Edouard Philippe et la ruralité : "J’espère qu’il entendra nos préoccupations"

Denis Durand, président de l'association des maires ruraux du Cher, rencontre ce soir le Premier Ministre. Qu'attend-il de cette visite ? 

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Ce soir, le Premier ministre Edouard Philippe dîne avec les présidents de communautés de communes et les présidents des associations de maires. Parmi eux, Denis Durand, président de l'association des maires ruraux (AMRF) du Cher.

Dans un contexte où Emmanuel Macron et son gouvernement sont régulièrement accusés de mener une "présidence des villes", au détriment des territoires ruraux, France 3 fait le bilan d'avant-match avec Denis Durand. 


Denis Durand : Je pense qu’il y a une volonté d’échanger. C'est déjà une bonne chose qu’il soit là. Un Premier Ministre qui reste trois jours dans le Cher, ce n’est pas un passage éclair ! Je fais confiance à priori, j’espère qu’il entendra nos préoccupations.

Aujourd’hui, au regard des faits, c’est une réalité, cette politique du tout-métropole. Les habitants du monde rural semblent délaissés. Il faut un geste fort.

Je rappellerai [à Edouard Philippe] ses engagements pris devant le congrès des maires de France. Pour le moment, entre les promesses et les projets de loi, il y a un grand écart.


Je pense à trois choses : les dotations par habitants doivent être les mêmes dans le monde urbain et dans le monde rural ; la loi NOTRe doit être assouplie, et il faut corriger la politique d’aménagement du territoire pour réduire la fracture territoriale.

Dans le domaine de l’éducation, les dotations sont de 64 euros par habitant, contre 128 euros pour les villes*. 

[Concernant] la loi NOTRe, elle  nous impose des compétences en matière d’eau et d’assainissement. Cette obligation imposée sans délibération pose de grands problèmes, comme bien des transferts de compétences.

On nous demande de gérer trois choses : les contrôles individuels, les eaux usées et les eaux fluviales. Dans 30 grandes communes en France, ces deux derniers passent par des réseaux communs. En milieu rural, ce sont des réseaux séparés, et on va imposer à 36 000 communes cette gestion très parisienne.

Par ailleurs, on a l’impression que les grands services publics se désengagent. Par exemple sur le très haut débit : on parle d’une ouverture à la concurrence, mais il n’y aura pas de concurrence autour des lignes qui vont alimenter le monde rural, et certaines risquent de fermer. 

Ce sentiment [d'être délaissé] est une réalité, avec des services publics qui ferment comme la poste, la gendarmerie, et qui éloignent encore les citoyens. Le vote Front National dans les campagnes est très révélateur.


On a dépossédé les maires sur de nombreux plans, alors que la commune est la cellule de base de la République, une référence ancrée depuis 200 ans.

Ce qui fait notre force dans les communes rurales, c’est que les habitants sont prêts à faire beaucoup pour aider. On a en France 500 000 conseillers bénévoles*, les communes rurales dépensent trois fois moins que les communes urbaines*. Il y a un vrai souci du bénévolat, il faut prendre conscience de toute cette vie du monde rural. 
Fact-checking
Les éléments suivis d'une * ont été vérifiés par notre rédaction. Voici des éléments de contexte et de clarification. 


  • "Les dotations sont de 64 euros par habitant [dans le monde rural], contre 128 euros pour les villes" : c'est un chiffre qui semble exact. Il figure notamment dans cette réponse du Ministère des finances publiques à une question posée au Sénat, en 2014 : https://bit.ly/2rbz19d
  • "Les communes rurales dépensent trois fois moins que les communes urbaines" : c'est un chiffre qui semble exact, au vu d'un document du gouvernement concernant les finances des communes en 2016. Selon le tableau figurant p.48, l'ensemble des communes de moins de 2000 habitants aurait dépensé 3 728 euros par habitant en un an, contre 9 020 environ pour les communes entre 2 000 et 100 000+ habitants. Soit environ 2.41 fois plus. 

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