Ce vendredi s'est ouvert la première journée du congrès de l’association des maires ruraux (AMRF) qui se tient durant trois jours dans la station touristique du ValJoly. Édouard Philippe, le Premier ministre, est sur place .
Ils sont montés au front fin 2018, captant et relayant habilement la colère d’une ruralité que Paris a parfois du mal à entendre. Ils ont lancé des cahiers de doléances avant même que l’idée du grand débat ne germe, et ce alors que la puissante association des maires de France tergiversait ; la « petite » association des maires ruraux (AMRF) a gagné aux yeux du pouvoir ses galons d’interlocuteurs légitime.
Alors le gouvernement multiplie les signaux envoyés aux maires des petites communes, à la fois par nécessité de trouver des relais sur le terrain avec la crise des "gilets jaunes", et dans la perspective des prochaines élections municipales.
Devant l'association des petites villes (APVF) jeudi, Edouard Philippe a présenté des mesures attendues de revitalisation pour les bourgs. Avant de décliner vendredi au congrès des maires ruraux (AMRF), à Eppe-Sauvage (Nord),"l'agenda rural" du gouvernement qui reprendra certaines préconisations d'un rapport rendu en juillet.
#AMRF2019 Le Premier ministre @EPhilippePM invite à voir que la population rurale augmente plus vite que celle de la ville pour sortir des fausses images de la ruralité qui génèrent des erreurs d’interprétation et des tensions.
— AMRF (@Maires_Ruraux) September 20, 2019
Le Premier ministre a de nouveau assuré aux maires que la suppression de la taxe d'habitation n'entraînerait aucune perte de ressources pour les communes. Evoquant les violences dont sont régulièrement victimes les élus, il a demandé "qu'on soit impitoyable lorsqu'on s'attaque aux maires" et que les procédures judiciaires "aillent jusqu'au bout". L'exécutif cherche encore à améliorer sa relation avec les élus locaux après un début de quinquennat houleux. "Le gouvernement avait sans doute le sentiment à un moment que les petites villes c'était un problème, et les élus des pleureuses", rembobine le député socialiste Christophe Bouillon, patron de l'APVF.Il faut que les maires redeviennent les acteurs centraux de l’intercommunalité. J’en suis convaincu, il faut le traduire dans la loi Engagement et Proximité, a déclaré Edaourd Philippe.
"Il y a un vrai changement de pied, que je crois sincère, qui est (...) de voir les élus comme des facilitateurs", ajoute-t-il, tout en relevant que "le mouvement des gilets jaunes" avait aussi mis en exergue le sentiment de délaissement et "d'inégalités
territoriales et sociales" dans les petites villes et leurs "26 millions d'habitants".
Nous devons redonner des choix et des services aux habitants des territoires ruraux, sans pour autant importer la ville à la campagne. Laissons les coqs de France dormir et chanter tranquilles !
— Edouard Philippe (@EPhilippePM) September 20, 2019
Notre plan d'actions ➜ https://t.co/qCjI7dxm2g #AMRF2019 pic.twitter.com/nQGFBaoR5Z
J'ai la conviction, et sûrement la crise des gilets jaunes l'a renforcée, qu'il faut aussi regarder les petites villes, celles qui font centralité dans les zones rurales, où elles sont essentielles pour irriguer la vie sociale avec un minimumde services, de commerces,
confirme la ministre de la Cohésion des territoires Jacqueline Gourault. Ces derniers temps, le gouvernement a donc mis en chantier des projets de loi "engagement et proximité" sur le statut du maire pour cet automne, "décentralisation et déconcentration" pour le premier semestre 2020 - et validé, par exemple, le déploiement de 2.000 maisons de services publics d'ici 2022.
LREM à la recherche d'une implantation dans les communes
A six mois des municipales, et alors que La République en marche cherche une implantation locale, l'exécutif creuse le sillon entamé par Emmanuel Macron qui, lors du grand débat, avait enchaîné les rencontres avec les maires, et notamment dans le village du président de l'AMRF Vanik Berbérian. En filigrane, se dessine aussi la tactique du gouvernement de s'appuyer sur les associations dites "de strates" (comme l'APVF, l'AMRF etc) plutôt que sur les trois plus grosses: l'Association des maires de France (AMF), des départements (ADF) et des régions (ARF) qui, selon une source ministérielle, "refusaient de travailler avec le gouvernement et ne répondaient à aucune des perches tendues" par jeu politique.A l'inverse, à l'APVF, "on a refusé d'entrée de jeu de rentrer dans la case complaisan ou opposant", explique M. Bouillon, qui se voit plutôt en "proposant", en estimant que "la balle est dans le camp du gouvernement".
Plusieurs sujets d'inquiétudes pèsent encore, à commencer par la compensation de la taxe d'habitation, perçue par les communes avant que le gouvernement ne la supprime. Sur ce point, qui sera éclairci la semaine prochaine, Edouard Philippe a indiqué jeudi qu'il y aurait des "simulations" pour avoir une vision budgétaire commune par commune et une "clause de revoyure" de trois ans, répondant ainsi à des demandes des l'APVF. Regrettant aussi que "l'acte 3 de la décentralisation" n'arrive qu'après les municipales de mars 2020, M. Bouillon pointe aussi les "attentes très fortes sur la question d'autonomie et de liberté" laissées aux communes.
L'exécutif a bien inscrit un "droit à la différenciation" dans sa révision constitutionnelle, mais le projet est au point mort, notamment en raison de désaccords avec le Sénat. Un obstacle que le gouvernement espère contourner en s'appuyant sur une récente
étude du Conseil d'Etat "qui montre qu'à droit constitutionnel constant on pourrait assouplir l'expérimentation pour procéder dorénavant à de la différenciation" entre collectivités, selon Mme Gourault.