Municipales 2020 : à Ourouer-les-Bourdelins, "Robert" passe la main

Dans ce village de quelque 615 habitants qui défie la désertification rurale, le maire PS lâche l'écharpe, après 20 ans aux commandes.
 

Ici, tout le monde connaît Robert. "Une personnalité", disent-ils, "un personnage", même. Robert, c'est Robert Belleret, 68 ans. Ancien militaire, administrateur du SDIS, conseiller départemental. Mais surtout, maire. Socialiste, Robert Belleret porte l'écharpe à d'Ourouer-les-Bourdelins depuis 2001. Avant ça, il était conseiller communal, depuis 1995.
 

Le secret ? Aimer les gens 


"Pour être maire, dit-il avec le sérieux de celui qui va révèler le secret de la potion magique, il faut aimer les gens. Quand on aime les gens, on va les voir, et on discute." Chaque année, sa première quinzaine de janvier, il la passe à faire le tour du bourg de 615 habitants (INSEE 2016). Il prend la température. "Vous savez, un maire, il a toujours des repères dans une commune, des gens qui en savent plus que lui" sourit-il.

Parfois, le matin ou le soir, il prend sa voiture et fait le tour du village. Juste pour le plaisir, juste pour le regarder. Juste pour voir le moulin qui vient de retrouver son toit. Les maisons en train d'être retapées par de jeunes couples. Le terrain où sont plantés les noyers, dont on vend chaque année les fruits aux enchères. "C'est un village que j'aime, tout simplement."Son affection, le village le lui rend bien. Dès qu'on parle de lui, on déride les visages. Originaire du bourg, Béatrice Grimond y exerce comme taxi depuis 2003. "C'est vrai qu'on le connaît tous ! Quand j'ai besoin d'un petit truc, je vais le voir. Par exemple, les cabochons de taxi, c'est réglementé, et pour en avoir un de couleur, il faut l'autorisation du maire. Il m'a dit : "Mais mon amour, tu fais comme tu veux, j'signe où ?" rit-elle.

Mais "Robert" a aussi été là dans des moments plus difficiles, quand il a fallu gueuler un peu. "Quand j'ai demandé ma troisième place de taxi, il y avait quelqu'un à la commission préfectorale qui était un petit peu... con. Il avait laissé entendre que, comme j'étais malade du cancer, j'avais pas besoin d'une troisième place. Et là, Robert s'est levé, il a regardé le président de séance et il a dit : "Je suis maire, c'est moi qui décide à la fin, non ? Donc, tout, ça, ça sert à rien". Et il m'a dit : "Allez, tu viens avec moi, on se casse ! Et pis ta place, tu l'as !"
 

"On se demandait s'il y aurait quelqu'un" 


Dans sa petite commune, et au prix d'une sacrée "bagarre", Robert Belleret a réussi à maintenir une école, une poste, et de nombreux commerces, avec l'aide son conseil municipal. "J'ai une fierté : en 25 ans de mandat, je n'ai eu aucune démission. Ce n'est pas la part de tous les collègues, et pour moi c'est important." Au fond, la première démission, ce sera la sienne.

Pas de Robert Belleret pour les municipales 2020 : monsieur le maire raccroche. "Mon âge me dit qu'il faut laisser la place aux jeunes. Je veux profiter de mes petits enfants, de ma famille avec qui j'ai loupé pas mal de choses ces dernières années" avoue-t-il. Un temps, quand la nouvelle a été connue, il a flotté cette inquiétude, propre aux petites communes.

"Pendant un moment, on se demandait s'il y aurait quelqu'un, dans la crise de "il n'y a personne qui veut être maire résume Thomas Mousseau, qui produit de la bière et du whisky bio, dans une distillerie en plein centre du bourg. Je suis super content de voir que, finalement, une équipe un peu jeune va se mettre en place. C'est vachement bien."

