À Mareuil-sur-Arnon, le patrimoine rassemble. Pour sa restauration à 200 000 euros, l'église du village a pu compter sur le soutien des habitants, attachés à ce qui reste de l'histoire locale. Sous forme de vieilles pierres.

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A Mareuil-sur-Arnon, il n'y a pas d'église gothique, pas de château grandiloquent, pas de maisons à colombages ou de ruines gallo-romaines. Juste une église, assez grande pour un village de 532 habitants au dernier recensement.
 
Cette église est relativement récente : elle fut rebâtie au XIXe siècle pour accueillir les très nombreux ouvriers des forges qui faisaient la fierté et le dynamisme de la ville et de ses 2 000 habitants d'alors.

Et pendant que de nombreuses communes ne savent plus quoi faire de leurs églises, chères à entretenir et tombant parfois en ruines, Mareuil a réussi à restaurer la sienne. Le crépi du sanctuaire a été totalement refait en 2019, et ressemble à une maison neuve… clocher et vitraux en bonus.
 

200 000 euros de travaux de première nécessité


A l'intérieur, les enduis des murs ont été refaits sur une hauteur de 1 mètre, là où des plaques de plâtre se décrochaient. Le vitrail du portail central, troué et assombri, a été entièrement restauré, et le mécanisme des cloches remis à neuf. Toute l'étanchéité a été refaite : "l'intégrité de la structure était menacée", explique Isabelle Vaissade, adjointe au maire.
 
Coût des travaux : 153 000 euros hors taxe, soit "un peu moins de 200 000 euros" TTC, précise Isabelle Vaissade. Passionnée d'histoire, elle a créé l'association de sauvegarde de l'église de Mareuil, qui a milité pour pouvoir rassembler des fonds.

Un objectif tenu au centime. "La Fondation du Patrimoine a aidé au démarchage et à la communication pour trouver des fonds", complète-t-elle. Le conseil général a fourni 23 000 euros et la réserve parlementaire 15 300.
 

Les habitants aiment leur patrimoine local


Loin d'une querelle à la Don Camillo et Pépone, la mairie aussi a mis la main à la pâte, à hauteur de 38 200 euros. Le tout complété par une souscription publique, qui a permis de recueillir 11 533 euros. Pas mal pour un édifice non classé, dans une commune de 530 habitants.
 
Selon Isabelle Vaissade, "les dons venaient majoritairement de personnes vivant à Mareuil depuis longtemps, ou dont les parents habitaient ici, attachés au patrimoine mareuillois".

Car leur patrimoine, bien que peu spectaculaire, les mareuillois semblent y être très attachés. "Les gens avaient beaucoup protesté quand nous avons vendu l'ancienne gare à un particulier", se souvient Jean-Pierre Pineau, maire de la commune jusqu'en 2014.
 

La gare, active sur une ligne qui reliait Mareuil à Saint-Florent-sur-Cher au nord et Lignières et Saint-Amand-Montrond au sud, a été désaffectée dans les années 1960. Depuis, le bâtiment est resté à l'abandon, mais le nouveau propriétaire a promis de la rénover.
 

Le "phare" de Mareuil menacé ?


Quand il évoque le lien qu'entretiennent les Mareuillois avec leur patrimoine, Jean-Pierre Pineau sait de quoi il parle. "En conseil municipal, j'avais demandé si on devait conserver l'ancienne cheminée de la forge ou l'abattre, raconte-t-il. J'avais eu un tollé, il ne fallait pas y toucher."

Cette fameuse cheminée est devenue, pour beaucoup, le "phare" – le mot est ressorti plusieurs fois dans la bouche des habitants – de Mareuil, son symbole. "Aujourd'hui, quand on indique Mareuil à quelqu'un, on dit que "c'est là où il y a la cheminée"", confirme Isabelle Vaissade.
 

Construite peu avant la fermeture des forges dans les années 1870, cette colonne carrée en briques annonce le village lorsqu'on arrive d'Issoudun. "Le problème, c'est que c'est un vestige qui tombe en ruines et qui devient dangereux", avertit Jean-Pierre Pineau. Et d'ajouter que la commune n'a en réalité pas les moyens de la restaurer.
 

Détruire, restaurer ou... ne rien faire


De plus, la détruire sans contrôle pourrait être risqué pour les habitations proches. "C'est pour ça qu'elle n'a pas été démolie en même temps que les forges" selon Jacques Maillet, mémoire vivante du village du haut de ses 94 ans. "Les propriétaires n'ont pas su comment l'abattre sans danger."
 
D'ailleurs, à en croire Jacques Maillet, la destruction de la cheminée est un vieux serpent de mer qui a rôdé dans le village tout au long du siècle dernier. "J'étais un grand gamin quand ils parlaient déjà de la démolir et de revendre les pierres", se souvient-il.

Pourtant, la cheminée est toujours debout, un siècle et demi au compteur. "Les gens y sont attachés maintenant", confirme Jacques Maillet.

Cet attachement et les indignations qui accompagnent le délabrement progressif d'une part du patrimoine du village peut être mis en lien avec les "mobilisations patrimoniales" qu'expliquent les sociologues Hervé Glevarec et Guy Saez en introduction de leur ouvrage Le Patrimoine saisi par les associations.
 

Le retour de la pierre apparente


Selon eux, il s'agit d'une "mobilisation toujours localisée par une appartenance", en l'occurrence à un patrimoine commun et à une mémoire. Ce qui explique peut-être aussi le retour un brin nostalgique à la mode de la "vieille pierre apparente" sur les façades des maisons.

"Il y a vingt ans, on faisait tout en crépi, et maintenant on l'enlève", explique Claude. Cet ouvrier à la retraite boucle ses fins de mois difficile en retapant l'extérieure d'une vieille maison du village. "En plus, c'est plus en harmonie avec les alentours", complète-t-il en parlant de l'église refaite à neuf et des autres maisons de caractère du village.
 

Le retour des vieilles pierres s'accompagne de la disparition progressive des générations les plus anciennes. La mémoire de ce qu'a été le village est devenue une denrée rare et recherchée. J'aime Mareuil, l'association de Jean-Pierre Pineau, a ainsi participé à l'organisation d'expositions d'agrandissements d'anciennes cartes postales à la salle des fêtes.
 

Souvenirs, souvenirs


"Les gens venaient passer des heures devant les cartes postales anciennes, à essayer de reconnaître les visages de gens qu'ils ont connus, explique-t-il. Certains vous racontent leurs histoires, et amènent leurs propres cartes postales."
 
Isabelle Vaissade constate, elle aussi, que la mémoire s'est figée dans la pierre : "La mode a changé, les voitures et les visages aussi. C'est ce qui plait. Mais on reconnait les lieux, parce que, eux, ils ne bougent pas.

Reste à savoir si la cheminée va continuer à ne pas bouger. "Elle n'est pas en danger, il ne faut pas dramatiser, rassure la maire du village Véronique Brisson. Il y a quelques briques qui sont tombées du sommet, mais elle ne va pas s'effondrer. Elle est encore solide."

Voilà de quoi rassurer ceux qui puisent encore dans ce patrimoine local leurs souvenirs du Mareuil d'antan.

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Notre journaliste s'est rendu pendant 4 jours dans le Cher. À la suite de ce séjour, différents sujets de proximités ont été réalisés. Pour les découvrir, cliquez sur les flèches ci-dessous.
 
 
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