Nous vous avons demandé de nous envoyer vos témoignages, que vous soyez confiné ou au travail. Voici le récit d'une internaute qui travaille au traitement des déchets et qui souhaite rendre hommage à tous ceux qui se battent, même ceux que l’on oublie.
Mercredi 18 mars 2020.
Quand j'ai su qu'on nous donnait la parole, ma première envie a été de passer un coup de gueule. De pester contre ces gens qui se croient en vacances, vont se balader sur la plage ou s'empressent de rejoindre leur résidence secondaire. De râler sur ceux qui se ruent sur les denrées alimentaires ou les produits de première nécessité, favorisant la contagion, créant la pénurie provisoire par leur bêtise.
Puis je me suis dit... "À quoi bon ?" À quoi bon encore, se poser en donneuse de leçons, là où d'autres ont essayé (et échoué) avant moi ? Au lieu de ça je préfère, à travers le partage d'un bout de mon quotidien, rendre hommage à tous ceux qui se battent contre la vilaine bête, et particulièrement aux oubliés.
Je m'appelle "A", j'ai la trentaine et je travaille dans une unité de traitement et de valorisation des déchets. Mon quotidien consiste à entretenir et dépanner les installations d'incinération des ordures.
Ici, nous recevons les déchets ménagers, industriels et hospitaliers non sensibles et les détruisons. Les poubelles noires et quelques autres, grosso modo. Ce qui veut dire, concrètement, qu'en cette période, nous recevons les masques et mouchoirs de personnes contaminées.Aujourd’hui, si je ne suis pas en première ligne, je suis en deuxième.
Au front, parce que nous savons que potentiellement nous courrons un risque. Un risque de le choper, un risque de ramener la vilaine bête à la maison, où nous attendent nos familles. Les gestes barrières sont, bien évidemment mis en place, mais bizarrement, chaque jour on sent que l'étau se resserre un peu plus. Il est là, invisible. Il est passé par ici, mais si seulement il pouvait ne pas repasser par là.Pendant que d'autres se plaignent ou enfreignent le confinement, nous, nous allons au front.
D'abord des cas suspects, puis les premiers arrêts, par précaution. Quand il y a un malade, c'est l'équipe qui est arrêtée. Et les autres doivent prendre le relais. Pour nous, pour vous. Parce que nous avons une mission d'utilité publique, sanitaire, continuer a évacuer et détruire les déchets, afin que ceux-ci ne viennent pas à s'accumuler dans les rues, apportant la maladie sur la maladie, une crise sanitaire sur une autre.
Alors on s'organise, on divise les équipes, on se tient prêts à remplacer les collègues au pied levé sans compter nos heures, espérant ne pas en arriver là, mais bien conscients que les probabilités que ça arrive sont élevées.
Alors ce soir, avant d'aller me reposer pour retourner demain assurer ma mission, je voudrais adresser mes remerciements à tous ceux qui se battent :
Merci, bien évidemment, au personnel médical.
Mais merci, aussi, aux autres.
Merci aux éboueurs, aux femmes de ménage, aux caissiers, aux routiers.
Merci aux techniciens qui font en sorte que vous continuiez à avoir l'eau potable, l'électricité, les moyens de télécommunication.
Merci à tous ceux qui restent chez eux et qui font preuve de créativité pour être solidaires.
Merci à tous ceux qui restent juste chez eux, pour y travailler ou non. Merci à tous ceux qui vont bosser.
Merci et pardon, à tout ceux que j'ai oublié de citer.