La plus vieille saline de Bretagne a été dévastée par le passage de la tempête Céline. Avec la pluie et les forts coefficients de marée, la mer est passée par-dessus les digues et a envahi les bassins de récolte. Surtout, elle a emporté 60 tonnes de sel stockées sur les bords. L'équivalent de plusieurs années de salaire.
En arrivant ce dimanche matin sur la saline de Truscat, qu'il exploite avec son épouse depuis 2016, Olivier Chenelle ne peut que brandir son smartphone et filmer.
"La récolte de sel est partie" peut-on entendre, par bribes, malgré le son du vent dans le micro. "C'est monté tellement haut que mon pont s'est surélevé, mes planches sont parties" constate Olivier Chenelle.
"Les niveaux d'eau sont énormes" rajoute Olivier Chenelle, qui joint par téléphone, complète : "Là où il y a normalement 60 centimètres d'eau, il y avait deux mètres".
Depuis 2016, Olivier Chenelle et son épouse Audrey exploitent les 30 bassins de récolte, d'évaporation, et le bassin de réservoir d'eau de mer alimenté par un étier. C'est par ce petit canal, alimenté lors des grands coefficients de marée, que la mer a cette fois envahi la vasière et ses bassins. Ces derniers, de différents niveaux, mettront beaucoup plus de temps à se vider. Il sera alors temps d'évaluer complètement les dégâts.
5 ans de récolte perdus
Une chose est sûre et irrémédiable : le stock de sel qui reposait sur les digues d'argile a "littéralement fondu, comme dans les contes pour enfant" se désole Audrey. Ce sont 60 tonnes de sel qui ont été emportées, une réserve de salaire pour les 5 ou 6 ans à venir" estime-t-elle.
Car la saline de Truscat, la plus ancienne saline de Bretagne, ne donne pas tous les ans. Cet été par exemple, lorsqu'une équipe de France 3 Bretagne était venue faire un reportage, il n'y avait pas eu de récolte à cause de la pluie et des orages. C'était loin d'être un drame pour Olivier Chenelle, qui voue une grande vasière de l'exploitation à la découverte pédagogique du marais. L'été précédent avait été une très bonne récolte, qui mettait au répit pour quelques années - enfin - l'exploitation.
La saline de Truscat, qui a cinq siècles, est restée 150 ans abandonnée. Il a fallu poldériser, refaçonner les bassins qui constituent le marais salant, avant de pouvoir profiter de la production naturelle qu'ils vendent en circuit court sur les marchés.
"Dans un an, si tout va bien, si l'été veut être généreux en soleil, on aura à nouveau un salaire" estime Olivier, qui veut relativiser le drame. "Il faut simplement reconstruire les choses, c'est encore de l'énergie, et puis peut-être un soutien financier".
C'est le réflexe qu'a eu Audrey Chenelle, dans son "état de sidération" : créer une cagnotte en ligne, même si le chiffrage des besoins n'est pas effectué. Un réflexe qui n'est pas étonnant. C'est un financement participatif qui a aidé à la reprise et la restauration de cette saline, après avoir exploité celle de Saint-Armel.
"La nature reprend ses droits"
En revanche, Audrey s'attend à batailler pour toucher des assurances. En effet, la saline relève du régime de la Mutualité Sociale Agricole. Mais "on ne sait pas s'il va y avoir un arrêté de catastrophe naturelle, je pense que ce ne sera pas le cas, car il n'y a pas eu une grosse catastrophe liée à cette tempête, autre que la nôtre."
Olivier Chenelle, lui, se dit assez fier de ne pas dépendre d'aide ou de subvention. En outre, sa production peut être stockée et ne dépend pas de cours mondiaux. "Nous, on a la chance, quand on a du stock, de pouvoir tenir quelques années".
Un trésor de sel qu'il songera à stocker dans un endroit plus sûr, "comme cela se fait à Guérande". Sauf que là où à Guérande on se sert de tracteurs et de camions, "moi j'accède à mes bassins à la brouette".
En attendant, face à ce coup du sort, il considère - philosophe - que "la nature a repris ses droits".