Élus avec les voix de la gauche, des députés macronistes regardent vers une alliance à droite et créent un tollé

Nombre de députés du camp macroniste ont pu compter sur les voix de la gauche, dont les candidats se sont massivement désistés, pour être élus aux second tour des législatives. Quatre jours plus tard, le barrage républicain est passé, et les tractations politiques écartant une partie du NFP vont bon train.

Il a été réélu grâce à un report de 15 000 voix, notamment du Nouveau Front populaire et de son candidat, le socialiste Christophe Lavialle. 48 heures après le scrutin, le député MoDem du Loiret Richard Ramos a considéré que "le Nouveau Front populaire est mort-né" sur LCP. Au micro de CNews, le député centriste va jusqu'à accuser sur CNews la France insoumise de convertir les musulmans "modérés" à "l'islamisme".

Ancienne conseillère régionale socialiste en Centre-Val de Loire, Fanny Pidoux a dénoncé le "déshonneur" de Richard Ramos. "Pas un remerciement, pas une reconnaissance de son élection par le peuple de gauche", écrit-elle. Alors que, selon elle, "pas une voix n'a manqué au second tour". Comme elle, de nombreux internautes se sont indignés de ce qui passe pour un manque de reconnaissance généralisé au sein de la macronie.

Qui a construit le "barrage républicain" ?

Car, si l'on fait les comptes, ce qu'il reste de la majorité présidentielle doit une grande partie de ses sièges au désistement des candidats de gauche engagés dans des triangulaires et à un report favorable des voix. À l'inverse, si des candidats macronistes, comme la députée sortante du Loiret Caroline Janvier, ont fait le choix de se désister pour barrer la route au RN, ils sont aussi nombreux à s'être maintenus, offrant presque toujours une circonscription de plus à l'extrême droite.

Dans le détail, sept candidats NFP se sont maintenus au second tour des législatives 2024, et 125 se sont désistés. Soit 5% de maintien. Côté Ensemble, 22% des candidats arrivés derrière la gauche ou la droite sont restés dans la course (18 sur 98) dans des circonscriptions "gagnables" par le RN.

Le centre sauvé du naufrage

Et ce barrage républicain a profité d'abord aux candidats Ensemble. Selon les chiffres publiés par l'AFP et Franceinfo, les voix de gauche se sont massivement reportées pour faire barrage au RN et aboutir à la victoire d'un candidat Ensemble, là où l'inverse ne s'est pas toujours vérifié. Concrètement, le naufrage annoncé de la majorité présidentielle a été en partie évité par les consignes du Nouveau Front populaire.

Le RN gagne ainsi 62 duels face au NFP, contre 23 face à Ensemble. Un argument d'ailleurs utilisé tant bien que mal par certains candidats de la majorité, qui ont estimé être les plus "à même de battre le RN". C'était précisément la raison du maintien d'Anne-Laurence Petel en triangulaire dans la 14e circonscription des Bouches-du-Rhône. Maintien qui a débouché sur une victoire du candidat RN.

Rien qu'en Centre-Val de Loire, deux exemples flagrants ressortent. Dans la première circonscription d'Eure-et-Loir, le ministre du Logement Guillaume Kasbarian arrive en deuxième position au premier tour avec environ 20 000 voix, tout juste derrière la candidate RN Emma Minot.

Dans l'entre-deux tours, Jean-François Bridet, pour qui ont voté 14 000 Euréliens, se désiste et appelle à battre l'extrême droite. L'effet est net : Guillaume Kasbarian l'emporte avec 36 000 voix et un score de 60%, là où sa concurrente ne progresse que de 3 000 voix au second tour.

Même processus dans l'Indre, où François Jolivet, député sortant Horizons, obtient 17 000 voix au premier tour, derrière Mylène Wunsch (19755 voix) et devant Éloïse Gonzales, candidate LFI (10 000 voix). Après le désistement de cette dernière, Mylène Wunsch obtient presque le même score au second tour, tandis que François Jolivet bondit à 27 000 votes et remporte le scrutin.

LFI balancé par-dessus bord ?

Au soir du second tour, les deux députés de la majorité ont reconnu au micro de France 3 qu'ils devaient leur victoire à un rassemblement plus large que leur camp. Une "victoire modeste" pour François Jolivet : "Beaucoup d'électeurs ont voté pour moi pour éviter que la France ne plonge dans le vide." Ce qui, pour lui, "vaut contrat". Guillaume Kasbarian, lui, affirme ne pas vouloir "décevoir" ceux qui ont fait barrage en votant pour lui. Aucun des deux n'ira, cependant, jusqu'à nommer le candidat de gauche désisté, et encore moins, dans le cas de François Jolivet, La France insoumise.

Depuis, Guillaume Kasbarian a refusé toute "coalition avec LFI et le RN" sur X (ex-Twitter). Et François Jolivet fait patrie des signataires du communiqué, émis par le groupe Horizons à l'Assemblée, qui appelle "les partis politiques de la droite républicaine aux sociaux-démocrates à conclure un accord politique". Sans La France insoumise, donc, à en croire le "ni RN, ni LFI" brandi par Édouard Philippe pendant la campagne des législatives. Joints par France 3 ce 10 juillet, ni l'un ni l'autre n'a répondu à nos sollicitations.

Un "ni ni" qui fait grincer des dents à gauche, alors qu'Édouard Philippe a reconnu sur TF1 avoir dîné avec Marine Le Pen. Dîner lors duquel "des désaccords très profonds" entre eux ont été constatés. "Vous aviez besoin d'un dîner pour constater ça", lui demande Gilles Bouleau. "J'aime bien rencontrer les gens", lui répond l'ancien Premier ministre et chef de file du parti Horizons.

Barrages en cascade

"À trois reprises, Macron a fait appel au barrage et aux voix de gauche pour empêcher le Rassemblement national d'arriver au pouvoir", s'agace le député écologiste de Tours, Charles Fournier. "On fustige ce qu'on nomme "l'extrême gauche", la France insoumise, on les met au ban de la République, et de l'autre côté on entretient des dîners secrets", fustige-t-il.

Même de l'autre côté de l'échiquier politique, la situation interpelle, quoique pour dénoncer, cette fois, le refus de la majorité de faire un pas vers le RN. Eric Ciotti, désormais officiellement rallié à l'extrême droite, a ainsi ironisé sur le fait que Gérald Darmanin, réélu le 8 juillet, n'a gagné que grâce au "désistement des insoumis en sa faveur".

Alors que le Nouveau Front populaire insiste fort pour mener le gouvernement et mettre en place son programme, la majorité de la macronie souhaite donc jouer son coup pour rester indispensable. Quitte à oublier un peu les belles paroles de l'entre-deux-tours.

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