Reporté au 21 juin, le second tour des élections municipales pourrait finalement se tenir en septembre ou en octobre selon Jacqueline Gourault, ministre de la Cohésion des Territoires. Qu'en pensent les élus du Centre-Val de Loire ? Quels scénarios possibles selon la loi ? Eléments de réponses.
C'est un pavé dans la mare lancé par la loir-et-chérienne Jacqueline Gourault dimanche 19 avril. Interviewée par France 3, la ministre de la Cohésion des Territoires et des Relations avec les collectivités territoriales (MoDem) a évoqué la tenue d'un second tour des élections municipales "sûrement après l'été", en septembre ou en octobre.
Des déclarations qui ont remis la question des municipales sur la table, mais qui n'ont pas été confirmées par le chef du gouvernement. Edouard Philippe renvoie la balle au 23 mai, date à laquelle le report doit être officiellement fixé en fonction d'un rapport scientifique sur la situation de la crise liée à la pandémie de coronavirus.Nous pensons qu'il sera difficile de tenir ces élections en juin.
L'Association des Maires de France (AMF) encourage en tout cas le gouvernement à organiser ce second tour durant la deuxième quinzaine de septembre.
Même son de cloche au centre... même si le son est un peu discordant. Si le président de l'UDI Jean-Christophe Lagarde pense que ces élections doivent être carrément reportées au mois de mars 2021, ce n'est pas le cas de Philippe Vigier. Le député centriste d'Eure-et-Loir (ex-UDI) estime pour sa part que l'organisation d'un second tour au mois de septembre est tout à fait cohérent :Le 21 juin évoqué initialement a peu de chances de pouvoir se faire, mais en même temps nous ne souhaitons pas que ce second tour soit retardé de manière exagérée. Nous avons besoin que la démocratie achève son cycle et nous avons besoin que les collectivités puissent être en plein travail et en pleine responsabilité pour la nécessaire relance du pays - André Laignel, maire PS d'Issoudun et premier vice-président de l'AMF
Parmi ces maires sortants battus dès le premier tour mais qui doivent continuer à gérer la crise sanitaire en attendant l'installation de leur successeur, il y a Angélique Delahaye. La maire (DVD) de Saint-Martin-le-Beau en Indre-et-Loire milite pour l'annulation pure et simple du scrutin :On ne peut pas d’un côté envisager le redémarrage de l’économie, des transports, des entreprises et d’un autre côté empêcher un rendez-vous démocratique. Il faut tout traiter de la même façon.
Aujourd'hui on se retrouve dans des situations ubuesques dans les municipalités avec des maires sortants qui ne se sont pas représentés mais qui sont encore en place, d’autres qui ont gagné et qui veulent mettre en place une nouvelle politique et d'autres encore qui ont été battus mais qui sont encore en place. Philippe Vigier, député centriste d'Eure-et-Loir (ex-UDI)
Avec Angélique Delahaye, onze autres élus de la région Centre-Val de Loire, ont signé une pétition réclamant l'annulation d'un premier tour marqué par une abstention record le dimanche 15 mars dernier. Cette pétition en ligne a été lancée sur change.org par Yves d'Amécourt, maire de Sauveterre (Gironde) et a déjà recueilli un peu plus de 14 000 signatures.Je considère que ce premier tour ne s’est pas déroulé dans de bonnes conditions et une partie de la population n’est pas allée voter car on lui a intimé la crainte de la contamination. La veille au soir on a dit aux gens : on ferme les restaurants, on ferme les bars. Cette injonction contradictoire a perturbé un certain nombre de citoyens -Angélique Delahaye, maire (DVD) de Saint-Martin-le-Beau en Indre-et-Loire
Mais que dit le droit dans tout cela ?
Le 18 mars dernier, le Conseil d'État avait émis un avis assez clair sur la question, peu avant l'instauration de la loi sur l'état d'urgence sanitaire. Selon l'institution, le report du second tour des élections municipales prévu initialement le 22 mars doit être "strictement encadré dans le temps". La haute juridiction estimait alors que si le second tour ne pouvait se tenir dans les trois mois en raison du contexte sanitaire, il faudrait refaire l'intégralité de l'élection, le second tour ET le premier tour.Un risque d'insécurité juridique qui pourrait changer la donne. Mais c'est sans compter les pressions et les arrière-pensées politiques. La droite espère bien capitaliser ses bons résultats du premier tour avec l'organisation rapide d'un second scrutin, tandis que La République en Marche qui a fait de mauvais scores le 15 mars serait plutôt avantagée par des cartes totalement rebattues...Peut-on sacraliser le premier tour et conserver les résultats ?
C’était déjà assez contestable en juin par rapport au code électoral, septembre cela parait très limite et mars 2021 ce n’est plus sérieux du tout. L’expression du vote est forcément faussée avec plus de six mois d’écart entre les deux tours. Un recours pourrait être gagné devant un tribunal administratif et il y aurait donc un très fort risque de déstabilisation juridique, explique le politologue Pierre Allorant, doyen de la faculté de droit à l'Université d'Orléans.
À moins que ce ne soit encore l'abstention qui sorte victorieuse du second tour de cette élection qui - qu'elle qu'en soit l'issue - sera sans doute la plus saugrenue de l'histoire de la Vème République.