La fuite du président Bachar al-Assad, ce dimanche 8 décembre, a été reçue avec une joie intense par des Syriens installés en France après le début de la guerre. Malgré la prééminence d'islamistes dans les rangs des rebelles, l'espoir leur est permis, car "rien n'est pire que Bachar".
Rawad al-Asaad n'a pas beaucoup dormi cette nuit. Heure par heure, il suivait le déroulé des évènements en Syrie, dont il est originaire, depuis la France, où il a été naturalisé en 2022. "À 5h16, j'ai vu qu'il était parti !" "Il", c'est Bachar al-Assad, le dictateur, président de la Syrie depuis 2000. Jusqu'à ce 8 décembre 2024, pressé par l'avancée sur Damas des mouvements rebelles.
Ce dimanche matin, Rawad al-Asaad a fait comme d'habitude. Il a pris le volant de son food truck, dans lequel il prépare des spécialités syriennes et libanaises, à Bourges, dans le Cher. Là, il a aussi ouvert son propre restaurant, en avril 2023. Mais l'atmosphère est plus à la fête que d'habitude. "Toute la Syrie est contente", estime-t-il, avec un large sourire.
"C'est bon, on est libres !"
Le restaurateur berruyer a perdu toute sa famille en Syrie. Les djihadistes y ont tué sa mère, et enlevé son père. "Il ne me reste qu'une sœur et un frère. J'ai perdu ma maison, mon travail, mon diplôme, un bac +5 en comptabilité", raconte-t-il. Il quitte le pays en 2012, et arrive en France en 2014. Il est naturalisé français en 2022, après un premier refus de l'administration en 2019 pour cause de... surplus de travail.
Alors le départ de Bachar al-Assad, pour Rawad al-Asaad, c'est une nouvelle page qui peut s'écrire pour son pays. "Bachar, c'est le pire régime. Lui et son père, ça fait 60 ans. Avant, c'était le meilleur pays arabe, maintenant on est dernier." La faute, notamment, à "13 ans, 8 mois et 15 jours de guerre", qu'il a comptés patiemment.
"À 5h du matin, mon cousin m'a appelé, et m'a dit : "C'est bon, on est libres !" Je suis très très très content", confirme Mahmoud Alyousef, qui tient un salon de coiffure proche du restaurant de Rawar al-Asaad, dans le centre de Bourges. Lui est parti de Syrie en 2015, a "galéré sur la route pendant 3 ans", avant d'arriver en France. Là-bas, il était professeur de physique.
Lui aussi a laissé sa famille derrière lui. "Ça fait 10 ans que je n'ai pas vu ma mère. J'ai laissé ma sœur, elle avait 4 ans... Maintenant, elle est grande !" Alors la chute du régime de Bachar al-Assad, c'est un nouvel espoir. "Si la Syrie redevient comme avant... Je voudrais retourner travailler chez moi." Car, s'il ne pourra "jamais oublier" la France, la Syrie c'est différent. "C'est chez nous... là-bas, ça manque."
"Beaucoup de paix, l'égalité, les libertés"
Rawad al-Asaad, lui, ne parle pas forcément de repartir tout de suite. Mais "aujourd'hui, on n'est plus des réfugiés, sourit-il. On peut retourner en Syrie avec un grand sourire, et beaucoup d'espoir."
De l'espoir, malgré le profil des meneurs islamistes de la rébellion. En l'occurrence, le groupe armé Hayat Tahrir al-Sham (HTS), une ancienne branche d'Al-Qaïda. Son meneur, Abou Mohammed al-Jalouni, a rompu ses liens avec le groupe djihadiste, notamment pour rassurer la communauté internationale. Modérant même un discours au départ fondamentaliste.
Le restaurateur franco-syrien espère malgré tout "que la Syrie redevienne comme avant, avec beaucoup de paix, l'égalité, les libertés". Si rien ne peut être "pire" que Bachar, alors les rebelles sont forcément une bonne nouvelle. "Les prisons ont été ouvertes, explique Rawad al-Asaad. Il y avait des enfants, des filles, des personnes âgées, des gens qui n'arrivent pas à marcher, à ouvrir leurs yeux..."
Finalement, que ce soit Abou Mohammed al-Jalouni ou un autre, le leader de la Syrie ne pouvait plus être Bachar al-Assad. "On espère un nouveau président, qui cherche la paix pour les Syriens." Après 14 ans d'une guerre qui a fait plus de 500 000 morts.