Violences conjugales: les 10 ans de cauchemar d'Annabelle

Ce mercredi 25 novembre est organisée la journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes. Annabelle est de celles pour qui, la vie de couple s'est transformée en cauchemar dans le huis clos de la campagne bretonne. Aujourd'hui, Annabelle vient en aide à des femmes battues.

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A 41 ans, Annabelle est une jolie et pétillante jeune-femme blonde. Même si, pour la première fois, elle accepte de raconter son histoire à visage découvert, c'est loin de chez elle, dans un restaurant d'Auray (56)qu'elle a choisi de nous rencontrer. Poignée de main ferme. Annabelle est déterminée. Une autre jeune-femme, victime elle aussi de violences conjugales, l'accompagne. Toutes les deux s'épaulent, s'accompagnent depuis quelques années.

Annabelle a 23 ans lorsqu'elle rencontre son futur mari. Très vite après le début de leur relation, son prince charmant cède à des accès de violence. "C'était à l'occasion de cuites festives, le week-end. Il cassait des meubles". Mais Annabelle est amoureuse et minimise ces épisodes.
Deux ans plus tard, le couple a un premier enfant et se marie dans la foulée.

"Je pensais qu'en devenant père, avec les responsabilités familiales et financières, les problèmes d'alcool de mon homme allaient disparaître. Ça a été tout l'inverse", se souvient Annabelle.


Elle a 25 ans. Pour cette jeune-mère, responsable de caisses dans une grande surface, la longue descente aux enfers commence. "La situation s'est aggravée lorsque nous nous sommes rapprochés de mon ex-belle-famille, explique Annabelle. Nous étions en campagne, en Ille-et-Vilaine, où règne l'omerta. Avec son frère, mon mari s'enivrait de plus en plus souvent. C'est là que les coups ont commencé à pleuvoir régulièrement."

Hospitalisée

A deux reprises, Annabelle est blessée sérieusement: une fois par arme blanche, la suivante, un traumatisme crânien la conduit à l'hôpital. "Juste avant l'arrivée des pompiers, mon mari m'a ordonné de dire que j'avais chuté dans l'escalier. Il m'a menacée de partir avec les enfants si je disais la vérité".

"J'étais devenue une super-comédienne"

Alors, Annabelle se tait. "J'étais devenue une super-comédienne. En présence de ma famille et des amis, je portais un masque". Aux collègues, qui s'étonnent parfois de son visage tuméfié, elle explique "s'être pris une porte"

"J'étais en mode survie"

En plus des coups, Annabelle subit des viols et une violence psychologique. "J'étais chronométrée pour aller et revenir de mon travail, pour déposer et aller chercher les enfants à l'école. Au moindre retard, je devais me justifier." Pourtant coquette et féminine, Annabelle néglige son apparence. Son époux développe une jalousie maladive. "Plus d'envie, plus de désir. Je ne ressentais plus rien à part de la peur. J'étais en mode survie"

Malgré cela, malgré la peur, qui s'installe, le couple a encore deux enfants. "Grâce à eux, je me sentais encore un peu femme. Mais longtemps, je m'en suis voulu de ne pas me rebeller. J'en voulais à mon mari mais, en même temps, je jouais son jeu"

Il faut dire que dans cette campagne, où ils vivent, le couple fait illusion.

"D'ailleurs, lorsque j'ai enfin brisé le silence, tout le monde est tombé des nues, dans la commune".


Le silence, Annabelle décide de le briser après dix ans de mariage. Depuis plusieurs jours, son mari menace de la tuer. Annabelle ne dort plus. Pour elle, c'est certain, il va passer à l'acte. Son fils aîné, âgé de 11 ans, est équipé d'un téléphone mobile avec, pour consigne, d'appeler le 17 "si la situation dégénère." "C'est mon aîné, à la sortie de l'école, qui m'a poussée à réagir parce que ça ne pouvait plus durer", raconte-t-elle.

"Des femmes comme vous, on en reçoit tous les jours"

A la gendarmerie, un premier contact lui rétorque que "des femmes comme [elle], on en reçoit tous les jours!". Un second gendarme accepte, lui, d'écouter son récit. Récit étayé par un appel menaçant de son mari, furieux de ne pas la voir revenir au domicile. L'homme est hospitalisé d'office. A l'abri des coups, le combat d'Annabelle ne fait que commencer.

Le prix de la liberté retrouvée

La jeune mère trouve un soutien auprès de sa famille, qui découvre enfin les dix ans de calvaire d'Annabelle. Elle entame une procédure de divorce et finit, au bout de quelques années, par élire domicile dans un autre département "pour ne plus avoir peur", enfin! Au passage, Annabelle est contrainte d'abandonner son travail. Trop fragile, trop accaparée par ses enfants, passablement secoués par ce qu'ils ont vécu, mais aussi par les épais dossiers à constituer pour la Justice, la mère de famille rencontre de grosses difficultés financières. Le prix de la liberté retrouvée.


Se reconstruire 

Aujourd'hui, sept ans après avoir quitté son ex-mari, Annabelle assure qu'elle va bien. "Depuis, j'ai appris que la main d'un homme pouvait aussi être amour et tendresse". Surtout Annabelle a fini de détester celle qu'elle était devenue à force de coups et de résignation. La tête haute, elle témoigne de son enfer mais aussi de sa renaissance auprès d'autres femmes victimes, elles aussi, de violences conjugales. 

Oeuvrer pour les femmes et les enfants victimes de violence

Surtout, Annabelle veut s'investir encore plus auprès d'associations d'aide. "Lorsque je suis partie, je n'avais personne vers qui me tourner. Aujourd'hui, des structures existent mais elles manquent cruellement de moyens", déplore-t-elle.
Son rêve ? Créer un accueil d'urgence, dans le Morbihan, où femmes et enfants puissent trouver refuge mais aussi un suivi psychologique d'urgence ainsi qu'une aide à l'insertion professionnelle.
En dernier lieu, Annabelle veut améliorer la prise en charge des enfants, élevés dans un foyer dominé par la violence et la terreur. 
Auray (56) Annabelle Paviot / Reportage : H. Pédech - B. Van Wassenhove


Les dernières avancées en la matière
Le gouvernement a lancé il y a deux ans un plan de lutte contre les violences faites aux femmes, visant notamment à encourager le dépôt de plainte, de préférence aux mains courantes.

Ce mercredi 25 novembre, la Préfecture du Finistère signe une convention qui vise à améliorer l'accueil fait aux femmes, qui se présentent au commissariat de police ou en gendarmerie pour dénoncer des violences conjugales.

Le 3919, ligne d’information téléphonique nationale destinée aux femmes victimes de violences, a traité plus de 50.000 appels en 2014, deux fois plus que l’année précédente, selon un bilan publié, cette semaine, par l’association qui la gère, la Fédération nationale solidarité femmes.

L
e vendredi 11 décembre, à 18h à la Maison des Associations de Rennes, l'association "Histoire du Féminisme à Rennes", reçoit la sociologue Pauline Delage pour une conférence sur "La prise en charge des violences conjugales, une histoire comparative France Etats-Unis".
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