Les précédentes chartes d’engagements et bonnes pratiques de l’usage des produits phytosanitaires ont été retoquées par le Conseil d’Etat. Les organisations agricoles font de nouvelles propositions qui doivent être validées par les préfets et soumises à l'avis de la population
Par une décision du 19 mars 2021, le Conseil d’Etat a fait obligation aux préfets de revoir les chartes de bon voisinage établies il y a trois ans. Il demande que soit renforcée la réglementation encadrant l’usage des produits phytosanitaires et impose deux nouvelles obligations : considérer les entreprises et leurs salariés comme des voisins au même titre que les habitants des maisons qui jouxtent les parcelles et informer les riverains avant les traitements.
Les Chambres d’agriculture bretonnes se sont donc remises au travail avec la FRSEA, les Jeunes Agriculteurs, la Coordination Rurale et proposent une nouvelle charte. "Les agriculteurs, conscients des enjeux sur la santé, utilisent ces produits de manière raisonnée et non systématique, pour garantir des produits alimentaires sains, sûrs, dans le respect des exigences sanitaires et commerciales des cahiers des charges" est-il précisé dans le préambule.
"Les agriculteurs qui utilisent ces produits sont tous détenteurs d’un certificat individuel (Certiphyto)" insiste aussi le document. "La profession agricole est résolument engagée dans la dynamique et les démarches visant la réduction du recours aux produits phytosanitaires."
"Pour les distances entre les habitations ou désormais les entreprises, et les traitements, la charte ne change rien, tout est fixé par la réglementation" explique Edwige Kerboriou, en charge de la commission Environnement des Chambres d’agriculture de Bretagne.
Pour les produits les plus dangereux, la réglementation impose de ne pas traiter à moins de 20 mètres des habitations. Pour les autres, une distance de 10 mètres est prévue pour l’arboriculture, la viticulture et de 5 mètres pour les autres cultures.
Informer les voisins
Pour les autres points, les agriculteurs ont essayé de trouver des compromis. "Mais prévenir que l’on va traiter, ce n’est pas simple, car nous sommes tributaires de la météo et du vivant. S’il y a du vent, il est impossible d’utiliser un produit phyto. S’il y a trop de soleil, ce n’est pas possible non plus. Pour que les molécules soient efficaces, les conditions hygrométriques doivent être scrupuleusement respectées. Il faut un peu d’humidité pour que les molécules pénètrent mieux. C’est pour cela que l’on traite souvent tôt le matin où tard le soir" précise Edwige Kerboriou.
'Et les impondérables sont fréquents", témoigne l’éleveuse. "On a prévu de passer avec le pulvérisateur, et le lendemain, il pleut, ou bien une vache a un vêlage difficile et il nous faut repousser.'
'Et puis, ajoute l’élue de la Chambre d’agriculture, il est difficile de téléphoner à tous ses voisins pour leur dire, on va traiter. Certains collègues avaient même peur d’avoir un comité d’accueil hostile dans leurs champs. Il y a des agriculteurs qui se sont fait agresser."
La nouvelle charte propose donc de tenir les riverains informés par le biais des mairies et du site internet de la Chambre d’agriculture où des bulletins sont régulièrement publiés. Les entreprises et leurs salariés seront considérés comme des voisins.
"Et puis, on signale qu’on traite en mettant systématiquement un gyrophare sur le toit du tracteur, comme cela, les riverains sont au courant que l'on utilise des produits phyto" décrit Edwige Kerboriou,
"On essaye d'ailleurs d'en utiliser le moins possible, pour nous, pour les voisins, pour les terres. Mais quand il y a des mauvaises herbes ou des maladies dans nos cultures, nous n'avons pas le choix."
"Consultation bidon", selon le collectif anti-pesticides
"Comme par hasard, la consultation arrive au moment des vacances, s’indigne le Collectif de soutien aux victimes des pesticides de l’Ouest. Cela en dit long sur la volonté de transparence et de concertation de l’Etat ! "
Michel Besnard ne décolère pas." Ils nous refont le même coup qu’il y a trois ans. Tout cela, c’est du cinéma." L’association avait alors choisi de boycotter la consultation parlant même de "leurre".
"De toute façon, résume-t-il, ces chartes sont élaborées par le camp de l’agriculture industrielle. Aucune association de riverains, ni aucune association de défense de l’environnement n’a été consultée. "
Le Conseil d’Etat demandait qu’il y ait un allongement des distances pour les produits les plus dangereux. "5 mètres, 10 mètres, 20 mètres, cela ne veut rien dire. On sait que l’on retrouve des molécules pulvérisées jusqu’à 1 kilomètre, enrage Henri Busnel, membre du Collectif. Cette charte, c’est ce que la FNSEA souhaite dans ses rêves pour conserver ses volumes de production" conclut-il.
"On ne change rien, on fait le strict minimum et on continue comme avant", assène Michel Besnard, "alors qu’il y a des milliers de personnes malades des pesticides."
"Il y a 4 à 5 fois plus de cancers de la prostate chez les agriculteurs qui utilisent des produits phyto que dans le reste de la population" rappelle le Collectif. Et de citer aussi les risques de développer des maladies de Parkinson, des leucémies, des myélomes.
Quant à la protection des riverains, Henri Busnel n’en revient pas. "La charte prévoit des accords avec les voisins pour épandre sans aucune distance de protection. On sait bien qu’un accord peut se faire sous pression" s’agace-t-il.
L’association pourrait ne pas participer à la consultation en ligne mais souhaite néanmoins faire entendre sa voix. Elle a demandé à être reçue par le préfet de Bretagne.
La consultation est ouverte sur le site de la Préfecture d'Ille-et-Vilaine jusqu'au 11 juillet inclus.