Trois petites lignes de la région seront rénovées d'ici à 2022, avec comme promesse la sauvegarde du réseau de desserte fine du Centre-Val de Loire. Une association d'usagers critique pourtant le manque d'ambition de ces opérations, notamment sur Tours-Loches dont les travaux débutent le 31 octobre.
Les usagers de la ligne Tours-Loches n'entendront plus siffler le train pendant un bon bout de temps. Le 31 octobre, la ligne fermera à la circulation, pour un chantier de huit mois. Un chantier de régénération de la voie, nécessitant le remplacement complet du ballast, des traverses et des rails, ainsi que des interventions sur certains ouvrages d'art. Enveloppe totale : 36 millions d'euros.
Ces millions sont entièrement apportés par la région Centre-Val de Loire, dans le cadre d'un protocole de 250 millions d'euros signé avec l'Etat en février 2020. L'accord prévoyait ainsi que les deux parties, Etat et région, prennent chacun à leur charge 50% de ce budget, investi dans la sauvegarde de six lignes de desserte fine du territoire.
Pourtant, ces travaux ne font pas que des heureux auprès des usagers. Dans un communiqué émis le 21 septembre, l'association pour le développement des transports collectifs en Touraine (ADTT, adhérente de la FNAUT) se dit "très déçue" par le manque d'ambition affiché par les pouvoirs publics.
Opération : sauvetage d'urgence
Principal point de friction : le temps de trajet. Après les travaux, SNCF Réseau promet que rallier Tours et Loches ne prendra plus que 57 minutes... contre 62 aujourd'hui, pour une distance de 47 km.
"L'état de la voie est tel que, il y a quelques années, SNCF Réseau a imposé des limitations de vitesse qui ont fait grimper le temps de trajet de 57 à 62 minutes, se souvient le référent de l'ADTT pour la ligne Tours-Loches Bernard Verdier. Aujourd'hui, on nous dit qu'on va revenir à l'état d'il y a 4-5 ans, alors qu'on refait absolument tout sur la ligne et que ça coûte 36 millions d'euros. On se dit un peu : "Tout ça pour ça !""
Du côté de la région, on explique que l'urgence était de "sauver la ligne". "Les 36 millions, ce sont des travaux sans lesquels la ligne roulerait à 40 km/h, et ça voudrait dire fermer la ligne parce que plus personne ne voudrait la prendre", plaide Philippe Fournié, vice-président délégué aux Mobilités, aux Transports et aux Intermodalités. "Si les trains continuent de rouler dans le futur, c'est grâce à nous."
Argent trop cher
Cette réponse, qu'il connaît déjà, Bernard Verdier ne veut plus l'entendre : "Avec tous ces travaux, il est impensable qu'on ne puisse pas diminuer le temps de trajet. Et on n'arrive pas à savoir qui est responsable : la région ou la SNCF", qui continuent, selon lui, de "se renvoyer la balle".
Et effectivement, selon Philippe Fournié, pour vraiment moderniser la ligne et accélérer les trains, "SNCF Réseau demande plus d'investissements". Et du côté de la SNCF, on rétorque que "la région est autorité organisatrice", l'entreprise ne répondant qu'à une "commande", explique Thierry Balestriere, de la direction territoriale de SNCF Réseau.
Après les travaux... encore des travaux ?
Pour vraiment augmenter la vitesse des rames, il faut envisager des solutions supplémentaires, assure-t-il. La réglementation impose ainsi aux trains de rouler à moins de 90 km/h sur un passage à niveau sans signalisation automatique. Des travaux "d'automatisation ou de suppression de certains d'entre eux pourraient réduire le temps de trajet et passant au dessus de ce seuil de 90 km/h", explique Thierry Balestriere.
