"C’est pire qu’une rentrée scolaire" : le casse-tête de la réouverture des écoles dès le 11 mai en Centre-Val de Loire

Alors qu’Edouard Philippe doit présenter le plan de sortie du confinement ce mardi 28 avril, enseignants, parents d’élèves et élus se posent des questions sur le retour dans les écoles dès le 11 mai. Une date plus précoce que celle de septembre, préconisée par le Conseil scientifique.

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Le gouvernement va-t-il suivre les préconisations du Conseil scientifique Covid-19 en ce qui concerne la rentrée scolaire à partir du 11 mai ?

La question se pose sachant que la recommandation du 20 avril dernier de garder "les crèches, les écoles, les collèges, les lycées et les universités fermés jusqu’au mois de septembre", n'a pas été suivie par l'exécutif.
 



Dans un avis du 24 avril publié ce weekend, le Conseil scientifique a "pris acte de la décision politique de réouverture prudente et progressive", avant de donner d’autres préconisations (liste non exhaustive) :

  • Mettre les tables à au moins un mètre de distance les unes des autres
  • Bio-nettoyage de l’établissement plusieurs fois par jour
  • Se laver les mains à l’arrivée à l’école, avant et après chaque cours, avant et après le repas, et autant de fois que possible
  • Si cela est faisable, déjeuner dans la salle de classe pour éviter tout "brassage des élèves" s'il y a un cas positif
  • Porter un masque pour les collégiens et lycéens (cette mesure est considérée impossible pour les maternelles)
  • Un dépistage massif n’est pas envisageable

"On ne sera pas les cobayes"

Syndicats enseignants et représentants des parents d’élèves s’accordent sur les premiers points de désinfection des locaux avant la reprise et plusieurs fois par jour, le respect des gestes barrière, et de façon globale, la mise en place d’un protocole sanitaire pour garantir la sécurité des élèves et des professeurs.

"On nous a expliqué sur toute la première partie de la crise que les enfants étaient de grands vecteurs de propagation mais d’un coup, on rouvre les écoles", s’interroge Céline Prier-Chéron, co-secrétaire départementale du SNUipp 28, l'antenne eurélienne du syndicat des enseignants du premier degré.

Sans garantie sanitaire efficace, il ne peut pas y avoir de reprise, on ne sera pas les cobayes d’une immunité collective.


Les autres point énumérés portent davantage à débat. Dans un communiqué commun, le syndicat FO et la FCPE du collège de Contres (Loir-et-Cher) demandent des masques FFP2, gants et gel hydroalcoolique pour tous et surtout "des tests quotidiens pour organiser le dépistage systématique pour tous les personnels et les élèves".

73% des parents contre le retour à l'école

Cet avis n’est pas partagé par tous les parents d’élèves, comme le montre un sondage de la FCPE d’Eure-et-Loir.

La fédération a compilé le 20 avril dernier les réponses de 932 parents. 73% ne pensent pas remettre leurs enfants à l’école le 11 mai, contre 27% qui sont prêts à le faire.
 

"Quand on lit dans le détail, on s’aperçoit que les parents qui ne veulent pas remettre leurs enfants à l’école attendent les mêmes garanties que ceux qui veulent remettre leurs enfants à l’école", nuance Gaëlle Bouharati, présidente de la FCPE 28.

Parmi les attentes, ni le masque ni le dépistage n’arrivent en tête :
  • 96% veulent un respect strict des gestes barrière
  • 88% attendent un accès limité aux sanitaires
  • 73% exigent un effectif restreint
Le port du masque n’est demandé que par 36% des sondés, et le dépistage par 13%.
 

Privilégier le déplacement des professeurs entre les salles

La FCPE comprend la nécessité d'une réouverture pour certains enfants : "Il ne faut pas oublier que le but, c’est de faire revenir les gamins en difficulté scolaire, en difficulté familiale ou en souffrance", rappelle Gaëlle Bouharati.

Mais afin de s'assurer que les conditions sanitaires soient bien remplies, la FCPE 28 relaye les attentes des parents d’élèves et souhaite entre autres :
  • Visiter avec une instance représentative chaque établissement avant réouverture
  • Obliger le port du masque pour tous les adultes 
  • Privilégier le déplacement des professeurs entre les salles, à la place des élèves
  • Aménager l’ouverture du restaurant scolaire "pour garantir un repas équilibré à tous"
  • Permettre un accompagnement psychologique pour les enfants qui ont eu des proches atteints ou décédés du Covid-19, ou traumatisés par la situation anxiogène.

Pour Gaëlle Bouharati, la question première est de savoir combien d’élèves chaque école peut prendre en charge en respectant les gestes barrière : "Il faut partir des installations sanitaires et du personnel dont dispose l’établissement pour définir la capacité maximale d’accueil." Un indicateur qui permettra ensuite d’organiser le périscolaire, les transports, ou encore la cantine d’après elle.

"Une mobilisation qui nous pèse"

L’ouverture du self est l’un des points, si ce n’est de divergence, du moins difficiles à mettre en place. Les élus de Tremblay-les-Villages et de Sérazereux, les représentants du syndicat intercommunal (SIVOM) et la directrice de l’école en font l’expérience.
 
