Don du corps à la science : la faculté de médecine de Tours propose une réforme pour plus d'éthique et de transparence

En 2019, l'Express révélait le traitement dégradant réservé aux corps donnés à un centre parisien. Un scandale qui a fait chuter les dons du corps à la science partout en France. La faculté de médecine de Tours et ses partenaires proposent aujourd'hui une réforme pour un meilleur encadrement.

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En 2019, le centre du don des corps de l'université Paris-Descartes défrait la chronique. Une enquête de l'Express vient de révéler le traitement dégrandant réservé à ceux qui ont donné leur corps à la science, dans un "charnier au coeur de Paris". Corps laissés aux rongeurs, membres marchandés ou mélangés... Les enquêtes mettent au jour l'absence d'éthique mais aussi l'immobilité de la hiérarchie de l'université Paris-Descartes.

"Répondre à sa volonté de rester utile après la mort" : le contrat moral de la médecine

La révélation de ces pratiques inacceptables a eu un tel impact sur l'opinion publique qu'elle a fait chuter le nombre de dons de corps à la science, selon l'Université de Tours. Sa faculté de médecine s'est associée à d'autres universités ainsi qu'à des associations de familles de donneurs pour proposer une réforme du don du corps, défendue dans Libération par le professeur Patrice Diot, doyen de la faculté.

Le rapport de leur groupe de travail revient sur l'histoire du don du corps à la science, qui a progressivement puis totalement remplacé l'exercice de la médecine sur les corps des condamnés au supplice, puis des indigents morts sans famille et donnés par les hôpitaux. Ce don, dernier service à l'humanité, "induit un contrat moral liant le défunt et les praticiens : répondre à sa volonté de rester utile après la mort engage le praticien et les institutions qui en bénéficient à être irréprochables durant toutes les étapes, de l’inscription des donateurs à la prise en charge des corps, à leur usage et à leur restitution funéraire" écrivent gravement les signataires de la tribune.

Six propositions pour un don plus éthique

Ce rapport, rendu au nom du collège médical français des professeurs d'anatomie, fait un état des lieux du don du corps en France en 2020. Si dans l'ensemble, le cas Paris-Descartes est très isolé, il doit servir de levier à une amélioration et une harmonisation des pratiques nationales pour le groupe de travail, qui avance six propositions.

  • La création d'un centre national du don du corps

Les 28 centres de don du corps existant en France sont aujourd'hui des entités séparés, qui n'ont ni la même forme juridique, ni le même mode de direction, ni le même modèle économique. Le groupe de travail dont est membre la faculté de Tours propose la création d'un centre national en charge d'harmoniser la pratique sur le territoire, notamment la création d'un fichier unique pour recenser et suivre le parcours des dépouilles.

  • Un modèle économique inscrit dans la loi

Aujourd'hui, les centres de dons fonctionnent soit grâce à la dotation de leur université, à la générosité du public voire à la facturation d'activités se déroulant dans leurs laboratoires. Une recherche de financement qui peut favoriser les dérives, estime le collège des professeurs d'anatomie. "Plusieurs solutions devront être explorées, [notamment] le financement par la collectivité, le don du corps rendant un service à la nation au travers de la formation des professionnels de santé".

La participation des familles, qui est déjà en pratique aujourd'hui, pourrait être pérénisée. Elle a pour motivation, entre autres, d'éviter que le don du corps ne soit pas "motivé que par des motifs économiques" c'est-à-dire pour s'épargner de coûteuses funérailles.

Quel que soit le modèle choisi, il devra être inscrit dans la loi, sous peine de progressivement voire disparaître les centres de don du corps (CDC).

  • Ne pas laisser le champ libre aux entreprises privées

"Le principe de non-marchandisation du corps humain ou de ses parties devra être strictement respecté. Il conviendra notamment d'interdire tout utilisation de pièces anatomiques provenant de don de corps ayant donné lieu à la rémunération du donneur ou de ses ayants-droits" entame le groupe de travail pour sa troisième proposition.

Concernant les ateliers organisés au sein des laboratoires, notamment visant à faire progresser la recherche biomédicale, ils devront être "strictement encadrés". La qualité des intervenants et le respect des principes éthiques devra être contrôlée. Enfin, la facturation de l'atelier ne pourra porter que sur la mise à disposition de locaux, personnels et équipements.

Pour éviter la marchandisation de cette activité, les revenus issus de ces travaux seraient redirigés exclusivement vers la recherche et l'enseignement.

  • Une autorité pour renforcer les règles éthiques

Une fois les CDC formés en réseau autour d'un centre national, lmes conseils locaux auraient la charge de veiller "à l'utilisation exclusive des corps pour des activités de recherche et de pédagogie". 

Garantir l'anonymat, assurer la traçabilité des corps "notamment en cas de sortie du laboratoire" feront partie de leur fonction, ainsi que la remise partielle des cendres à la famille, dans le respect du souhait du donateur.

  • Valoriser les personnels des centres de don

"Le don du corps repose sur des personnels techniques et administratifs peu reconnus, sans perspective de carrière, parfois trop peu encadrés", regrette l'état des lieux tenu par le groupe de travail. Ces conditions ont pu favoriser certaines dérives constatées à Paris-Descartes, selon le rapport d'enquête paru en mars 2020, dit "rapport Courrèges".

Pourtant, travailler dans un CDC demande des compétences précises. Les personnels administratifs, chargés notamment de l'accueil des familles, doivent chaque jour côtoyer la mort, composer avec la douleur, et connaître la réglementation funéraire afin d'informer les familles. Les personnels techniques eux, en charge de la conservation et de la préparation des corps pour les séances de travail, ont souvent une formation de thanatopracteur, et sont fréquemment exposés "à des risques biologiques, chimiques et mécaniques". Le poids psychologique de leur environnement de travail n'est pas pris en compte dans leur rémunération.

Les praticiens et familles de donneurs souhaitent donc une revalorisation de leurs diplômes, et la création d'une formation validante pour les personnels.

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