Le successeur s'appelle Sébastien Péras, 45 ans, "le fils Péras" pour les natifs du coin. Originaire d'Ourouer-les-Bourdelins, toujours attaché au village, il est revenu y vivre il y a un an et demi, et s'est installé sur l'exploitation de ses parents comme agriculteur céréalier. "J'me lance, dit-il avec un sourire déterminé. Ça a été longuement réfléchi, puisque la décision est suffisamment importante et lourde à prendre. J'ai cherché à savoir si j'en étais capable, parce qu'il faut être psychologiquement prêt, clairement" estime-t-il. Seul candidat à présenter une liste, il sera élu sans peine, même si lui préfère attendre que ce soit fait pour pavoiser.
 
 

Tu seras un maire, mon fils


Passer après 20 ans des mêmes fesses sur le même siège, cela pourrait mettre la pression à d'autres. Mais pas à lui, "pas du tout", même. "Le renouveau, ça ne peut qu'apporter du bien. Et puis, Robert l'a dit, il sera toujours là."

"Je ne le laisserai pas tomber, ça c'est sûr. J'ai un fils qui a son âge, ils étaient à l'école ensemble. Je l'ai vu grandir..." s'attendrit Robert Belleret. "Et moi, je l'ai vu grossir" rebondit Sébastien Péras, une saillie qui lance les deux hommes dans un fou rire. "L'intérêt, c'est avancer dans le bon sens, reprend le maire. Faut se faire une idée et taper en haut. Faut y aller, quoi, encourage-t-il. Y'a pas photo, je serai là, mais moi, je le dépose, après il se débrouille !"

Robert Belleret ne veut pas piloter dans l'ombre. "Pour le bilan financier de la commune, qu'il n'ait pas peur de dire : à qui on doit de l'argent ? Combien il nous reste ? Il ne doit pas avoir peur de me mettre en porte-à-faux, clarifie-t-il. Même s'il le faisait, c'est pour lui et son équipe, il faut partir sur des bases saines."

Mais depuis le temps, Belleret connaît les grimaces de la vie politique locale. Il distille quelques bribes d'un savoir qu'il a parfois acquis à ses dépends. "Dans son conseil municipal, il se rendra compte, il y a des gens à qui on peut confier absolument tout, d'autres avec qui il faut faire très attention. Le conseil que je peux lui donner, c'est s'appuyer sur sa secrétaire, ses deux adjoints. Ce n'est pas qu'une question de confiance, parfois, moins on est à savoir les choses, moins on dévie de son cap..."
 

Le maire, "le vrai patron"


Le cap, pour le fils Péras, c'est d'entraîner sa commune vers toujours plus de dynamisme. Ralentir l'exode rural qui, malgré tout, se poursuit. Valoriser les commerçants, les artisans. Faire connaître ce village si actif qu'il en est presque une anomalie dans le paysage rural du XXIème siècle. "Ma première décision, ce sera d'embarquer l'ensemble des élus sur des projets qui leur tiennent à coeur, parce qu'ils ont tous aujourd'hui de la motivation et des sensibilités sur des domaines particuliers." Pour cela, il lui faudra composer avec des dotations toujours plus resserées, et les exigences de l'Etat. "Là, je m'en vais, mais je n'ai pas tout réalisé, reconnaît Robert Belleret. On vient de mettre tout l'assainissement de l'eau aux normes, ça nous a coûté assez cher.  Vous avez vu, quand vous êtes rentrée dans la mairie, l'accessibilité demandée par la loi sur le handicap n'existe pas. On a essayé ! J'ai fait l'école maternelle, la salle des fêtes... C'est tout de suite habillé de 15 ou 20 000 euros. Pour la suite, je vais laisser le choix à la nouvelle équipe, et ce ne sera pas le plus facile."

Selon un bilan de la direction générale des collectivités locales, daté de décembre 2018, "les subventions d’investissement aux communes ont baissé de 17% en cinq ans". Le nouveau maire va donc devoir jongler. "Il y a des chantiers obligatoires. Je ne vais pas avoir le choix, mais je vais aussi beaucoup m'imprégner de ce que Robert a vécu, affirme le fils Péras. Même si on nous impose certaines choses, le vrai patron sur le terrain, ça reste le maire."
 
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