A l'arrêt depuis le début du confinement et sans perspective de reprise à court terme, les entreprises techniques spécialisées dans le spectacle et l'événement sont au bord du gouffre. Les sièges de ces sociétés sont éclairés en rouge cette semaine, comme de nombreux bâtiments publics et privés.
"Le mouvement Alerte Rouge a été initié par le Synpase, le syndicat qui représente les prestataires techniques en France, environ 700 entreprises. Nous sommes à l'arrêt depuis début mars et les premières mesures d'annulation des rassemblements au-delà de 5000 personnes", explique Sébastien Bargue, patron de Scène de nuit, prestataire technique à Tours.Sonorisation, éclairage, structures, décors, régie... S'ils restent dans l'ombre, les prestataires techniques sont au coeur des festivals, des événements sportifs, des salons professionnels à travers tout le territoire.On éclaire en rouge pour alerter le gouvernement sur notre situation : si rien n'est fait, dans les mois qui viennent la moitié des entreprises sera à terre
Laurent Legeay est le cofondateur de 3 sociétés basées à La-Ville-Aux-Dames (37), spécialisées dans l'événementiel et le spectacle (Prog Event, Frékences et wwwi). Pour lui aussi, il y a urgence :
"Le gouvernement a très vite pris des mesures pour les intermittents, les artistes et créateurs, c'était très bien, mais il a complètement oublié ceux qui restent dans l'ombre. On a eu le report du chômage partiel, heureusement, sans cela on serait en train de fermer les boîtes. Mais ça ne suffit pas, on a quand même des charges et zéro rentrée d'argent, l'équation est vite faite !"
Sur ses trois structures, Laurent Legeay emploie quinze salariés (sans compter les CDD ou intermittents qui interviennent ponctuellement sur les événements). A l'exception des gérants, bien sûr, tous sont aujourd'hui au chômage partiel :
"La situation devient vraiment critique pour beaucoup d'entre nous, sans travail les salariés commencent à se démotiver. Ce sont tous des gens qui font un métier passion dans ce milieu, donc c'est dur aussi psychologiquement."
Quasiment à l'arrêt depuis le mois de mars, les trois sociétés de La-Ville-aux-Dames devraient perdre cette année 90% de leur chiffre d'affaires, estime Laurent Legeay :
"Le manque à gagner est considérable, on a calculé qu'on allait perdre trois millions d'euros sur l'exercice en cours. Pour l'instant on survit grâce au chômage partiel, parce qu'en bons gestionnaires, on avait une trésorerie de côté pour le cas où... Mais cela va devenir très compliqué quand il va falloir rembourser les reports de charge. Le problème, c'est qu'on a aucune visibilité, aucune décision claire du gouvernement. A la limite, ce serait plus simple si l'on nous disait qu'on ne fera plus rien avant le mois d'avril. Mais on nous laisse penser que, peut-être, cela reprendra dans 15 jours ou un mois et il faut qu'on soit prêt si cela repart, c'est ingérable..."
"La réalité, c'est que, si un certain nombre d'entreprises ont pu reprendre après le confinement, notre métier est toujours à l'arrêt, rappelle Sébastien Bargue. La perte moyenne est évaluée à 80% du chiffre d'affaires, on attend du gouvernement des aides spécifiques à nos métiers de prestataires techniques."
"On espère un plan d'action massif pour nous aider, reprend Laurent Legeay, comme le gouvernement l'a fait pour l'aéronautique ou l'industrie automobile. Des secteurs qui fonctionnent à perte, alors que le nôtre est dynamique, marche plutôt bien et ramène de l'argent au pays."