Dans la 2ᵉ circonscription du Loir-et-Cher, Roger Chudeau, député RN sortant, a été réélu avec 52% des voix. Pourtant, durant la campagne, ses prises de position sur les ministres binationaux ne sont pas passées inaperçues, pas même auprès de Marine Le Pen qui l'a désavoué.
"Tous ceux qui tiennent des propos qui ne sont pas conformes à mes convictions seront mis à la porte." Telle était la promesse de Jordan Bardella durant l'entre-deux tours, faisant référence à "quatre ou cinq brebis galeuses", comme autant de candidats du Rassemblement national qui se sont illustrés par leurs sorties racistes, xénophobes ou complotistes durant la campagne.
Brebis galeuses ou tendance de fond ?
Casquette nazie, casier judiciaire chargé, misogynie et antisémitisme, accusations de viol, russophilie et négationnisme assumé, ou encore "candidate fantôme" : en fonction des critères choisis, c'est tout un troupeau de brebis galeuses qui ont fait parler d'elles de la pire des manières en amont des élections législatives. Et presque tous ont été éliminés au second tour.
Les "quelques brebis galeuses" étaient en réalité un troupeau.
— Thibaut Schepman (@ThibautSchepman) July 9, 2024
On vous raconte le boulot impressionnant de celles et ceux qui ont mis à mal la communication du RN en enquêtant sur leurs candidats aux législatives.https://t.co/I0R0f9aaGS
La Sologne, nouveau bastion du Rassemblement national
Mais dans ses bastions conquis en 2022, le RN accuse le coup sans pour autant vaciller. L'un de ces bastions est la 2e circonscriptions du Loir-et-Cher, qui couvre globalement la Sologne et une partie du val de Cher.
Ancrée fermement à droite, cette "circo" est passée à l'extrême droite au gré du ralliement de son ancien député, Guillaume Peltier à Reconquête ! en 2022, avant que ce dernier soit sèchement battu aux législatives. En 2022 et en 2024, la Sologne lui aura préféré Roger Chudeau, soutenu par une frange de LR.
Le 7 juillet au soir, Roger Chudeau a été largement réélu avec 52,24 % des voix face à son opposant, le candidat divers droite et agriculteur Nils Aucante (47,76 %). Au 1ᵉʳ tour déjà, Roger Chudeau s'était placé en tête du scrutin avec plus de 49 % des suffrages, réaffirmant déjà son ancrage local acquis depuis sa première élection en 2022.
Ministre et binationale, un problème de "loyauté" ?
L'ancien inspecteur d'académie s'est fait remarquer quelques jours avant le premier tour des législatives, pour avoir pointé la double nationalité franco-marocaine de Najat Vallaud-Belkacem, ancienne ministre socialiste de l'Éducation nationale.
"Najat Vallaud Belkacem, Franco-marocaine, qu’a-t-elle fait ?", demandait ainsi Roger Chudeau à l'antenne de BFMTV. "Elle a détruit le collège public et surtout elle a voulu instituer au CP des cours d’arabe." Selon lui, sa nomination rue de Grenelle fut donc "une erreur", non pas pour des questions de compétence ou d'orientation politique, mais parce que le statut des binationaux poserait un problème de "double loyauté".
Elle disait elle-même qu’elle était une sorte de passerelle, de pont, entre le Maroc et la France. Elle le revendiquait comme une qualité
Roger Chudeau, député du Loir-et-CherBFMTV, le 27 juin 2024
Marine Le Pen elle-même n'avait eu d'autre choix que de faire dégonfler la polémique en désolidarisant le parti des "positions personnelles" de son candidat, qui ne correspondaient pas à la ligne du parti.Se disant "estomaquée" sur CNews, la présidente d'honneur du RN a estimé que "Jordan Bardella ne laissera pas les choses en état". "L’amour pour son pays ne dépend pas du fait d’avoir ou de ne pas avoir une double nationalité." Sur le même sujet, Daniel Grenon, député sortant de l'Yonne, avait, lui aussi, affirmé qu'un Maghrébin binational n'avait pas "sa place dans les hauts lieux".
Une "brebis galeuse" reconduite à l'Assemblée nationale ?
Alors, Roger Chudeau est-il, ou non, une "brebis galeuse", et y aura-t-il une sanction ? Joint par France 3 le 8 juillet puis à nouveau le 9 juillet pour expliquer ces divergences, l'intéressé n'était pas disponible pour nous répondre. Néanmoins, pour Aleksandar Nikolic, président du groupe RN en région Centre-Val de Loire, la question ne se pose pas.
"Marine Le Pen a déjà fait un rappel à l'ordre, en rappelant qu'il [Roger Chudeau] se trompait et que cela ne correspondait pas à notre programme." Pour autant, "on a le droit d'être contre la binationalité, d'ailleurs beaucoup de pays la refusent", note le conseiller régional. Ce qui est effectivement le cas dans une trentaine de pays : ainsi la Chine, l'Ukraine ou l'Arabie saoudite ne reconnaissent pas la double nationalité.
"Est-ce que ça doit nous amener à une condamnation ? Non", résume Aleksandar Nikolic. "Mais ça doit nous amener à lui expliquer qu'il n'avait pas à tenir ces propos-là, parce que ça ne correspond pas au programme et que ça brouille ce que les gens peuvent comprendre de nos idées." Dans l'ensemble des candidats qui ont fait polémique au cours de la campagne, la presse aurait mis dans le même sac, selon lui, des CV effectivement problématiques et de simples divergences d'opinion.
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Déroute aux législatives : à qui la faute ?
Justement, outre le fait que le Rassemblement national doive désormais se pencher sur ses élus et candidats embarrassants, certains membres du parti semblent aussi vouloir leur faire porter la responsabilité de la déroute. C'est notamment le cas du député RN de l'Aisne, Nicolas Dragon, qui a reconnu sur France-Inter ce 8 juillet que "les errements de Roger Chudeau sur le sujet ont inquiété des électeurs, encourageant sûrement un front républicain".
"C'est un ensemble de choses qui doit nous obliger à être meilleurs", botte en touche le patron de l'extrême droite régionale. "Oui, il y a certains candidats, extrêmement minoritaire, qui ont mal représenté nos idées", concède-t-il. Mais aucun élu actuel du RN ne se trouve, à sa connaissance, dans ce cas de figure.
Si on veut que demain on prenne le pouvoir, et je suis convaincu que ça arrivera, il faut qu'on en soit dignes.
Aleksandar NikolicPrésident du groupe RN Centre-Val de Loire
Mais avec finalement 143 sièges pour le RN et ses alliés, la question se posera aussi de savoir s'il est en capacité de se passer du moindre élu dans son camp. Elle sera tranchée d'ici septembre, puisqu'une commission interne doit statuer sur le sort des anciens candidats encombrants. L'occasion peut-être de se rappeler la raison pour laquelle, traditionnellement, on écarte les brebis galeuses du troupeau : elles sont extrêmement contagieuses.
