Le domaine national cherche t-il à mettre la main sur la commune ? En tous cas, l'hypothèse aurait été envisagée dans un passé relativement récent. " La bataille de Chambord", un document à voir ce vendredi à 23h30 et samedi à 15h20 sur France 3 Centre, dans l'Enquête au Centre.
La particularité de la commune de Chambord
Chambord, son château, son domaine de 5540 hectares mais aussi sa commune... Une commune fondée au lendemain de la Révolution, en 1790. Une commune fait Croix de guerre en 1948 mais une commune dont le principal défaut est d’être située à l’intérieur du domaine national de Chambord. Et c’est bien toute la complexité du dossier : depuis 2005, l’ensemble des propriétés sont gérées par l’EPIC (Etablissement Public Industriel et Commercial) du domaine de Chambord, si bien que la commune, son maire et ses 137 habitants sont a fortiori sous son contrôle.Deux pouvoirs s’affrontent donc dans le domaine : la direction de l’EPIC et le maire avec chacun son pouvoir de police et ses prérogatives, il était donc inévitable que les deux entités entrent en conflit tôt ou tard. :
Printemps 2011, la direction du domaine refuse de renouveler la convention permettant à trois restaurateurs d’installer leur terrasse place St Louis. En réaction, le maire décide de leur délivrer l’autorisation. Après avoir perdu en première instance, le maire obtient finalement gain de cause, sur ce sujet précis, en deuxième instance. Depuis, la guerre est permanente.
Une guerre permanente entre le Conseil d'Administration du domaine et la commune
Depuis d’autres conflits ont éclaté, l’établissement public a, par exemple, proposé à la mairie des nouvelles conventions d’occupations, concernant les biens communaux lors du dernier Conseil d’Administration, en vertu d'un Avis du Conseil d'Etat datant du 19 juillet 2012 précisant les contours de la Domanialité Publique à Chambord. Mais le maire qui considère qu’elles ne sont pas à l’avantage de la commune, les a toutes refusées. Et continuera de le faire tant qu'il ne traitera pas en direct avec l'Etat.Dernier fait marquant, le 10 juillet 2013. Le conseil d’administration du domaine décide que le maire disposera désormais à titre gracieux de la mairie, de la salle des fêtes, de deux parkings et du cimetière. Il ne pourra plus utiliser le tennis, il ne pourra plus commercialiser la salle des fêtes. Le maire se retrouve donc dans une situation particulièrement inconfortable : les mariages lui permettaient d’équilibrer le budget de la salle.
Se sentant dépossédé de tout bien, le maire a donc décidé de faire appel de cette délibération auprès du Tribunal Administratif d’Orléans, une procédure judiciaire de plus. Mais l’affaire a pris une toute autre dimension, le 5 septembre dernier. Pour la première fois, lors d’une conférence de presse exceptionnelle, le maire reçoit le soutien d’élus agacés par ce qu’ils jugent être une "mise sous tutelle de la commune". La Sénatrice Jacqueline Gourault, le président PS de la communauté de commune "Grand Chambord"", Gilles Clément et même l’association des Maires Ruraux de France sont là.« Il y a en tout cas d’une certaine manière du coté du propriétaire..., l’établissement public, des pouvoirs qui pourraient être qualifiés d’exorbitants. Ce n’est pas sûr qu’ils soient mis en œuvre ces pouvoirs mais en tout cas la porte est entre ouverte et cela nous tenons à le souligner », explique de manière très sereine Gilles Clément.
Jacqueline Gourault va plus loin : « Au fond, il y a une espèce de main-mise totale sur la vie de la commune et ça ce n’est pas normal…Donc ce qu’il faut, c’est simplement définir clairement quelle est la mission de chacun et laisser la commune exercer ses prérogatives »
Avec toutes ces histoires, le maire aurait pu lâcher prise depuis le temps mais il poursuit son combat pour défendre les intérêts de la commune. Car il ne veut pas devenir un simple faire-valoir du domaine. Et puis c’est mal le connaître : André Joly nous l’a confié, il se battra jusqu’au bout : « Je ne suis pas un bagarreur. Néanmoins, je suis tenace...mon père est mort à 101 ans", précise t-il, sourire en coin.
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La caution morale de la Cour des Comptes
Quelques minutes avant le début de la conférence de presse du 5 septembre dernier, au cours de laquelle le maire a reçu le soutien d'élus et d'association, un énigmatique fax a provoqué la stupeur. Le document, envoyé depuis le château à la mairie par un mystérieux interlocuteur, est en fait la rédaction rapide d’un projet de loi visant à supprimer purement et simplement la commune de Chambord.« Article 1 : La Commune de Chambord est supprimée.
Le domaine national de Chambord est rattaché à la commune de Huisseau-sur-Cosson »
Un Faux document pour déstabiliser la direction du domaine ou un véritable projet de loi révélé au grand jour ? Ce fax ne cesse de susciter la polémique. Mais à bien y regarder la Cour des comptes avait explicitement envisagé l’hypothèse dès 2009.
Nommé fin 2012 pour apaiser la situation entre la Direction du Domaine et le Village, le médiateur, Bertrand Landrieux, l’a lui-même évoqué dans un document confidentiel :
« Il est profondément regrettable que la Cour des Comptes, souvent mieux inspirée, ait donné sa caution morale à l’hypothèse de la suppression de la Commune de Chambord dans son rapport de Septembre 2009 ».
Bref, une preuve tangible comme quoi l’hypothèse de la suppression de la commune a bien été envisagée à une époque…Pas de quoi rassurer le maire.