Décembre 1973: une centaine de chiliens trouve refuge dans le Loiret

Le 14 décembre 1973, trois mois après le coup d'état mené contre Salvador Allende, une centaine de réfugiés chiliens arrive à Orléans. Ils sont dirigés vers le château de Chamerolles où ils séjourneront six mois. Quarante après, Armado Fuenzalida se souvient...

Armando Fuenzalida habite à Semoy, une  petite commune de la banlieue d'Orléans où il a fait construire dans les années 80. L'ancien réfugié chilien est aujourd'hui un grand-père qui s'apprète à recevoir ses huit petits-enfants. Le salon est illuminé par une multitude de lampes et de décorations. Sur un guéridon, une boite à musique diffuse un air de Noël. Nous nous installons dans des canapés en cuir très confortables. Il règne une chaleur enveloppante. Nous sommes le 19 décembre. Armando a débarqué en France il y a quarante ans, presque jour pour jour.

Le 14 décembre 1973, avec cent autres de ses compatriotes, il arrive à Orléans. Direction le château de Chamerolles où ils sont hébergés dans des bungalows du centre de vacances des PTT. Armando est « déçu ». Il aurait préféré rester sur Paris. Comme beaucoup de réfugiés politiques, il pensait ne rester quelques mois en France « le temps que les choses s'arrangent au Chili ».
Ecoutez son témoignage ci dessous

La solidarité à l'oeuvre
A Chamerolles, les réfugiés chiliens ont un répit de six mois. Les autorités françaises exigent que durant ce  laps de temps, ils apprennent le français, trouvent un logement et un travail. Pour Armando, ce sera dans la grande distribution. Puis à la mairie de Semoy et d’Orléans. Si la plupart des chiliens de Chamerolles réussissent leur intégration, c'est grâce à la solidarité explique-t-il.  « Nous avons bénéficié du soutien des partis de gauche, des syndicats, des associations d’aide aux immigrés. Les organisations a politiques comme le Secours populaire, l’église catholique nous ont aussi beaucoup aidés. Même le gouvernement de Georges Pompidou soutenait notre cause ». Dans un article publié dans Le Monde, le journaliste Ricardo Parvex revient sur les conditions exceptionnelles dans lesquelles les Chiliens ont été accueillis en France. 





Septembre 1973, la vie d'Armando bascule
Il a 37 ans et occupe un poste de haut-fonctionnaire au ministère de l’industrie et du commerce. Le 12 septembre, au lendemain du coup d’état mené par A.Pinochet contre le gouvernement de Salvador Allende, Armando est arrêté pour être interrogé par l’Intelligence militaire. Il est relâché quelques heures plus tard grâce à ses « connaissances » au sein de l’armée.  Pendant trois semaines, Armando continue d’exercer ses fonctions au ministère. Mais désormais, sa direction lui « demande » de collaborer avec un autre fonctionnaire, acquis au nouveau pouvoir militaire de Pinochet.  Dans les premiers temps, il ne ressent pas d'inquitéude particulière « J'étais sans crainte car je n'avais rien à me reprocher. La terreur s’est installée petit à petit. Et nous avons pris conscience que l’affaire était grave »

Le coup de fil décisif
Un soir d’octobre, Armando reçoit un appel anonyme qui l'informe de l'imminence de son arrestation. Avec sa femme, Mona Lisa, ils décident alors de se réfugier à l’ambassade de France.  «De là nous pouvions voir des cadavres flotter dans le fleuve Mapocho» se souvient Armando. La famille Fuenzalida restera deux mois confinée à l’ambassade avec une centaine de leurs compatriotes chiliens venus eux-aussi échapper au diktat militaire.  A la mi-décembre,  ils obtiennent l’autorisation de gagner la France.

Un aller simple pour la France
En 1990, le processus démocratique engagé à l’initiative de A.Pinochet amène au pouvoir un chrétien démocrate Patricio Aylwin. Pour beaucoup de Chiliens, c’est le temps du retour. Mais pas pour Armando. « L’armée avait répertorié dans un livre les réfugiés  dangereux pour le pays. Je figurais sur cette liste noire qui comportait 10 000 noms». 
Armando effectuera finalement un séjour au pays en 1993. Mais l’accueil que lui réservent ses anciens collègues et amis le déçoit. « Nous étions les bienvenus pour les vacances sans plus. On nous regardait avec suspicion.»

Sa vie est désormais à Orléans. Celles de ses enfants aussi.Armando a obtenu entre temps la nationalité française. Ce qui devait être une parenthèse de quelques mois s’est transformé en un aller simple pour la France.

►Lire aussi: Il y a quarante ans Allende renversé . Libération.fr
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