La loi Rist sur l'encadrement des rémunérations des médecins intérimaires entre en vigueur le 3 avril prochain. Mécontent, certains praticiens pourraient débrayer faisant craindre un risque de pénurie dans les hôpitaux de la région Centre-Val de Loire.
C'est un bras de fer qui pourrait faire trembler tout le système hospitalier de la région. Le 3 avril prochain, la loi pour encadrer les rémunérations des médecins intérimaires, dite loi Rist, du nom de la députée Renaissance du Loiret, entrera en vigueur.
Objectif du gouvernement : limiter à 1390 euros la rémunération de ces médecins, payés à la mission, pour une garde de 24 heures. Une manière également de lutter contre les dérives de ces contrats parfois réalisés à la discrétion des établissements et des professionnels de santé.
Des "mercenaires" en or
Les "mercenaires", comme on appelle ces médecins, sont critiqués pour leur rémunération bien supérieure à celle de leurs collègues, jusqu'à 6000 euros pour une garde de 24 heures. "Il a pu être constaté depuis plusieurs années que les excès se sont multipliés, permettant aux intérimaires de recevoir, pour une journée de travail, plus qu'un infirmier en un mois, voire davantage", explique l'Agence régionale de santé (ARS) du Centre-Val de Loire.
Le recours à l’intérim ne pose évidemment pas de problème dans son principe car il peut être un moyen légitime de gérer une période de transition dans la carrière de praticien hospitalier ou d’assurer une mission spécifique et ponctuelle.
Agence régionale de Santé du Centre-Val de Loire
Reste que ces "mercenaires" sont indispensables au fonctionnement hospitalier. Et ils comptent bien le montrer. Certains d'entre eux, appuyés par leur syndicat le SNMRH, appellent à débrayer dès l'entrée en vigueur de la nouvelle loi faisant craindre la fermeture de très nombreux services dans l'hexagone.
"C’est dramatique et effrayant", alerte Armelle Paris, la déléguée CGT de l'hôpital Jacques Cœur de Bourges, dans le Cher. "On a besoin de l’intérim pour faire tourner l’hôpital. Par exemple, le service oncologie ne tourne quasiment qu'avec eux et on a quarante patients par jour pour des cancers ou des chimiothérapies. Où vont aller se faire soigner ses gens ?"
"On met la population en danger"
En plus du service oncologie, du service des urgences, du Smur et du service pneumologie, la pédiatrie pourrait également tourner au ralenti, voire fermer: "On met la population en danger, on pourrait avoir des morts", craint la syndicaliste CGT.
Contacté, l'hôpital de Bourges a fait savoir à France 3 Centre-Val de Loire que les deux personnes chargées de répondre à la presse "sont absentes".
On ne peut pas continuer comme ça, il faut que le gouvernement mette fin à l’intérim pour obliger les médecins à s’installer dans les établissements.
Armelle Paris, déléguée CGT au Centre hospitalier Jacques Cœur de Bourges
Ailleurs dans la région, la situation ne semble guère plus rassurante. Le syndicat des intérimaires estiment que les urgences et le bloc opératoire du Centre hospitalier de Châteauroux, dans l’Indre, pourraient aussi fermer leur porte.
Une affirmation que l'établissement conteste chez nos confrères de France Bleu : "L'hôpital ne ferme pas, le Samu ne ferme pas, les urgences ne ferment pas" promet le docteur Cherif Mansour, le chef du Samu. Reste que les services seront fortement perturbés.
D'autres en revanche se disent sereins : "Historiquement, notre établissement fait peu appel à des intérimaires. Le seul risque serait des conséquences plus indirectes si l'on devait absorber des patients d'autres hôpitaux. Mais ce n'est pas le cas pour le moment", explique Gilles Varin, le directeur de l'hôpital de Gien dans le Loiret.
Un coup d'épée dans l'eau ?
Coup de bluff ou réelle menace de la part des médecins intérimaires ? Contacté, le président du SNMRH, le docteur Eric Reboli, n'a pas répondu à notre sollicitation.
Une chose est néanmoins certaine, l'Agence régionale de Santé du Centre-Val de Loire prend la menace au sérieux. "Des échanges réguliers ont lieu depuis le début du mois de mars avec chacun des établissements de santé de la région. Nous avons identifié des difficultés dans les secteurs des urgences, de la gynécologie-obstétrique et de l’anesthésie", fait savoir l'Agence, assurant que "de nombreuses difficultés ont ainsi déjà pu trouver une solution", sans pour autant préciser lesquelles.
Au sommet de l'État, on suit également la situation de près. Le ministre de la Santé a d'ailleurs fait un pas en direction des médecins intérimaires. Le 27 mars, François Braun a annoncé rehausser la rémunération maximale à 1 390 euros la garde au lieu des 1 170 euros initialement prévus. Suffisant pour calmer la colère ? Les prochaines semaines nous le diront.