Affaire Sauvage : la Cour d’Assises a-t-elle été trop sévère ?

Jacqueline Sauvage a été condamnée, le 28 octobre, à 10 ans de prison pour avoir tué son mari violent, qui avait abusé sexuellement de ses filles. Depuis cette condamnation, nombreuses sont les voix qui s’étonnent de la sévérité d’un tel verdict. Tentative d’explication :

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Dix ans de prison pour avoir tué son mari violent, qui abusait de ses filles et maltraitait son fils : en résumant l’affaire à l’extrême, de nombreux paramètres disparaissent et le verdict de la Cour d’Assises du Loiret peut paraître choquant. Mais en examinant le procès de plus près, l’affaire Sauvage devient bien plus complexe. De nombreuses questions restent en suspens et peuvent expliquer la décision du jury.

Comment est mort Norbert Marot ?

Norbert Marot a été tué de trois balles de fusil. Quand elle tire sur son mari, Jacqueline Sauvage se trouve à l'intérieur de la maison, la porte d'entrée est ouverte. Norbert Marot est assis sur une chaise de jardin en plastique, à l’extérieur, le dos tourné à la maison. Il a bu (son taux d’alcoolémie atteint les 2 grammes).

Le témoignage de Jacqueline Sauvage

Jacqueline Sauvage a raconté cette journée devant la Cour. Le matin, elle travaille dans le bureau de sa maison. Elle déjeune ensuite avec son mari et, fatiguée à cause des cachets qu’elle prend, elle part s’allonger (elle aurait ainsi dormi cinq heures). C’est alors qu’elle est réveillée par son mari. " Il m’a tiré par les cheveux, m’a dit va faire le manger, il m’a poussée". Elle explique que cela l’a mise hors d’elle et qu’elle n’a pu se contrôler. Elle prend le fusil. "Il y avait toujours des cartouches. J’ai pris le fusil derrière la porte, j’ai armé ". Elle explique avoir ensuite perdu le contrôle d’elle-même et avoir fait feu sur son mari : "j''ai explosé. Je me suis rendu compte de mon geste ensuite, et  j'ai appelé le 18. Je n'étais plus moi même. Il m'avait ouvert la lèvre une nouvelle fois ".

Les contradictions de son témoignage

La manière dont les coups de feu ont été tirés ont laissé l’accusation perplexe. Jacqueline Sauvage a déclaré avoir fermé les yeux au moment des tirs. L'avocate générale se demande alors comment, sans regarder, on peut atteindre trois fois sa cible. Selon l'expert c'est possible, mais il qualifie cette série de "belle répétatibilité". Un peu plus tôt, à la barre, un gendarme s’étonne des propos que lui avait tenu l’accusée : « Elle m'explique qu'elle a tiré les yeux fermés alors que c'est une chasseuse habituelle ».

Jacqueline Sauvage a-t-elle pris des médicaments ? Pour la Présidente de la Cour d’Assises du Loiret, la réponse est non : les produits qu’elle explique avoir ingéré n’ont pas été retrouvés dans ses analyses toxicologiques. Et la Présidente cherche alors à savoir ce qui s’est passé pendant cette période de la journée, entre sa sieste et le moment des tirs. Elle s’étonne d’une sieste qui aurait duré cinq heures sans médicaments. Jacqueline Sauvage persiste à répondre qu’elle dormait, qu’elle avait pris des cachets. Elle ajoute que son mari l’a violentée ce jour-là. Si l’expertise atteste d’un coup à la lèvre, aucune autre trace de violence n’aura été relevée. Que s'est-il vraiment passé cet après-midi là ?

Pourquoi Jacqueline Sauvage a-t-elle tué son mari ?

Défense et accusation semblent s’accorder sur un point : la victime n’était pas un ange. L’époux est irritable, coléreux, violent et infidèle. Il rabaissait son fils et aurait violé ses filles. Aucune plainte n'a jamais été déposée pour ces maltraitances. Il n'existe pas de preuves de ces faits même si les témoignages en attestent

A la barre, un ami de Fabienne Marot témoigne avoir été frappé "Il a cassé le nez de sa fille. J’ai eu la peur de ma vie, j’ai cru qu’il allait me tirer dessus ". Un ancien ami de la victime explique " son comportement étrange avec ses filles. Il "chahutait", selon ses termes, mais il leur touchait les seins et les fesses. Donc je me suis éloigné. Je savais bien qu'il fallait dire quelque chose. Mais ce n'était pas facile. Chez lui, il faisait régner la terreur." Les voisins expliquent aussi la peur qu’il faisait régner dans le quartier : "Tout le monde avait quelque chose à dire mais personne ne voulait porter plainte contre le couple. Moi je n'ai pas eu peur, je l'ai fait. Mon mari a reçu des menaces de mort".


Ces témoignages portent sur des faits qui s’étalent sur plus de 20 ans, les viols sur ses filles remontant aux années 90. Depuis, l’une des filles a quitté la ville mais une autre travaillaient dans l'entreprise familiale, avec son père et son frère. C’est ce qui pousse l’accusation à dire que l'homme, certes violent, ne représentait pas un danger immédiat. 
Dans son réquisitoire, l'Avocate générale rappelle les épisodes évoqués. "Je vous invite, encore une fois, a vous interroger, sur le caractère fréquent, et leur gravité. Il ne s'agit pas de banaliser : une gifle reste une gifle de trop. Je vous pose la question pour vous amener à réfléchir. Était-elle (Jacqueline) battue à un point tel qu'elle ne pouvait plus réagir ? Vivait-elle dans une peur extrême au point de devoir tuer son mari ?". La peur était-elle constante ? Au cours de son procès, Jacqueline Sauvage ne parvient pas à convaincre le jury que la peur et la tension familiale était telle qu'elle n'a jamais eu la force de porter plainte contre son époux.
L'accusation pointe un fait troublant en demandant à Fabienne Marot, l'une des filles du couple : "n'avez-vous pas eu peur pour vos enfants lorsque votre père les a emmené en camping-car dans la Somme en 2011 ?" .La réponse peut laisser perplexe : "Il savait qu'il n'avait pas le droit de toucher à nos gosses".

Dans la conclusion de son rapport sur Jacqueline Sauvage, l'expert psychiatre note que cette dernière "déclare ne pas comprendre pourquoi elle serait condamnée alors que son mari tyrannisait la famille depuis plus de 20 ans". Les six jurés de la Cour d'Assises du Loiret en ont décidé autrement. Ils n'ont pas été convaincu de la nécessité du geste de cette femme de 65 ans, qui avait partagé la vie de son mari durant 47 ans . L'avocat de Jacqueline Sauvage a fait appel de la décision. Un nouveau jury, composé cette fois de neuf jurés, devra rejuger cette affaire dans quelques mois.

Pour en savoir plus sur le procès Sauvage
Une retranscription écrite de tout le procès a été réalisée par nos confrères de la République du Centre. Vous pouvez retrouver les trois journées du procès, en live tweet, en cliquant ICI. 
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