24 prévenus comparaissent à compter du jeudi 10 mars 2022 devant le tribunal correctionnel de Rennes. Ils sont soupçonnés d'êtres impliqués dans un réseau de passeurs depuis la Sarthe.
24 personnes comparaissent du jeudi 10 au vendredi 25 mars devant le tribunal correctionnel de Rennes dans le cadre du démantèlement d'un réseau de passeurs irakiens vers la Grande-Bretagne.
L'affaire remonte à 2018. Au cours de l’été, le Groupement de Gendarmerie de la Sarthe constate "une reprise du phénomène de chargement de migrants" dans des poids-lourds en stationnement sur l’aire d’autoroute de Sarthe Sargé Le Mans, située sur l'autoroute A11, dans le sens Paris Province.
"Le 3 octobre 2018, lors d’une surveillance nocturne sur l’aire de Sarthe Touraine, un homme qui chargeait des migrants dans un camion à destination de la Grande-Bretagne était interpellé, explique le procureur de la République de Rennes, les investigations confirmaient son implication active dans un réseau".
Le 22 octobre 2018, l'homme est condamné à 1 an d'emprisonnement par le tribunal correctionnel du Mans.
Les investigations, menées par le parquet du Mans, se poursuivent afin d’identifier l’organisation des passeurs entre la France et les Îles Britanniques.
Le 23 octobre 2018, la Juridiction interrégionale spécialisée de RENNES (JIRS) est saisie et une information judiciaire est ouverte le 4 décembre suivant des chefs de "traite d’êtres humains à l’égard de plusieurs personnes", "aide à l’entrée, à la circulation ou au séjour irréguliers d’un étranger sur le territoire d’un Etat partie au protocole contre le trafic illicite de migrants en bande organisée", "participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d’un crime et d’un délit puni de 10 ans d’emprisonnement", "blanchiment en bande organisée : concours en bande organisée à une opération de placement, dissimulation, conversion du produit d’un délit".
Au total 30 personnes sont mises en cause. 24 personnes, pour certaines "basées dans des squats au Mans et sur la commune de Châtellerault" sont interpellées. Six autres personnes font l’objet d’un mandat d’arrêt.
5 000 à 11 000 euros pour le passage des clandestins
Le premier moyen pour passer les clandestins consistait à les dissimuler dans les remorques des poids-lourds stationnés sur les aires de repos à l'insu de leurs chauffeurs.
"Les tarifs avoisinaient les 5 000 £ pour une formule dite normale, selon le type de camion (denrées périssables, frigo) et la nationalité des clandestins", détaille la parquet.
"Le second moyen, appelé "INTIFAKIR" en Kurde ou "FORMULE V.I.P" consistait à faire monter les clandestins dans des camions avec la complicité de chauffeurs pour la plupart originaires des pays de l'Est", poursuit le parquet rennais, "les rendez-vous avaient lieu dans des endroits très discrets et les camions pouvaient contenir des caches aménagées".
Cette "formule" offrant plus de garanties, son coût était également plus élevé : entre 8 000 et 11 000 euros.
"Les passeurs avaient recours au système de la hawala pour recevoir les paiements, notamment en se rendant dans un café aux Pays-Bas où ont été interpellées 3 personnes", ajoute le procureur de Rennes.
Le réseau était suffisamment organisé pour disposer d'armes et de véhicules. Il créait également en amont des zones d’attente et des brèches dans les grillages des aires de repos, "s’équipant d’outils pour accéder aux camions".
"Les aires de repos, points névralgiques du système, indispensables à ce trafic lucratif, devenaient très vite l’enjeu de guerres de territoires entre groupes de passeurs, ce qui aboutissait à des règlements de compte très violents, allant jusqu’au meurtre du chef d’une équipe", précise aussi le parquet, affaire pour laquelle un autre dossier est en cours d'instruction.
Des conditions de passage déplorables
Les conditions dans lesquelles les personnes étaient hébergées "squats, zones d’attente en extérieur, même en plein hiver" puis transportées "dans des camions frigorifiques, à 14, debout, à l’arrière des fourgons qui les amenaient sur les aires"ou hébergées "étaient à l’évidence contraires à la dignité humaine".
Parmi les 24 personnes envoyées devant le tribunal correctionnel, 23 prévenus comparaîtront détenus, 1 étant sous contrôle judiciaire.
"Les mis en examen sont âgés de 22 à 53 ans ; ils sont tous de nationalité irakienne, précise le parquet, certains étaient jusque-là inconnus de la justice, d’autres ont déjà été condamnés pour le même type de faits ou pour des violences commises à l’occasion de règlements de comptes entre passeurs". Aucun n'a d’attaches en France.
Les prévenus encourent une peine de 10 ans d’emprisonnement, "doublée en cas de récidive légale, outre de fortes peines d’amendes délictuelles, et des peines complémentaires comme l’interdiction à titre définitif du territoire français et la confiscation de leurs biens".
Leur procès se tient à compter de jeudi 10 mars 2022 jusqu'au vendredi 25 mars 2022 devant le tribunal correctionnel, à la cité judiciaire de Rennes.