Le feu vert donné par l'administration au plan social a été annulé par le tribunal administratif de Cergy-Pontoise, ouvrant la voie à des dommages et intérêts pour les 2.800 salariés licenciés.
Cette décision du tribunal ne suspend pas la mise en oeuvre du plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) mais enclenche des procédures auprès des prud'hommes permettant aux salariés licenciés de percevoir des dommages et intérêts.
Selon l'avocat d'un collectif de près de 1.000 salariés, Me Fiodor Rilov, il s'agit d'une "première victoire pour les salariés qui ont perdu leurs emplois dans des conditions inacceptables". L'avocate représentant l'administrateur judiciaire, Me Deborah David, n'a pas souhaité réagir dans l'immédiat. Mais l'administrateur judiciaire a la possibilité de faire appel de la décision du tribunal.
Le plan social chez Mory Ducros, l'un des plus important du quinquennat, avait été homologué en mars par l'administration. C'est ce feu vert de l'État que la CGT, la CFDT, la CFE-CGC ainsi qu'un groupe de plusieurs centaines de salariés défendus par Me Rilov contestaient.
Placée en redressement judiciaire en novembre 2013, l'entreprise a été en partie reprise par le groupe Arcole Industries, son actionnaire. La nouvelle société, Mory Global, a conservé 50 agences sur 85 et 2.200 salariés.
Parallèlement, l'administrateur judiciaire a mis à exécution le plan social: 2.372 salariés ont déjà été licenciés, plus de 5.000 entretiens ont eu lieu et 500 parcours de formation sont engagés. Début juillet, 200 salariés licenciés avaient retrouvé un emploi, durable dans la moitié des cas.
Après l'annulation de l'homologation du plan social, les conseils des prud'hommes vont être saisis dans les jours qui viennent, a indiqué Me Rilov à l'AFP. Cette annulation permet aux salariés licenciés de revendiquer une indemnisation individuelle minimale. Mais, précise l'avocat, elle permettra également de faire entendre des critiques supplémentaires concernant le plan social. Si ces critiques sont jugées pertinentes, les indemnités consenties aux salariés licenciés pourraient être augmentées d'autant.
"La procédure cardinale"
Les avocats des salariés ont plaidé l'insuffisance de motivation de la décision d'homologation et jugé que les mesures du plan social n'étaient pas proportionnées aux moyens du groupe auquel appartenait Mory Ducros. Ils ont aussi critiqué le fait que les critères d'ordre du licenciement, qui permettentde déterminer quels salariés seront licenciés, aient été appliqués par agence et non au niveau de l'entreprise.
C'est au régime patronal de garantie de paiement des salaires et indemnités, l'AGS, qu'il reviendra de payer les indemnités de réparation aux salariés licenciés. La note pourrait être salée, "au minimum six mois de dommages et intérêts", a minima 42 millions d'euros, a estimé Thierry Méteyé, directeur de l'Association de garantie des salaires.
Depuis la faillite de Mory Ducros, l'AGS a déjà versé plus de "70,4 millions d'euros de salaires, indemnités de licenciements et congés payés".
Si les recours aboutissaient, "ce serait faire payer indirectement des primes supra-légales avec l'argent des entreprises, de la collectivité", s'était-il indigné avant que le tribunal rende sa décision.
Me Rilov promet d'ouvrir "très prochainement" une autre procédure, devant le tribunal de grande instance, contre les actionnaires de Mory Ducros
qu'il considère être "la procédure cardinale". Il accuse en effet Arcole et sa maison-mère Caravelle, qui ont fusionné fin 2012 Mory et Ducros, d'avoir mené l'entreprise "à une faillite certaine de telle sorte que les licenciements soient pris en charge par la collectivité". De plus, selon lui, le "miraculeux" sauvetage de l'entreprise par ceux "qui la contrôlaient au moment de la déconfiture" est "une opération totalement illégale".