Les personnes en situation de grande précarité constituent un public prioritaire depuis le mois de mars selon l'Agence Régionale de la Santé. En Centre-Val de Loire, seul le Cher s'est organisé pour atteindre cette population.
Le 24 avril dernier, Patrice Douret, le président des Restos du Coeur, demandait dans une tribune du Journal du Dimanche à ce que les plus précaires et ceux qui leur viennent en aide "soient mieux intégrés à la stratégie de vaccination en cours de déploiement". En effet, la crise sanitaire n'a pas manqué d'aggraver leur situation.
"Ce sont donc les personnes en situation de précarité qui ont le plus besoin du vaccin, mais ce sont aussi elles qui sont en sont le plus éloignées : difficulté dans l'accès aux soins et à l'information, fracture numérique qui complexifie les prises de rendez-vous, instabilité résidentielle, etc." peut-on encore lire chez nos confrères. Pourtant, d'après Bertrand Moulin, le directeur départemental de l'Agence Régionale de Santé (ARS) du Cher, ce public, quelque soit son âge, est prioritaire à la vaccination depuis le mois de mars.
Dans ce département, l'ARS et la Préfecture se sont donc saisies de la problématique. Grâce au travail réalisé avec les associations locales depuis début 2021, 400 personnes en situation de précarité (demandeurs d'asile, population vivant dans les hébergements d'urgence par exemple) et membres du personnel ont pu recevoir les deux doses de vaccin Pfizer ou Moderna, selon Bertrand Moulin. Une opération en somme toute réussite, mais qui a demandé de l'organisation aux associations.
Covid-19 : pour les sans-abris, la vaccination reste encore difficile d'accès https://t.co/P6ytwZ9IwD
— Europe 1 ??? (@Europe1) April 15, 2021
Difficile de convaincre un public qui ne se sent pas concerné...
Début avril, une journée de vaccination était organisée dans les locaux du Relais, à Bourges. Les personnes en situation de précarité ont directement été contactées par les associations. Elles ont donc été dispensées de prendre un rendez-vous sur les plateformes adéquates, auxquelles elles n'ont, pour la plupart, pas accès. "On ne peut pas dire qu'on ait eu une file d'attente. On était obligés de convaincre les gens de venir" se souvient David Souchet, le président du Relais.
Dans ses hébergements d'urgence, il n'a recensé aucun cluster chez les personnes isolées depuis le début de la pandémie. Alors forcément, celles qui y résident ne se sentent pas toujours concernées. Cependant, selon Laure Guilmet, la directrice de l'association Saint-François, "on a eu plusieurs foyers chez les jeunes mineurs, les personnes qui ont des enfants et chez les familles"
Ils ne mesurent pas l'impact de la maladie sur eux. Au début c'était compliqué de leur inculquer le port du masque. Les confiner pendant 24 heures dans des logements beaucoup trop petites, c'était quasi impossible
Les associations avaient donc aussi pour mission d'aller informer ce public et expliquer l'intérêt de la vaccination. Laure Guilmet constate aujourd'hui que "ça a été un réel investissement des équipes pour sensibiliser ces personnes. Même pour les gens de la rue les conditions de vie sont difficiles depuis un an. On leur faisait savoir que ce serait aussi un pas vers le retour à une vie plus normale". Elle félicite aujourd'hui l'ensemble de ses équipes, soulignant que cette initiative n'est pas effective dans la plupart des autres départements.
...Et qui exprime une certaine défiance vis-à-vis du vaccin
La directrice de Saint-François craignait que ce public, à l'organisation de vie assez instable, ne revienne pas pour la seconde injection, administrée le 6 mai dernier. Pour cette même raison, l'Agence Régionale de Santé hésitaient à attendre l'arrivée du vaccin de Johnson & Johnson, qui a l'avantage d'être unidose.. Finalement, seules 5 ou 6 personnes ne sont pas venues. "On a appris par la suite que parmi elles, une était à l'hôpital et une autre avait attrapé le Covid-19 entre les deux dates d'injection".
Autre difficulté à laquelle elles ont été confrontées : la défiance envers les vaccins, notamment celui d'AstraZenca. En effet, 34 cas de thromboses sont survenus en France après une injection sur plus de 4 millions de doses administrées selon les dernières données de l'Agence Française du Médicament. "On a essayé d'expliquer qu'ils recevraient Moderna ou Pfizer mais rien n'y faisait. Ca nous a été dommageable. Je pense qu'on aurait pu vacciner une quarantaine de personnes en plus sans ça"
Enfin, selon David Souchet, la vaccination ne fait tout simplement pas partie des priorités des plus démunis, déjà très préoccupés par leur situation financière. Lui, ainsi que les autres associations, se concentrent désormais davantage sur la campagne d'auto-tests, qui semble "très bien accueillie par ce public". Si de toute évidence les associations ne peuvent pas imposer la vaccination, elles continuent toutefois à assurer leurs services et essayent d'endiguer l'épidemie à leur échelle de compétence.