BD. Découvrez "Loire", la douce et fragile héroïne d’Etienne Davodeau

Après "Le Droit du sol", Etienne Davodeau livre aujourd’hui une nouvelle bande dessinée, sobrement intitulée "Loire". Avec beaucoup de poésie et de délicatesse, l’auteur maintes fois primé délivre un splendide hommage à ce fleuve dont il est le compagnon depuis toujours. Au point d’en faire le personnage principal.

Une invitation troublante, une balade hasardeuse sur les rives du fleuve pour rejoindre le lieu de rendez-vous, une petite maison, et puis il y a la mystérieuse Agathe, qui se fait décidément attendre.

Contrairement à son dernier livre, écrit sur le mode documentaire, on est ici clairement dans un récit fictionnel. Avec une histoire, donc. Et des personnages. Mais le personnage central de ce récit ce n’est ni Louis, ni Agathe. C’est que Loire, le fleuve compagnon, finit par occuper le rôle principal.

Exit l’article marquant le féminin. "Loire, c’est presque un prénom" explique l’auteur de Lulu femme nue. Si, à 58 ans, il a souhaité brosser le portrait de ce fleuve au point d’en faire l’héroïne de son livre, c’est bien sûr parce que "les lumières qui le baignent, les paysages mouvants qu’on y trouve, c’est forcément quelque chose d’attirant pour le dessinateur que je suis."

On se laisse ainsi volontiers porter, au fil des pages par les nombreuses planches dénuées de dialogues. Un côté presque hypnotique que l’on retrouve lorsque, assis sur les rives du fleuve, le moindre mouvement se fait hésitant, de peur de troubler la quiétude des lieux.

"Ces grands panoramiques muets permettent de montrer ces éléments  humains ou non humains qui peuplent la Loire, explique l’auteur. En fait, j’essaie de donner la parole au fleuve. Si la Loire nous parle, elle le fait sur un mode non verbal. C’est le rôle d’un dessinateur, d’un photographe, d’un aquarelliste d’un peintre ou d’un auteur de BD de laisser monter cette parole-là, de lui donner sa juste place".

En authentique familier des lieux, Etienne Davodeau connaît bien son sujet. Et il se sent profondément Ligérien.

Ce fleuve fait partie de ma vie depuis que je suis né ; je l’arpente encore beaucoup aujourd’hui, notamment à vélo

Etienne Davodeau

"Enfant, j’avais dans ma famille beaucoup de pêcheurs du dimanche, se souvient-il. Ils m’emmenaient pendant des après-midi entières sur le fleuve pour des séances interminables où ils essayaient d’attraper des mulets. En réalité  je n’ai jamais aimé la pêche. Je m’ennuyais ferme. C’est probablement dans ces moments d’inaction totale qu’ont infusé en moi ces sentiments de Loire, son odeur, ses mouvement ses ambiances et ses lumières. Cinquante ans après, il était important de mettre tout ça en images."

Il y a dans son récit une dimension affective certaine. Mais il  n’est pas pour autant question d’admiration béate ou de cette nostalgie qui accompagne parfois l’avancée en âge. Parce qu’il y a aussi, dans Loire, la volonté de délivrer un message.

Point de départ de cette réflexion, les travaux du Parlement de Loire, ce mouvement de citoyens qui, à l’initiative du Polo en 2013, mêle art, science et droits de la nature avec l’ambition de doter le dernier fleuve sauvage d’Europe d’une existence juridique permettant de mieux le protéger.

"Leur démarche m’inspire beaucoup, souligne Etienne Davodeau, car elle pose des questions qui dépassent largement celles du fleuve. Grâce à eux, c’est aussi notre rapport au monde naturel qui est interrogé. Autrefois, le fleuve était juste un lieu dont on se servait : on s’en servait pour pêcher, pour se reposer, pour extraire du sable. Le fleuve était juste utilitaire. On se rend bien compte aujourd’hui qu’on ne peut plus considérer le milieu naturel  comme étant à notre service. C’est aussi cette réflexion dont j’ai voulu faire part dans mon récit, notamment en mêlant différentes générations, parce que les trentenaires et les plus jeunes ont une sensibilité plus importante envers ces questions que celle qu’on avait à leur âge.

Cette nouvelle manière d’envisager le monde en est à ses débuts.  Elle doit aussi s’expliquer, se faire connaître. Si mon livre peut y contribuer ce serait formidable car aujourd’hui on n’a plus je choix."

Dans son livre précédent – Le Droit du sol Etienne Davodeau avait choisi la forme documentaire pour évoquer la question du devenir des déchets radioactifs. Avec Loire il emprunte un autre chemin, celui de la fiction. Mais pour pointer finalement les mêmes doutes et une même interrogation. Dans les deux cas c’est bien notre rapport à la nature qui se trouve questionné.

Loire est paru aux Editions Futuropolis. Il est disponible en librairie depuis le 4 octobre 2023.

Etienne Davodeau est un auteur-dessinateur français né en 1965 dans le Maine et Loire. Il est notamment l’auteur de Un Homme est mort, Les Mauvaises Gens, Lulu femme nue (dont une adaptation a été portée au cinéma), Les Ignorants, Les Couloirs aériens ou encore Le Droit du sol. Avec ses bandes dessinées il a remporté de nombreux prix dont le Grand Boum (2013) le Prix de la critique, le Prix du public et Prix du scénario au festival d'Angoulême (2006).

Prochaines rencontres avec Etienne Davodeau dans la région Centre-Val de Loire

  • Le 15 novembre aux rencontres du Parlement de Loire à Tours, avec Hervé Davodeau, géographe.
  • Les 18 et 19 novembre, au festival BDboum à Blois. Le samedi à 17h, discussion autour de Loire à l'auditorium de la bibliothèque, avec une grande exposition des épreuves originales.
  • Le 16 décembre, rencontre publique à la médiathèque d'Orléans.
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