Grippe aviaire. "Si le virus s'accélère, on ne sait plus faire par abattage." Quel avenir pour la filière avicole ?

En cet automne 2023, quatre foyers de grippe aviaire ont été détectés dans le Morbihan. La maladie est devenue endémique sur le territoire métropolitain. Une évolution du virus qui pose la question du futur de la filière avicole.

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"Pour le moment, on est dans de la gestion de crise" explique Laurent Kerlir. Le président de la Chambre d'agriculture du Morbihan doit en effet gérer une situation très compliquée : quatre foyers de grippe aviaire ont été détectés dans le département depuis la fin du mois de novembre 2023.

"Tous les élevages concernés sont des éleveurs de dindes, reprend Laurent Kerlir. La première contamination est passée par la faune sauvage. Peut-être des oiseaux migrateurs, ou alors la faune locale, car le virus est maintenant présent structurellement." Selon lui, c'est aussi par ce vecteur que le troisième cas aurait été détecté dans le département, à Moréac.

LIRE : Grippe aviaire. Après la détection de foyers, le risque passe de "modéré" à "élevé"

Au niveau national, le niveau d'alerte avait alors été relevé le 5 décembre 2023, passant de "modéré" à "élevé". Aux quatre cas bretons s'ajoute un cas dans la Somme. Des mesures de biosécurité ont été mises en place pour éviter toute propagation du virus.

Les animaux doivent être mis à l'abri et ne doivent pas circuler sans autorisation des services de l'État. Des zones de protection ont également été définies, dans un périmètre de trois kilomètres autour des exploitations contaminées.

Les élevages de dindes sont les seuls touchés par le virus

C'est justement dans ce périmètre de trois kilomètres que se trouve le quatrième cas d'influenza aviaire dans le Morbihan. Ce qui fait soupçonner à Laurent Kerlir une contamination d'élevage à élevage. "On est dans un système de ventilation dynamique, dans le périmètre des vents dominants, décrit-il. Ça montre aussi que les mesures de biosécurité fonctionnent, parce que les cas sont détectés."

Mais faire fonctionner les mesures de biosécurité n'est qu'une mesure à court terme pour la filière. Celle-ci doit maintenant s'attaquer à de plus grands défis.

Pour le président de la Chambre d'agriculture du Morbihan, il faut changer d'approche et abattre en prévention les animaux sains. Par exemple à Grand-Champ où les deux foyers concernent deux bâtiments d'un même élevage. "Il faudrait que les animaux sains sur le point d'être abattus le soient plus rapidement. Les animaux du deuxième bâtiment de Grand-Champ devaient être abattus ce vendredi 8 décembre, ils auraient dû l'être une semaine plus tôt. Mais on a eu un refus d'un intermédiaire, qui a repoussé l'opération" regrette Laurent Kerlir.

On gère la crise, on fait du curatif

Laurent Kerlir

Président de la Chambre d'agriculture du Morbihan

L'orientation stratégique de la filière pourrait même être modifiée à long terme. Déjà en 2023, une campagne de vaccination obligatoire des canards a été lancée, une première en France et dans le monde. "En 2022, la profession avait décidé d'arrêter les canards. Cette année, cette espèce de volailles a été vaccinée car c'est un porteur sain, qui propage la maladie sans déclarer de symptômes, ajoute Laurent Kerlir. Mais il faudra peut-être vacciner les autres espèces de volailles, ce qui représente des millions d'animaux."

Les poulets de Janzé préservés pour le moment

"Comme les canards ont été vaccinés, ce sont maintenant les dindes qui sont malades" complète Stéphane Letué, président de la Coopérative des poulets de Janzé, qui représente 170 éleveurs.

Pour le moment, les animaux sont épargnés par la maladie et bénéficient d'une dérogation du ministère de l'Agriculture. "Nous avons le droit de sortir nos animaux quand ils sont âgés de huit semaines et si nous respectons les règles de biosécurité, expose-t-il. Si le plein air était un problème, on rentrerait nos volailles."

Faire rentrer les volailles, ce n'est jamais un plaisir pour les éleveurs

Stéphane Letué

Président de la Coopérative des poulets de Janzé (Ille-et-Vilaine)

Stéphane Letué reste prudent pour les prochains mois : "Nous ne sommes pas à l'abri d'être concernés un jour. Ce qu'on craint, ce n'est pas la grippe, mais l'avenir de la filière."

Un avenir incertain aussi pour Laurent Kerlir. "Aujourd'hui, on doit être plus globalement sur de la préservation, sinon nous devrons abattre des millions d'animaux. Mais si le virus s'accélère, on ne sait plus faire par abattage."

"Des trous dans la raquette"

Dans ce contexte, l'accompagnement des agriculteurs est fondamental. Le gouvernement a annoncé plusieurs mesures financières pour mieux indemniser les éleveurs.

"L'État est proche de la filière depuis cinq ans mais il y a des trous dans la raquette. L'agriculteur de Moréac avait déjà été concerné en 2022 et pas encore complètement indemnisé" déplore Laurent Kerlir. En cause, selon lui, un modèle d'indemnisation calqué sur les petites exploitations de canards du Sud-Ouest, et non sur les grandes exploitations bretonnes.

La Chambre d'agriculture a donc décidé d'accompagner au mieux les éleveurs de volailles. "On est à leur écoute, avec une aide technique et administrative. On collabore avec la MSA sur le volet psychologique et on fait le tour des créanciers, conclut Laurent Kerlir. Mais il va bien falloir que tous les acteurs se mettent autour de la table, on est vraiment inquiets."

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