Mais tous ces efforts seraient, selon lui, vains si "le nombre d'arrêts en gares est élevé" car "le train n'aura de toute façon pas le temps d'atteindre sa vitesse maximale entre deux arrêts". Sur ce point à nouveau, SNCF Réseau repasse la patate chaude à la région, qui "est en charge de la politique de desserte".
Alors verra-t-on un jour une vraie amélioration et modernisation de la ligne ? D'après la région, tout est "prévu en deux étapes" : "Aujourd'hui, on est dans la seringue classique de pérennisation de la ligne. Demain, on définira des bases de travaux qui viendront ensuite, avec de vrais changements", promet Philippe Fournié.
Pas encore enclenchée, cette "deuxième phase" viendra donc après ces premiers travaux, une fois que "les fonds auront été trouvés", le vice-président aux Transports espérant que "l'Etat prenne ses responsabilités".
Malgré la rénovation, toujours peu de trains
Autre enjeu à venir : l'augmentation du trafic sur la ligne. Aujourd'hui, il y a deux allers-retours chaque jours entre Tours et Loches, avec deux trains vers Tours le matin et deux vers Loches le soir. Ce qui entraîne un manque de flexibilité pour les usagers, "qui aimeraient bien rentrer chez eux la journée", affirme Bernard Verdier. A ces quatre trajets s'ajoute un demi-aller-retour l'après-midi entre Tours et Reignac. Une "absurdité totale qui nous fait arriver en rase campagne", estime-t-il.
Il vante ainsi les "7-8 allers-retours par jours de la ligne Tours-Chinon", un chiffre qu'il qualifie de "satisfaisant". Mais pour l'heure, aucune augmentation du nombre de trajets par jour n'est prévue à l'issue des travaux. A la région, comme pour la seconde phase de travaux, on explique "réfléchir à rajouter des trains". "On a lancé une étude pour savoir quels sont les besoins", précise Philippe Fournié :
On veut mettre des allers-retours supplémentaires, mais pas juste mettre plus de trains pour mettre plus de trains. Je veux bien défendre quatre plutôt que deux par jour. Mais si je mets ça en place et qu'on a 2% d'augmentation de la fréquentation, le président va me dire : "Mais tu te moques du monde !" Et il aura raison.
Lui l'affirme, l'objectif de la région est de "baisser la part modale de la voiture et rendre le train plus attractif", surtout dans le cadre de l'axe Tours-Loches avec une D943 encombrée et "accidentogène". Et pour rendre la ligne attrayante, il n'y a pas 36 solutions : "Il faut plus de trains, et qu'ils soient plus rapides", résume Bernard Verdier. Surtout que le même trajet, en un temps à peine plus élevé, est réalisé par des cars, moins chers que le train.
Le point sur les travaux
En même temps que Tours-Loches, deux lignes, elles-aussi financées à 100% par la région, auront retrouvé leur jeunesse en 2022. C'est le cas de la ligne Tours-Chinon, dont la régénération commence le 4 octobre et devrait s'achever en janvier, ainsi que de Tours-Vendôme-Châteaudun (puis Paris). L'axe Tours-Vendôme est en travaux depuis le mois d'août jusqu'au 2 janvier, avant que les équipes ne passent dès le lendemain sur le tronçon Vendôme-Châteaudun. Fin de l'opération prévue le 1er juillet 2022.
Restent trois lignes, inscrites également dans le protocole Etat-région. Pour l'axe Bourges-Montluçon, dont la rénovation "est très très importante", des travaux sont annoncés pour 2022-2026. "SNCF Réseau nous dit parfois qu’ils n’ont pas les financements globaux, mais on maintient la pression", affirme Philippe Fournié, l'Etat étant cette fois 100% financeur.
L'horizon est plus flou pour les deux autres lignes, à savoir Salbris-Valençay (le Blanc-Argent) et Chartres-Courtalain. Sur cette dernière, la région se dit "en discussion avec l'Etat", les deux se partageant le financement à 60-40. Pas sûr que le voyage soit de tout repos.