Plusieurs mastodontes du secteur du bâtiment ont annoncé cette année des suppressions de postes dans leurs rangs. Le marché de la construction immobilière tourne au ralenti. Même si les taux des crédits immobiliers baissent, l'avenir du secteur est sombre selon les acteurs. 6 000 emplois directs seront supprimés d'ici 2025 en Centre-Val de Loire.
Après Nexity et Vinci Immobilier, c’est un nouveau plan social dans le monde du bâtiment. Bouygues Immobilier a annoncé, le 8 avril, la suppression de 225 postes. "L'organisation resserrée devra permettre d'appréhender avec agilité les développements nécessaires pour faire face aux exigences du marché immobilier de demain", justifie l'entreprise dans un communiqué.
Ce plan de sauvegarde de l'emploi "fera l'objet de négociations dans les prochaines semaines avec les partenaires sociaux", souligne-t-elle. Seront privilégiés "le volontariat et le reclassement interne". Pour l’instant, nous ne savons pas quelle région sera la plus concernée. "Notre ancrage local et notre présence partout en France seront conservés", assure la direction de la communication de Bouygues, contactée par France 3 Centre-Val de Loire.
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L’entreprise a été mise en difficulté financière par la crise que le secteur traverse. En 2023, Bouygues Immobilier a subi une perte nette de 7 millions d'euros (contre un bénéfice de 18 millions en 2022), pour un revenu d'1,7 milliards d'euros, en baisse de 14,5% par rapport à l'exercice précédent.
La demande de logements neufs en forte baisse
"Depuis la Seconde Guerre mondiale, la France n’a jamais connu une telle crise". C’est l’une des phrases chocs qui ressort des Assises de la construction et de l’immobilier en Centre-Val de Loire qui se sont déroulées en mars dernier. Les mises en chantier ont baissé de 33 % dans la région sur an, à fin janvier 2024.
Sur le terrain, les logements neufs qui sortent de terre ne sont plus pris d’assaut par les acheteurs, au grand dam des promoteurs immobiliers.
On est vraiment proche de la livraison. Depuis des mois, il n’y a pas de demande de réservation. C’est une situation anormale et inquiétante.
Oriane Le Roy Liberge, directrice régionale de Sully Immobilier
Sur les vingt-six logements à vendre de cette résidence de standing située à Orléans, six sont encore disponibles depuis mai 2023. "Avoir du stock invendu, c’est un poids sur nos épaules. Ce sont des logements qui peuvent se dégrader s’ils ne sont pas entretenus".
#FFBConfDePresse 300 000 emplois menacés : faillite d'une politique !
— FFB (@FFBatiment) March 12, 2024
Les chiffres alarmants de l'activité du secteur ont été révélés ce matin lors d'une conférence de presse.
📉 La chute continue dans le #logement neuf et le non-résidentiel.
Seule l'amélioration-entretien… pic.twitter.com/OVee3zxHuc
L'inflation a touché le pouvoir d’achat des clients, mais aussi les entreprises elles-mêmes. Entre des normes environnementales plus contraignantes et donc plus chères, et des matériaux plus onéreux, la facture s’envole. "On a eu le problème de matériaux qu’on n'arrivait plus à obtenir pour construire. Ce qui a entraîné une inflation très importante. On a eu la réglementation environnementale RE 2020 qui s’est rajoutée à cela. Concrètement, ça a augmenté le prix des maisons de l’ordre de 22 à 23 %", calcule Jean-Marc Fontaine, le gérant de Maisons Vigery.
Des milliers d’emplois en jeu ?
À cause de la conjoncture, le nombre de défaillances d’entreprises est en forte hausse : + 41,9 % sur un an, à fin janvier 2024. Ce qui représente 433 entreprises réparties dans les six départements de la région.
Le secteur table d’ores et déjà sur 6 000 emplois directs supprimés en deux ans dans la région, et plus de 10 000 sur l’ensemble de la filière. Car la construction permet de faire vivre d’autres métiers, comme les cuisinistes, qui voient leur carnet de commandes se vider. Leurs transactions ont connu une baisse de 6,9% en 2023, selon l’Institut de prospective et d’études de l’ameublement. "On ne vit pas de façon compartimentée. La crise de l’immobilier nous impacte aussi", garantit Xavier Boudringhin, co-gérant de Mobalpa à Olivet. "Nos clients attendent pour investir, regardent le marché immobilier, et donc achètent moins de cuisines", ajoute Manuel Teixeira, dirigeant de Bulthaup à Orléans, spécialisé dans le haut de gamme.
Les taux des crédits immobiliers en baisse
La bonne nouvelle, c’est que les taux de crédits immobiliers sont à la baisse, selon la Banque de France. Une première depuis deux ans. Le taux moyen, hors frais et assurances, est de 4,11 % contre 4,17 %. "Aujourd’hui, le risque réside dans le fait que cette amélioration ne profite qu’aux meilleurs dossiers, c’est-à-dire plutôt à des ménages dotés de revenus élevés et souvent secundo-accédants", craint la Fédération Française du Bâtiment qui souhaite un assouplissement dans les conditions d’octroi d'emprunts. La FFB veut également plus de prêts à taux zéro.
Le secteur n’est toutefois pas confiant. Avec la diminution des permis de construire pour les logements (-30 % en Centre-Val de Loire), "la situation va empirer à court terme et pendant a minima deux ans et générer un énorme repli dans ce segment qui va assurément atteindre ses plus bas niveaux en matière de production depuis la Deuxième Guerre mondiale".