Un premier bilan de l'insécurité et de la délinquance en France, publié ce 28 janvier par le ministère de l'Intérieur, porte les traces du covid-19. Si certains délits ont été découragés par le confinement du mois de mars, d'autres ont augmenté localement.
Que dire de l'année 2020, sinon qu'elle a déjoué toutes les prévisions ? Sur le plan de la délinquance aussi, le Service statistique ministériel de la sécurité intérieure Interstats constate de forts contrastes dans son bilan annuel, publié ce 28 janvier. D'une part, dans un contexte marqué par le confinement, certains délits sont en "baisse très nette" à l'échelle nationale, en particulier "les vols sans violence contre les personnes (-24 %), les cambriolages de logements (-20 %)", mais aussi les destructions et degradations ou les vols commis dans et sur les véhicules. Tous ces faits ont connu une chute drastique à la mi-mars avant de se rapprocher de leurs niveaux de 2019 vers la fin de l'année.
A l'inverse, note Interstats "les indicateurs qui enregistraient une forte hausse en 2019 augmentent de nouveau en 2020, dans le contexte de la crise sanitaire, mais de manière plus modérée". Les violences sexuelles et les coups et blessures sont particulièrement concernés, d'autant plus que le rapport note que "la très légère hausse des coups et blessures volontaires résulte essentiellement de la forte augmentation des violences intrafamiliales enregistrées (+9 %) : hors violences intrafamiliales, les coups et blessures volontaires diminuent nettement en 2020 (-7 %)."
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En Centre-Val de Loire, moins de cambriolages mais davantage de violences
En région Centre-Val de Loire aussi, les forces de l'ordre ont constaté de nettes évolution au cours de l'année, dans un contexte ou les trafics de stupéfiants, en particulier, prennent de plus en plus pied dans le tissu rural et périurbain. A Montargis, le procureur de la République Loïc Abrial a pu s'en rendre compte. "On a constaté une baisse des atteintes aux biens ainsi qu'une baisse des cambriolages, ce qui s'explique par le fait que les gens restent chez eux et sont donc plus difficiles à prendre pour cible", explique-t-il. "En revanche, on a assisté à une augmentation des atteintes aux personnes, en décalage avec le confinement."
De fait, la région Centre-Val de Loire enregistre une plus forte baisse que la moyenne française pour ce qui est des cambriolages ou des vols sans violence, mais atteste aussi d'une plus forte hausse des violences sexuelles (+4,1% contre +3% à l'échelle nationale) et pour les coups et blessures (+2,2% contre 0,8%). Cette hausse peut tenir à une augmentation des faits commis, mais aussi, pointe le ministère de l'Intérieur, à une meilleure prise en charge des victimes, en particulier dans les cas de viol.
"Le nombre de victimes de violences sexuelles enregistrées sous-estime encore largement le phénomène", note noutefois le rapport. "En effet, en moyenne, chaque année entre 2011 et 2018, 176 000 personnes âgées de 18 à 75 ans de France métropolitaine ont été victimes de violences sexuelles de la part d’une (ou plusieurs) personne(s) 'hors ménage' selon l’enquête Cadre de Vie et Sécurité."
Les victimes de violences sexuelles hors ménage sont ainsi peu nombreuses à déposer formellement plainte dans un commissariat de police ou une brigade de gendarmerie. Ainsi, selon l’en-quête CVS, sur la période 2011-2018, seules 12 % de ces victimes ont fait cette démarche
Un confinement révélateur des violences intrafamiliales
En effet, dans un contexte où il a été difficile pour les victimes de sortir de chez elles, mais où les incitations à signaler ou à porter plainte sont plus fortes que jamais, les forces de l'ordre ont observé une hausse des faits signalés dans le sillage de chaque confinement. Les maltraitaces sur enfants ont également été davantage signalées entre les deux confinement, surtout dans la période de la rentrée de septembre.
"On a l'impression que c'était relativement calme pendant le confinement lui-même, mais que par la suite il y a eu une forte augmentation des faits signalés", estime le procureur. Du côté des trafiquants de stupéfiants, les confinements ont provoqué des problèmes d'approvisionnenement mais n'ont pas entamé la croissance des filières illégales, contre lesquelles le parquet de Montargis vient de mettre en place un groupe local de traitement de la délinquance (GLTD).
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Quid de la "radicalisation" de la ruralité ?
Dans un article publié le 10 janvier 2021, nos confrères du Figaro s'alarmaient de voir la délinquance gagner "la France des campagnes". Si certaines formes de délinquance, comme le trafic de stupéfiants, commencent en effet à prendre pied dans les communes rurales et périurbaines, en s'appuyant sur la progression de la pauvreté, les campagnes françaises sont encore loin de ressembler au Far West.
De fait, il faut constater que les campagnes ont subi le confinement avec autant de violence que les villes, avec des effets similaires sur la sécurité. Mais les campagnes ne sont pas particulièrement vulnérables selon Interstats : "dans les zones rurales et les petites et moyennes agglomérations, le nombre de victimes de coups et blessures volontaires enregistrées par habitant augmente avec la taille des villes : plus la ville est peuplée, plus le nombre de faits enregistrés par ha-bitant est élevé."
Si l'on observe les chiffres de plus près, les communes rurales et les petites villes dans leur ensemble voient se confirmer peu ou prou les évolutions nationales entre 2018 et 2020. Dans les communes rurales (de moins de 5000 habitants), les homicides, les violences sexuelles et les vols avec armes restent stables, et les coups et blessures accusent même une légère baisse de -0,2 %. Les vols sans violence ont augmenté de 0,3 points à la campagne, mais beaucoup plus dans les villes de 20 000 à 50 000 habitants (la taille de Blois ou Châteauroux), où le taux est passé de 6 pour 1000 habitants à 7,3. Et plus l'agglomération est grande, plus cette hausse est marquée : en région urbaine parisienne, ce taux est passé de 18,2 pour 1000 habitants à 21,5, soit une hausse de 3,3 points.
En revanche, fait surprenant, certaines régions, souvent rurales, qui affichaient un faible taux de violences ont connu une hausse brutale, notamment en Bretagne et dans le pourtour méditerranéen. Faut-il y voir un "craquage" des campagne gagnées par la violence ? Pas forcément, puisque ce contraste "pourrait aussi s’expliquer par des effets d’une hausse du taux de plainte pour des violences intrafamiliales dans certains départements, dans un contexte à la fois d’in-citation à déposer plainte et d’amélioration des conditions d’accueil par les services de sécurité." En d'autres termes, la principale différence pourrait tenir davantage au fait que les victimes réussissent, plus qu'avant, à se signaler.