L'installation régulée des chirurgiens-dentistes verra le jour au 1er janvier 2025. L'objectif, éviter de concentrer les professionnels dans une même zone géographique et surtout d'apporter des spécialistes dentaires dans les zones sous-dotées, majoritaires en France dont le Centre-Val de Loire.
Un désert médical, pour combien de temps encore ? Les médecins généralistes sont de moins en moins nombreux, le plus souvent non remplacés après leurs départs à la retraite, et les jeunes médecins rechignent à s'installer dans la région Centre-Val de Loire. Pour les médecins spécialistes, c'est au moins la même galère, notamment pour les dentistes.
Sans surprise, le Centre-Val de Loire est la région qui possède le moins de dentistes libéraux actifs en 2024, selon la cartographie de l'Ordre national des chirurgiens-dentistes. Ils étaient 1232 et sont, par exemple, six fois plus nombreux en Île-de-France, où le site Carto Santé indique une zone sur-dotée. C'est presque trois fois plus dans les Hauts-de-France et un peu plus de quatre fois plus en Occitanie.
39,38 dentistes pour 100 000 habitants
Dans le détail, c'est l'Indre-et-Loire qui est le département avec le plus de dentistes libéraux en décembre 2024 avec 273 praticiens, soit un peu plus de 44 pour 100 000 habitants. Ils sont 269 dans le Loiret, 156 en Eure-et-Loir, 126 dans le Loir-et-Cher, 113 dans le Cher et 73 dans l'Indre (34 pour 100 000 habitants).
Sans surprise, les grandes villes françaises sont globalement normalement dotées en termes de dentistes libéraux. La "dotation" de chaque territoire est en effet calculée non seulement en fonction du nombre de spécialistes par rapport à la population, mais aussi par les tranches d'âges représentées et la distance entre les communes. Les communes rurales, où la population est souvent plus âgée, sont donc largement désavantagées.
De fait, dès que l'on s'éloigne des principales agglomérations, c'est beaucoup plus compliqué. Près de 63% des communes françaises sont "très sous-dotées" en dentistes libéraux, selon Carto Santé. Seul le Sud-Est de la France est normalement, voire sur-dotée.
Une concentration due à de multiples facteurs selon Marc Sabek, premier vice-président des chirurgiens-dentistes de France et dentiste à Tours. "Qu'on le veuille ou non, il y a un abandon des territoires par les politiques publiques [...] Il y a aussi l'aspect de l'insécurité. Pourquoi aujourd'hui à Joué-lès-Tours, il n'y a plus de nouvelles installations ? Parce qu'il y a une montée en puissance des incivilités et des violences", détaille t-il.
Pour régler ce problème d'accès aux soins, une mesure "démographique de régulation du conventionnement des chirurgiens-dentistes en zone non prioritaire", va entrer en vigueur au 1ᵉʳ janvier 2025.
En clair, les dentistes libéraux ne pourront plus d'installer dans des zones suffisamment dotées, donc autour des grandes villes françaises (Lyon, Strasbourg, Lille, Paris, Rennes, Nantes, Bordeaux, Toulouse, Montpellier, Marseille), sauf en cas de cession. Et ils devront privilégier les zones sous et très sous-dotées où les besoins sont nombreux, avec l'aide de fortes mesures incitatives.
50 000 euros d'aides pour les nouveaux dentistes installées en zones sous-dotées
Une mesure bienvenue pour le Centre-Val de Loire, qui devrait voir arriver de nouveaux professionnels dentaires dans les années à venir. Pour cela, les professionnels de santé pourront bénéficier de deux dispositifs pour s'implanter dans des zones très sous-dotées.
"Il y a un contrat d'aide à l'installation avec 50 000 euros d'aides. En contrepartie, il aura l'obligation de rester cinq ans dans cette zone", ajoute Marc Sabek. Une aide financée en deux temps par l'Assurance maladie, avec une partie versée la première année et une autre, deux ans plus tard.
Le second dispositif, dans les zones très sous-dotées, est celui de l'aide au maintien, avec une aide 4 000 euros par an sur trois ans. Ces deux aides ne sont pas cumulables en même temps, mais peuvent se succéder.
Une nouvelle faculté d'odontologie qui va porter ses fruits
Enfin, les étudiants en 2e ou 3e cycle d'odontologie peuvent bénéficier du Contrat d'engagement de service public (CESP), une allocation mensuelle de 1200 euros conditionnée par l'installation, pour deux ans minimum, dans une zone où l'offre de soin est insuffisante. Une mesure bienvenue en Centre-Val de Loire, où une faculté d'odontologie a ouvert à Tours en 2022.
Selon l'Agence régionale de santé (ARS), la présence de cette faculté et des mesures incitatives pourraient permettre, à terme, d'atténuer les pires effets du manque de praticiens. Les futur dentistes tourangeaux, qui auparavant étaient poussés à étudier, et à s'installer, dans d'autres régions, seront désormais incités à rester.
Et ce d'autant plus que l'université, précise l'ARS, "a mis en place un important maillage territorial qui permet de bonnes conditions d'accueil sur les lieux de stage". Sachant qu'une majorité de médecins tend à s'installer dans la région où ils ont effectué leur internat, c'est donc un point positif supplémentaire.
À quand une régulation pour les généralistes ?
Tous ces dispositifs incitatifs qui permettront de soutenir les installations de cabinets qui coutent cher aux dentistes. "Lorsqu'un dentiste s'installe, il lui faut beaucoup de matériel. Le fauteuil coûte déjà 30 000 euros. Pour un équipement complet, on approche des 100 000€ si l'on veut vraiment être bien équipés", assure François Favre, vice-président de l'URPS.
Il espère que cette régulation du conventionnement aura des effets visibles très rapidement. "On verra l'impact dans les six prochains mois. On pourrait avoir des déplacements des professionnels de santé vers la campagne", poursuit François Favre, qui est aussi dentiste à Fleury-les-Aubrais dans le Loiret.
Selon l'Agence régionale de santé (ARS), 70% de la population régionale, qui vit en zone très sous-dotée, pourrait profiter des conséquences de cette loi. Rien qu'en Indre-et-Loire, territoire pourtant largement mieux doté que ses voisins, il manquerait déjà "60 à 70 dentistes" selon le Conseil de l'ordre.
Si l'expérience est concluante, ces premières mesures coercitives pourraient ouvrir la voie à une régulation de l'installation des médecins généralistes, actuellement vent debout contre cette idée.