Distribution du courrier trois fois dans la semaine, trois jours de travail hebdomadaire pour les salariés, préparation du versement des allocations… La Poste est en pleine réorganisation et doit gérer un autre problème : la direction est assignée en justice par le syndicat Sud-PTT.
Encore un changement d'organisation à La Poste. Après avoir annoncé, le 27 mars, que le facteur ne passerait plus que les mercredis, jeudis, et vendredis, le groupe a changé son fusil d'épaule.
La direction a annoncé qu'à partir du lundi 6 avril, elle renforcera "ses équipes pour augmenter progressivement le nombre de jours de distribution de la presse quotidienne, des colis et des courriers".
Les abonnés recevront donc leur journal une journée supplémentaire, le lundi ou le mardi dès le 6 avril, puis tous les jours du lundi au vendredi. Les colis et courriers seront progressivement distribués quatre jours par semaine.
Volontaires, intérimaires et CDD en renfort
"Les effectifs en renfort seront à la fois des volontaires des services supports, des salariés de la filiale MEDIAPOST, des intérimaires et CDD", personnels qui seront soumis aux mêmes règles de protection, assure La Poste.Ce changement intervient notamment après la réaction des éditeurs de presse, dont le groupe Centre France en colère contre le choix initial de La Poste de réduire la distribution à trois jours par semaine.
Sur son site internet, la direction du groupe avait expliqué que la 1ere décision de réduire les tournées avait été prise "pour assurer une continuité de service tout en protégeant la santé des postiers et de ses clients".
Du côté des syndicats, Pascal Buscail, secrétaire départemental de Sud-PTT dans le Cher et l’Indre, déplore que les directives "changent tous les jours". Lui souhaiterait redéfinir clairement les priorités : "là on emmène quoi ? De la publicité, des colis qui n’ont rien à voir avec des nécessités vitales !"
#MERCI !
— Le Groupe La Poste (@GroupeLaPoste) March 23, 2020
?? Aidez-nous à poursuivre nos activités en protégeant la santé des postier(e)s, ne commandez en ligne que ce qui vous est indispensable et ne venez en bureaux de poste que si cela est vraiment nécessaire.#COVIDー19 #LaPoste pic.twitter.com/2NSwWpm4iz
Un renforcement pour les prestations sociales
La Poste a également promis un renforcement de l’accessibilité aux distributeurs d’argent et aux bureaux de poste dans les Quartiers Prioritaires de la Ville (QPV) pendant le versement des prestations sociales, ainsi que dans les zones rurales.Reste à savoir si ce renforcement sera compatible avec la réduction actuelle du temps de travail des salariés. L’organisation se fait sur la base "de trois jours de travail par semaine à partir du lundi 30 mars, pour à la fois respecter les recommandations de la médecine du travail et maintenir l’organisation des tournées".
9% des bureaux ouverts
Autre mesure importante : la baisse du nombre de bureaux de postes ouverts, pour "limiter le plus possible l’exposition des agents".En région Centre-Val de Loire, 67 bureaux de postes sont ainsi ouverts sur les 775 existants, soit moins de 9% des sites.
Pourtant, ces mesures ne satisfont pas les syndicats, Sud-PTT en tête. L’organisation a décidé d’assigner en référé la direction pour "l'obliger à évaluer les risques professionnels liés à l'épidémie de Covid-19" et "recenser les cas de contamination" chez ses 250 000 employés.
86% de taux de présence
Sur cette carte de l'organisation syndicale, aucun cas n’est visible dans la région. Mais selon un document de Sud-PTT en date du 29 mars, il y aurait au moins 944 cas suspects et avérés en France, dont 6 dans une partie de la région (les données sont inexistantes pour l’Eure-et-Loir, l’Indre et le Loir-et-Cher).De son côté, la direction nationale de La Poste souligne que "l'employeur n'a pas le droit de collecter des informations sur l'état de santé de ses personnels" et estime que "ce type de mesure pour lutter contre l'épidémie du Covid-19 est inefficace et n'est pas demandé par les autorités sanitaires".
La direction régionale tient à souligner par ailleurs que "98% des tournées sont assurées aujourd’hui en Centre-Val de Loire, grâce à l’engagement professionnel des factrices, des facteurs et de leurs managers".
"Si quelques postiers se consacrent à la garde de leurs enfants ou se doivent de respecter les mesures de protection prises pour des personnes en situation de fragilité, une très grand majorité - 86% en Centre-Val de Loire - se mobilise pour garantir la continuité des activités essentielles à la population".
Un cas suspect à Saint-Florent-sur-Cher
Le syndicat dénonce pourtant dans un communiqué national "une gestion désastreuse des événements" et affirme que ses agents sont "toujours exposés à des risques importants liés au Covid-19 et toujours susceptibles de le propager".Au niveau régional, le secrétaire départemental de Sud-PTT dans le Cher et l’Indre donne quelques exemples. "Sur le bureau de Saint-Florent-sur-Cher, on a eu un cas suspect, il a été écarté, mais on a eu toutes les peines du monde à mettre les collègues en quatorzaine".
De son côté, la direction régionale se défend d'avoir minimisé la situation : "le site a été fermé dès le 23 mars", et cette suspicion a entraîné "l'éloignement" des 12 collaborateurs concernés, et "le nettoyage et la désinfection complète du site". "Le travail a repris ce matin pour l'ensemble des personnes."
50 % des effectifs maximum
D’après Pascal Bucail, les gestes barrières seraient parfois impossibles à respecter, comme maintenir une distance d’un mètre avec un collègue. Dans des "petits bureaux" comme Mehun-sur-Yèvre, "vous êtes forcément les uns sur les autres".Pour les sites importants comme Bourges, les infrastructures obligeraient les postiers à être à moins d’un mètre les uns des autres quand ils font le tri du courrier "Entre deux casiers (de tri du courrier, NDLR), il y a 70 à 80 cm d’écart. Qu’est ce qu’on fait ? On ne peut pas les dissocier car ils sont attachés l’un à l’autre. Donc certains mettent des cartons… C’est de l’improvisation."
Pour sa part, la direction affirme que des dispositions ont justement été prises, comme "les prises de services décalées pour réduire le nombre de personnes présentes simultanément, selon le principe de ne jamais avoir plus de 50 % des effectifs habituels présents en même temps sur un site".
La direction régionale assure par ailleurs que les gestes barrières sont en vigueur, "et spécialement la consigne du lavage des mains (avec gel hydro-alcoolique à disposition), la distance supérieure à un mètre dans tous les échanges et l’application de zonages dans les sites. Si pour une raison ou une autre, ces moyens de prévention n’étaient plus en place, l’activité est suspendue le temps de rétablir ces conditions".
Audience le 3 avril
De façon globale, la direction nationale assure avoir pris "dès janvier 2020 des mesures précoces, massives, systématiques et concertées de prévention et de protection de ses personnels, en respectant les recommandations du gouvernement et des autorités sanitaires".Elle réserve le détail des mesures au tribunal puisqu'elle affirme qu'elle "en exposera les modalités lors de l'audience, comme elle l'a fait chaque jour depuis le 16 mars avec l'ensemble des organisations syndicales représentatives".
L’audience a été fixée le 3 avril.