélos, je ne vois pas ce que des poissons viennent faire là."

"Des individus à part entière"

Serge Buchet est aussi co-référent du REV (Réseau écologique pour le vivant) en Bretagne, un parti politique qui se revendique sur ses réseaux sociaux "d'écologie radicale et antispéciste." Suite à sa visite au magasin Décathlon, il a lancé une pétition qui a recueilli un peu plus de 17 000 signatures ce vendredi 29 décembre 2023. "Je voulais faire ouvrir des yeux à tout le monde, ce ne sont pas des choses qu’on peut admettre de nos jours", s'indigne Serge Buchet. "Je ne sais pas ce que ça peut faire, un poisson, ce n’est pas grand-chose pour les gens actuellement. Ces animaux n'ont pas d’expression facile, ne poussent pas de cris mais ce sont quand même des individus à part entière."

Cette pétition appartient en réalité à un mouvement d'ampleur nationale porté depuis 2019 par l'association Paris Animaux Zoopolis (PAZ). Sa co-fondatrice Amandine Sanvisens explique qu'il "y a très peu de remises en question sur la pêche : les poissons vivent dans un autre milieu, ils n'ont pas de cordes vocales, et on ne comprend pas leur expression faciale comme on comprend celle des chiens par exemple." 

Selon elle, plusieurs facteurs posent problème dans les aquariums des poissons d'appât : "la densité, énormément de poissons se frottent, et peuvent se blesser aux nageoires. La qualité de l'eau également. 

Ce qu'on voudrait, c'est que Décathlon, leader sur le marché du sport, montre l'exemple.

Amandine Sansivens

CO-fondatrice de Paris Animaux Zoopolis

Une transition qui prend du temps pour Décathlon

Contacté, le service presse de Décathlon indique que la chaîne est "engagée dans la promotion et la distribution de leurres de plus en plus qualitatifs qui remplaceront progressivement les vifs. Pour réussir cette transition qui ne peut pas être immédiate, il est pertinent de laisser Décathlon vendre encore des vifs et prendre le temps de convertir à la pêche au leurre."

L'entreprise ajoute que "si Décathlon cesse brutalement de vendre des vifs, les habitués de cette pratique s’en procureront par d’autres circuits moins engagés dans l’évolution vers la pêche au leurre."

PAZ demande plus largement une réforme globale de la pêche de loisirs. "Aujourd'hui, les pêcheurs ont besoin d'une carte, et non pas d'un permis. Et également, on dénonce l'empoissonnement, c'est-à-dire l'achat de poissons d'élevage qui sont remis à l'eau pour être pêchés", reprend Amandine Sansivens. "Soit ils sont pêchés, soit ils n'arrivent pas à survivre."

Les pêcheurs veulent protéger leur pratique

Les pêcheurs, eux, veulent préserver une "pratique ancestrale, vieille de plusieurs centaines d'années", selon Alan Deparis. "Dans la chaîne qui compose le milieu aquatique, soit on a des leurres, soit des poissons qui servent d’appât. Ces poissons d'appât sont en bas de la chaîne alimentaire donc condamnés à mourir."

Le pêcheur utilise des leurres végétaux fabriqués à partir d'un mélange de farines. Mais "si je devais apprendre la pêche à mes enfants, je serais tout à fait prêt à utiliser les poissons d'appât."

Cette association antispéciste veut nous affaiblir pour interdire la pratique de notre loisir.

Jérémy Grandière

Président de la Fédération de pêche d'Ille-et-Vilaine

"Interdire de vendre des petits poissons pour pêcher des plus gros, c’est une fausse excuse pour provoquer une sensation compliquée pour les pêcheurs", complète Jérémy Grandière, président de la Fédération de pêche d'Ille-et-Vilaine. "Pour nous, c’est une première étape pour demander l’interdiction de la pêche au vif puis de la pêche en général." 

La Bretagne compte 60 000 pêcheurs qui doivent être défendus selon Jérémy Grandière : "Pour la pêche au leurre, ce ne sont pas les mêmes cannes, les leurres coûtent cher, ça n'autoriserait la pêche des carnassiers qu'à une élite."

L'avenir de la pêche au vif pourrait se jouer à l'Assemblée nationale. En novembre 2023, une proposition de loi y a été déposée. Le texte expose "qu'aucune réglementation ne vise à limiter la souffrance des poissons dans le cadre de la pêche de loisir." D'après les signataires, dont Murielle Lepvraud, députée de la quatrième circonscription des Côtes-d'Armor, "interdire la pêche au vif, technique considérée comme la plus cruelle, apparaît indispensable."

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