Ils étaient dès ce lundi 27 avril en réunion de concertation pour réfléchir à l'organisation à partir du 11 mai. La cantine ne pourra pas rouvrir, ni se faire en classe, regrette la mairesse de Tremblay-les-Villages, Christelle Minard : "Au niveau sanitaire, on ne sait pas faire et on n’a pas le personnel. Ce sont les parents qui vont donner à leurs enfants des repas froids qu’on va mettre dans une glacière."

Cette décision n’est qu’une infime partie de l’ensemble des mesures auxquelles tous réfléchissent.

"C’est pire qu’une rentrée scolaire, souffle Christelle Minard. On a une mobilisation en terme de temps, et une mobilisation morale et intellectuelle qui nous pèsent parce qu’il y a une responsabilité des élus et des enseignants."
 

30 enfants maximum en périscolaire

Nettoyage des salles, accueil des enfants, gel hydroalcoolique dans toutes les salles, masques à disposition des enseignants… Le groupe de réflexion va établir aussi un protocole pour les parents : "vérification que les enfants n’ont pas de température avant d’aller à l’école, changement des vêtements tous les jours, éducation sur le respect des règles de distanciation, etc."

Mais la difficulté première reste de savoir combien d’enfants viendront. Un sondage va être fait auprès des parents pour avoir un premier indicateur. "Sur le périscolaire, on ne pourra accueillir que 30 enfants. On prendra en priorité les enfants des personnels soignants, paramédicaux, etc."

"Avec six classes sur les 13, on sait qu’on va gérer le 11 mai. La question sera de gérer quand on va avoir l’ensemble des classes, insiste Christelle Minard. S’il faut dédoubler 13 classes, cela fera 26 classes, or on n’a pas 26 salles ni 26 enseignants."

La commune n’a pas non plus les locaux ni l’argent pour recruter des agents qui s’occuperaient de demi-classes. "On ne pourra pas accueillir tout le monde en même temps. On attend les consignes de l’éducation nationale", résume-t-elle.
 
 

"On se casse la tête"

Mais cet accueil scolaire et périscolaire pourrait aussi beaucoup dépendre des transports, car plus de 80% des élèves prennent le car pour se rendre à l’école. A Tremblay-les-Villages, ils ne savent pas encore si les enfants bénéficieront de transport scolaire, qui est géré à l’échelle de l’agglomération.

"On se casse la tête pour essayer d’accueillir au mieux les enfants, dans les bonnes conditions sanitaires, dans le respect des préconisations, mais aussi dans l’esprit de protéger nos enseignants et les 23 agents", conclue la mairesse.

Les agents eux aussi se posent des questions. Qu’ils soient employés par les communes pour les écoles, par les départements pour les collèges ou par la région pour les lycées, ils ont un rôle similaire : s’assurer de la restauration, de l’entretien et de la maintenance de l’établissement.

Des agents moins nombreux avec plus de travail ?

Philippe Declerck, secrétaire général CGT du Conseil Départemental du Loir-et-Cher, recense plusieurs inquiétudes, chez ses collègues, "car ils sont mis en première ligne".

"Les agents qui travaillent dans les collèges sont en général une population âgée, dans une moyenne d’âge supérieure à 50 ans. Certains d’entre eux avaient déjà des restrictions de mission. Avec le Covid, il y aura sans doute moins d’agents à partir du 11 mai. Comment vont-ils pouvoir faire face à des tâches ménagères plus approfondies et à des nettoyages plus fréquents alors qu’ils seront moins nombreux ?" s’interroge-t-il.

Par ailleurs le représentant syndical s’inquiète d’un risque d’épuisement du matériel de protection (masques, gel, gants), alors même que le Conseil départemental se veut rassurant et affirme notamment avoir passé des commandes.

Cacophonie et grand flou

L’inquiétude, c’est un sentiment partagé par une partie du corps enseignant. "Certains professeurs sont impatients de reprendre une activité professionnelle normale, en groupe avec les élèves, mais pas au prix de leur santé, affirme Julien Jaffré secrétaire départemental du SNES-FSU 28. Ils ont l’impression qu’ils vont être mis en difficulté voire en danger."
 
La faute d’après lui à une "cacophonie" dans la communication du gouvernement "qui produit un grand flou". Même s'il comprend que la date de reprise des cours "ne repose pas uniquement sur l’avis sanitaire" et qu’il "fallait bien fixer une date", Julien Jaffré attend "avec impatience les directives gouvernementales pour les appliquer et vérifier surtout si elles sont applicables".

"Si dans les prochains jours, le ministre de l’Education Nationale n’est pas capable de présenter un plan garantissant la santé et la sécurité de tous, notre syndicat exigera que les collèges et lycées ne soient pas rouverts et on utilisera le droit de grève et le droit de retrait pour que les personnels ne soient pas en danger", affirme-t-il.

Si un plan concret est présenté ce mardi, il restera alors six jours - hors weekend et jours fériés-, pour tout mettre en place d’ici au 11 mai.
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